Bal Chez Temporel (Andre Hardellet - Guy Beart)
Nos souvenirs nous perpétuent hors de l'espace et hors de notre temps.
On ne fait pas l'amour, c'est lui qui nous fait.
L'amour - c'est ce pays à l'infini ouvert par deux miroirs qui se font face.
La Promenade imaginaire
Les deux années qui suivirent la Libération ressemblèrent à un 14 juillet permanent.
(...)M'accusera-t- on encore
d'" enjoliver" si je confesse qu'il y avait là une dépense de vie et une qualité d'esprit dont je cherche en vain l'équivalent aujourd'hui ? J'ai pris ma part de cette fête, je me suis promené tout mon saoul dans un Paris un peu halluciné qui sentait les retrouvailles heureuses et s'octroyer de grandes vacances(...)
( p.143)
Aujourd'hui, alors que mon capital de sable a dangereusement baissé dans le haut du sablier, il m'arrive de sentir avec une acuité poignante cette incessante hémorragie de temps vivant qui s'écoule de moi; je perds mon temps, comme un sang précieux, alors que je n'en ai jamais eu autant besoin. Spectateur d'un film qui m'impose sa vitesse de déroulement, je discerne une tonalité nouvelle, plus grave, sur les images qu'il me présente: quelquefois même dans les moindres incidents de la vie. L'unique de cet instant et du moi qui l'enregistre, comment n'en rien perdre?
( Extrait de "Donnez-moi le temps")
Je pose mes mains sur le grand pin de Corse dont une plaque émaillée porte la date de naissance: planté en 1774. Je touche son écorce rugueuse, chaude, amie; il faut toucher, rétablir le contact primitif. Sent-il, le vieux solitaire, la prière que je lui adresse avec mes paumes? Tenter de "se penser arbre", ou nuage, est-il plus insensé que tant de besognes auxquelles nous nous consacrons gaillardement? Se prononcer définit le bonhomme mieux qu'un long rapport et une kyrielle de tests.
Il se leva, s'approcha de la fenêtre couverte de buée. De la rue, elle devait produire un halo rose et Masson se rappelait, au temps de sa misère, l'hiver, la fascination exercée par ses lumières qui signifiaient un repas, un feu, une nuit à couvert - ces vies frôlées mais jamais surprises dans leur déroulement secret derrière les murs et les vitres troubles.
Blonde, un peu rousse, des taches de son, des lèvres épaisses, un cul comme une trotteuse de Vincennes. Lourde et lente. Certaine, tangible, en paix avec le monde. Plus tard, lorsque je verrai des Maillol, je comprendrai ; d'autres que moi ont dû sentir la même densité de bonheur chez ces filles de pleine terre et de pleine eau.
La douceur - c'est un vol de chouettes sous le taillis, au crépuscule.
La cité Montgoĺ 1952
Nous avons tous du génie dans la position horizontale et les yeux clos.