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4.83/5 (sur 3 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Paris , le 06/12/1890
Mort(e) à : Monaco , le 01/10/1974
Biographie :

André Albert Birabeau est un écrivain et dramaturge français.

Source : Wikipédia
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CHAPITRES : 0:00 - Titre A : 0:06 - ACTE - Jacques Deval 0:16 - ACTION - Sacha Guitry 0:28 - ADMIRATION - Comtesse Diane 0:38 - ADULTÈRE - Daniel Darc 0:59 - ÂGE - Fabrice Carré 1:08 - AMI - Jean Paulhan 1:18 - AMIS - Madame du Deffand 1:30 - AMOUR - André Birabeau 1:40 - AMOUR - Madeleine de Scudéry 1:51 - AMOUR DES FEMMES - Edmond Jaloux 2:03 - AMOUR ET FEMMES - Paul Géraldy 2:16 - AMUSEMENT - Jean Delacour 2:36 - ANIMAL - André Suarès 2:47 - APPARENCE - Nathalie Clifford-Barney 2:57 - ARGUMENT - Léonce Bourliaguet 3:07 - AVARICE - Abel Bonnard 3:19 - AVENIR - Gustave Flaubert 3:28 - AVIS - Marie d'Arconville B : 3:37 - BAISER - Tristan Bernard 3:49 - BEAUTÉ - Fontenelle 4:00 - BÊTISE - Valtour 4:13 - BIBLIOTHÈQUE - André de Prémontval 4:24 - BLASÉ - Louise-Victorine Ackermann 4:35 - BONHEUR - Henri Barbusse 4:45 - BUT - Richelieu C : 4:54 - CAPITAL - Auguste Detoeuf 5:10 - CERVEAU - Charles d'Ollone 5:20 - CHANCE - Pierre Aguétant 5:31 - COMPRENDRE - Charles Ferdinand Ramuz 5:42 - CONSEIL - Maurice Garçot 5:55 - Générique RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974. IMAGES D'ILLUSTRATION : Jacques Deval : http://www.lepetitcelinien.com/2013/06/lettre-inedite-louis-ferdinand-celine-jacques-deval.html Sacha Guitry : https://de.wikipedia.org/wiki/Sacha_Guitry#/media/Datei:Sacha_Guitry_1931_(2).jp Comtesse Diane : https://www.babelio.com/auteur/Marie-Josephine-de-Suin-dite-Comtesse-Diane/303306 Jean Paulhan : https://jeanpaulhan-sljp.fr/ Madame du Deffand : https://fr.wikipedia.org/wiki/Madame_du_Deffand#/media/Fichier:Mme_du_Deffant_CIPA0635.jpg André Birabeau : https://fr.wikipedia.org/wiki/André_Birabeau#/media/Fichier:André_Birabeau_1938.jpg Madeleine de Scudéry : https://www.posterazzi.com/madeleine-de-scudery-n-1607-1701-french-poet-and-novelist-wood-engraving-19th-century-after-a-painting-by-elizabeth-cheron-poster-print-by-granger-collection-item-vargrc0078786/ Edmond Jaloux : https://excerpts.numilog.com/books/9791037103666.pdf Paul Géraldy : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Géraldy#/media/Fichier:Paul_Géraldy_by_André_Taponier.jpg André Suarès : https://www.edition-originale.com/fr/litterature/divers-litterature/suares-correspondance-1904-1938-1951-79921 Nathalie Clifford-Barney : https://www.amazon.fr/Eparpillements-Natalie-Clifford-Barney/dp/B081KQLJ87 Léonce Bourliaguet : https://www.babelio.com/auteur/Leonce-Bourliaguet/123718/photos Abel Bonnard : https://twitter.com/wrathofgnon/status/840114996193329153 Gustave Flaubert : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/ea/

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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Il est peut-être temps que je vous parle de M. Bréganson. On l'oublie facilement... Ce n'est pas qu'il ne fasse pas de bruit; au contraire, il est tonitruant. Mais il présente cette particularité : il est effacé avec éclat.
Il a le teint rouge, le verbe haut, le corps puissant, et une gaieté sonore comme le claquement d'un fouet de charretier. Avec tout cela, on ne fait pas plus attention à lui que s'il n'existait pas. Quand il est en colère, il produit un vacarme épouvantable; il en obtient moins d'effet qu'un monsieur doux qui dit d'une voix calme : "Je ne suis pas content". Ainsi un moteur peut ronfler à côté de vous tout son saoul sans même que vous y preniez garde.
Cela doit tenir de sa nature : quand il était petit, il braillait comme un perdu pour un rien, sans que cela émeuve quiconque. Ce fut ainsi toute sa vie. Il est comme un chien exubérant qui vous fait fête, saute devant vous, court et jappe follement et que vous ne remarquez point du tout. M. Bréganson raconte mille histoires que personne n'écoute, fait cent cadeaux sans qu'on songe à lui en dire merci, et est peut-être le meilleur des hommes sans que nul, ni sa femme ni sa fille, s'en soit jamais aperçu.
