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Citation de EtienneBernardLivres


MAIS -
C’est la formule ordinaire de l’objection, la préface du refus, le mot fatal avec lequel on restreint, on reprend, on révoque les concessions déjà faites.
C’est la pierre contre laquelle le pied se heurte, alors que l’on touchait au but ; c’est le bouclier derrière lequel s’abrite la volonté qui, prête à céder, se ravise.

« Oui, mon bon, vous avez eu raison de compter sur moi. Vous êtes sûr de me trouver toujours prêt à vous être agréable… Mais… »
Suit une phrase honnête qui donne un démenti formel à cette obligeante préface ; « Mais » a tout détruit en s’offrant comme un vil entremetteur à cimenter l’union des prémisses flatteuses avec la désagréable conséquence que l’on en tire.

« Mais » joue un rôle important dans presque toutes les contrariétés humaines, et c’est ce qui lui doit valoir ici un chapitre à part.
(…)

Il nous arrive à tous, un jour ou l’autre, d’écouter sans être vus une conversation dont notre personne fournit le texte, ou de trouver par hasard dans une lettre surprise une liste impartiale de nos mérites et de nos défauts.
C’est là que nous apprendrons à détester le Mais. — Lorsque quelqu’un entend, par exemple, dire de lui-même :

C’est un homme d’honneur, incapable de faire le moindre tort à qui que ce soit ; on cite de lui vingt exemples d’un noble désintéressement ; ses parents se louent de ses procédés toujours grands et généreux.
Il est instruit, prudent, régulier dans sa conduite, ferme dans ses principes, fidèle et sûr dans les relations de tout genre…
Mais, avec tout cela, c’est le mortel le plus ennuyeux, le plus lourd, le plus généralement antipathique, le plus fui qui soit au monde.
Il exhale je ne sais quel fluide stupéfiant qui suffit pour glacer la causerie la plus animée et métamorphoser en un désert le salon le plus peuplé.

Ou bien encore, quand un pauvre amoureux, tombant sur le portrait de celle qu’il aime, le voit ainsi tracé :

On ne lui conteste pas ses agréments personnels. Elle est remarquable par l’élégance de ses traits, la grâce de sa physionomie, une taille svelte, des détails sans reproche.
Elle a les dents belles, le teint vif et naturel…
Mais ses cheveux, à ce qu’il paraît, ne sont pas aussi authentiques, et nous avons bien ri l’autre jour en reconnaissant dans un médaillon perdu par M. (Le lecteur), une de ces boucles noires et soyeuses qu’Edouard, le coiffeur de la rue de Choiseul, fournit à cette charmante personne…

C’est ainsi qu’en toute occasion Mais nous annonce un désappointement, une déception, un ennui, une fâcheuse disparité entre ce qui nous flatte et ce qui est.
Mais est une borne au champ que nous voudrions illimité ; Mais est une barrière sur la route que nous voudrions libre.
A force de le rencontrer de tous côtés, notre imagination se frappe et crée une multitude de Mais imaginaires qui contrarient nos mille désirs.

J’irais bien m’installer huit jours à la campagne… Mais s’il allait pleuvoir… — Il fait, pendant ces huit jours, le temps le plus beau du monde.

L’envie vous prend de monter chez Madame °°°, « Mais elle n’y sera pas. » — Elle y est, malheureux ! Et vous attend.

Vous passez devant ce seuil qui vous appelle en vain, et que garde, armé de toutes parts, un Mais fantôme.

Je l’épouserais volontiers… Mais, diable !… Une veuve…
Une veuve sans enfants ?… Demandez à tous ceux qui ont connu son vieux mari…

Il y a peut-être du vrai dans tout ceci, va s’écrier le lecteur…
Mais cette dissertation est un peu bien longue…
Et vous voulez qu’on ne haïsse pas le Mais ?
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