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Citation de MegGomar


La première personne qui m’a montré comment trouver le bonheur et la
beauté dans la vie en observant les gens et les choses autour de moi, a été
Yin Da.
Yin Da était orphelin. Il semblait ignorer comment il avait perdu ses
parents ; tout ce qu’il savait, c’est qu’il avait grandi sous la protection de
ses voisins de village, dans une hutte de 1,5 mètre de long sur 1,2 mètre de
large, où il n’y avait qu’un lit qui prenait tout l’espace. Il avait mangé le riz
d’une centaine de familles, porté les habits d’une centaine de maisonnées, et
appelé tous les villageois du nom de mère et père.
Je me souviens que Yin Da n’avait que les vêtements qu’il portait sur le
dos. L’hiver, il portait une épaisse veste de coton matelassé sur ses
vêtements d’été. Tout le monde autour de lui était pauvre, et une veste
matelassée pour l’hiver était déjà un luxe.
Yin Da devait avoir cinq ou six ans de plus que moi, mais nous étions dans
la même classe à l’école militaire. Pendant la Révolution culturelle, toutes
les institutions éducatives étaient virtuellement fermées ; seuls les collèges
et les écoles militaires étaient autorisés à continuer d’instruire les jeunes,
dans les domaines touchant à la défense nationale. Pour montrer son soutien
aux paysans et aux travailleurs de la ville occupée par la base militaire, mon
école s’était arrangée pour que les enfants du coin soient éduqués avec les
enfants de l’armée. La plupart d’entre eux avaient déjà quatorze ou quinze
ans quand ils ont débuté l’école primaire.
Si Yin Da se trouvait dans les alentours quand les enfants de « rouges » me
rossaient, me crachaient dessus ou m’insultaient, il venait toujours à ma
rescousse. Parfois, quand il me trouvait en train de pleurer dans un coin, il
disait aux gardes rouges qu’il allait m’apprendre à connaître les paysans et
il me faisait faire le tour de la ville. Il me montrait des maisons très pauvres
et m’expliquait pourquoi ces gens, qui gagnaient beaucoup moins qu’une
centaine de yuans par an, étaient heureux.
Le midi, Yin Da m’emmenait dans la colline derrière l’école contempler
les arbres et les plantes en fleurs. Il y a beaucoup d’arbres de la même
essence dans le monde, disait-il, et pourtant il n’y a pas deux feuilles
pareilles. Il disait que la vie était précieuse et que l’eau donnait la vie en se
donnant.
Il m’a demandé ce qui me plaisait dans la ville où était la base militaire.
J’ai répondu que je ne savais pas, il n’y avait rien à aimer ; c’était une petite
bourgade morne, sans couleurs, emplie de la fumée étouffante des feux de
poêles et de gens qui déambulaient dans leurs vestes déchirées et leurs
chemises effrangées. Yin Da m’a appris à regarder et à étudier
attentivement chaque maison de la ville, mêmes celles qui avaient été bâties
à partir de trois fois rien. Qui habitait ces maisons ? Que faisaient-ils à
l’intérieur ? Que faisaient-ils au-dehors ? Pourquoi cette porte était-elle à
demi ouverte ? La famille attendait-elle quelqu’un ou avaient-ils oublié de
fermer la porte ? Quelles conséquences pouvaient résulter de leur
négligence ?
J’ai suivi les conseils de Yin Da en m’efforçant de m’intéresser à ce qui
m’entourait, et je ne m’attristais plus autant des crachats et des vexations
que je subissais tous les jours. Je m’absorbais dans mes propres pensées,
imaginant les vies des gens dans les maisons. Le contraste entre le monde
imaginaire et le monde réel allait devenir une source à la fois de réconfort et
de tristesse pour moi.
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