Jovial, au reste, plein d'entrain, adorant les farces aimables, le surprises gentilles. Rien ne l'amuse plus à la campagne que de dire, le soir, à ses invités d'un ton négligent : "Si nous allions fumer le cigare dehors", et à peine sont-ils sur la terrasse qu'un magnifique feu d'artifice leur éclate au nez.
Du temps que sa femme vivait, quand elle avait envie de quelque objet, il ne fallait pas qu'elle s'attendît à ce qu'il lui donnât, comme cela, simplement de la main à la main, avec un bon baiser. Ah non ! Son collier de perles, il le lui avait fait porter par un commissionnaire, enveloppé dans un vieux journal graisseux, avec une lettre remplie d'empreintes digitales et écrite sur le papier quadrillé des lettres anonymes : "Dégné reusevouar 7 omhage dun maleureu que vaut bauté a cédui. Signé : G. Henvy de Toua."
Et il s'ingéniait à lui donner l'argent nécessaire au ménage des façons les plus diverses : par mandat télégraphique, ou tout en timbres de cinq centimes, ou sous des enveloppes variées : "Ministère des Colonies", "Théâtre du Vaudeville", "Administration des Pompes Funèbres"... Cela n'allait pas sans inconvénients. Une fois qu'il lui avait envoyé dix mille francs sous un pli qui portait imprimé "Pharmacie Centrale", elle avait jeté ce prospectus au panier; il avait fallu aller le faire chercher dans la fosse d'aisances...
Et une autre fois, elle avait eu plus peur encore; il lui avait écrit : "Puisque ton vieux cocu de mari est trop pingre pour t'offrir la zibeline dont tu as envie, voici pour la payer, Ô mon amour, en souvenir des heures inoubliables que tu m'as données...". Mais non, ce n'était qu'une farce, le chèque inclus était valable, et les maris ne se traitent pas de cocus, d'ailleurs, quand ils savent qu'ils le sont.
Voilà l'homme.
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André Birabeau
On devrait prendre des conjoints comme on prend des députés, pour cinq ans ; après cela, le conjoint essayerait de se faire réélire.
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VINGT SOUS LA LETTRE (nouvelle entière)

Les mots que l'on dit ne sont jamais ceux que l'on voudrait dire. Ou enfin, pas souvent, pas souvent. Il faut traduire. Robert regarde son fils, ce petit bonhomme, qu'il va quitter. Quitter vraiment. Il ne le verra plus qu'une fois par semaine, - le jeudi, c'est convenu. Histoire simple : l'histoire de tous les ménages qui divorcent, et où il y a un enfant. Un bon déjeuner, tous les jeudis, où l'on servira de la crème. Le père sera empressé, fera des frais comme on fait pour des indifférents que l'on veut séduire, et posera des questions toute la journée : "Qu'est-ce que tu as fait ? De quoi as-tu envie ?". Et c'est très triste. Il ne devrait pas avoir besoin de poser de questions, le père... Alors avant de le quitter aujourd'hui, ce petit, Robert voudrait lui dire un mot qui demeurerait gravé dans ce petit coeur, un mot où il y aurait tout l'amour qu'il ressent. Et il dit :
- Encore les doigts dans ton nez !... Bibi, tu vas recevoir une gifle !...
Il faudrait traduire, n'est-ce pas ?... Ça veut dire... Ah, ça veut dire beaucoup de choses. Ça veut dire : "Je t'aime bien, tu sais, mon petit bonhomme. Je suis gêné, agacé, j'ai comme des crampes d'estomac : on est comme ça quand on a de la peine, et qu'on n'est pas très content de soi."
Ça veut dire aussi : "Je ne devrais peut-être pas m'en aller à cause de toi. Mais tu comprendras quand tu seras grand. Il y a un moment où on a envie de dire zut à sa femme !... Tu verras ça plus tard, Bibi. Ta mère... C'est moi qui ai tort, c'est entendu, j'ai fait des bêtises, mais ta mère a une façon d'avoir raison qui est un tort plus grave que tous mes torts. Elle se plaint et elle menace. C'est tantôt : 'Ah ! Tu n'es plus le même !', et tantôt : 'Si je ne te plais plus, tu n'as qu'à t'en aller !'. Elle me l'a trop dit : elle a fini par m'y faire penser. En face d'elle à table, à côté d'elle au lit, je me suis amusé à penser à ça. Je me suis vu partant. Je me suis dit : 'Je mettrais dans la valise mon smoking, mon costume marron, un peu de linge, mon rasoir mécanique, et j'irais à l'hôtel de l'avenue Kléber. Deux ou trois jours après, je téléphonerais à Lucienne : 'Veux-tu avoir l'obligeance de me dire quand tu ne seras pas à la maison, pour que je puisse venir y prendre les choses qui m'appartiennent ?'. Et voilà...
J'avais pensé à tous les détails, tu comprends. Il n'y avait plus qu'un geste à faire, ça a été très facile. Peut-être que si je n'avais pas su ce qu'il fallait mettre dans la valise, je serais resté... Je suis à l'hôtel depuis quatre jours, j'ai téléphoné ce matin à Lucienne, elle a été très convenable : elle est sortie et elle t'a laissé, pour que je t'embrasse... Mon vieux Bibi..."
Oui, voilà tout ce qu'il voudrait dire, Robert, quand il dit : "Encore les doigts dans ton nez !... Bibi, tu vas recevoir une gifle !...". Sans doute que cela se dit plus facilement que le reste... Pourtant, quand la malle est bouclée, et qu'il va falloir partir, tout de bon cette fois, il ajoute :
- Bibi, écoute, écoute bien... Toutes les fois que tu m'enverras une lettre, tu entends, je te donnerai...
- Vingt sous ?
- Si tu veux. Vingt sous, c'est juré.
Dieu me pardonne, Bibi saute au cou de son père avec un élan particulier. Bibi est un petit monsieur de peu d'années qui est déjà intéressé comme un homme... Ah, mais c'est que vingt sous, c'est une somme, vous savez, quand on a sept ans. Vingt sous, cela doit représenter je ne sais quelle friandise, je ne sais quel plaisir merveilleux, car on ne peut savoir ce qui éblouit l'émagination d'un enfant.
Il faudrait bien vingt sous, d'ailleurs, pour que Bibi consente à ce travail, parce qu'écrire une lettre, ce n'est pas amusant. Je comprends très bien ce jeune homme : moi qui n'ai plus sept ans, écrire des lettres ne m'amuse pas du tout. Et pour Bibi, c'est une vraie besogne. Seulement, vingt sous !... Il se méfiait un petit peu d'ailleurs : avec les grandes personnes, on ne sait jamais à quoi s'en tenir, elles disent des choses, comme ça, en l'air... Mais non : il a essayé, il a envoyé à papa une petite lettre où il avait mis vingt lignes, peut-être, pas plus... - et le jeudi suivant, tout de suite, dès qu'il est arrivé chez papa, sans marchandage, sans qu'il ait même besoin de les réclamer, très honnêtement, papa lui a donné ses vingt sous !
Et la semaine suivante, figurez-vous, au lieu d'envoyer une lettre de vingt lignes, Bibi a envoyé deux lettres de dix lignes, - et papa lui a donné deux fois vingt sous !... Ça doit l'amuser, papa, de voir son nom sur un papier et de décacheter une enveloppe...
Oui, ça l'amuse, papa. Ça fait un peu plus que l'amuser.
Ça lui donne - est-ce bête, hein ? - une petite oppression, un petit tremblement des doigts quand, dans la banalité de sa chambre d'hôtel, sur le plateau d'argent bosselé, le valet lui tend l'enveloppe où son fils a tracé son adresse en jambages incertains.
Aujourd'hui, qu'il doit être heureux ! C'est une enveloppe toute lourde que le valet lui tend. Faut-il qu'il en ait écrit, ce petit garçon qui n'aime pas écrire !...
Et bien non, non, voyez-vous. Le petit garçon n'a rien écrit du tout. Au moment où, tirant la langue et suçant son porte-plume, il baillait devant la lettre à écrire, il s'est souvenu qu'il avait vu, dans l'armoire de sa mère, nouées d'une belle faveur, des lettres toutes écrites déjà. Il y en a vingt-et-une. Vingt-et-une lettres toutes faites, c'est épatant ! Pourquoi un pauvre petit garçon de sept ans se donnerait-il la peine et la fatigue d'écrire des lettres quand il y en a vingt-et-une toutes faites à la portée de sa main ?
Alors Bibi a pris les vingt-et-une lettres, et il les a toutes envoyées à son père, puisque ça lui a fait tant de plaisir, à cet homme, qu'on lui envoie des lettres !...
Et en effet, ça lui fait plaisir, à cet homme, de les recevoir : ce sont les lettres qu'il écrivait à sa femme quand elle n'était encore que sa fiancée...
Ça ne lui fait pas plaisir tout de suite, mais peu à peu, et de plus en plus. Ce sont des lettres très tendres, très amoureuses, et pas tellement vieilles, Mon Dieu ! Ainsi, elle les a gardées ?
Il les lit, dans sa chambre d'hôtel, en face de sa malle ouverte, dans un bruit de sonnettes et de portes qui claquent... "Quand nous serons mariés, ma chérie, quand nous serons nous deux..." Ils ont été "nous trois". Et il est lui seul, maintenant...
Le lendemain, c'est jeudi, et Bibi vient déjeuner. Et Bibi, Bibi le cupide , crie tout de suite :
- Papa, je t'ai envoyé une vingt et-une lettres, tu vas me donner vingt-et-un francs, hein ?
Mais papa répond en souriant :
- Non, Bibi, c'est vingt-deux francs que je vais te donner... Parce que - tu le feras bien remarquer à ta mère en les lui rendant, hein ? - parce qu'il y a vingt-deux lettres maintenant...
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- Ne te frappe pas, mon chéri. Tu es un peu préoccupé, voilà. Tu penses à tes affaires : on ne peut pas penser à tout. Il ne faut pas te faire de bile pour si peu. Oh ! ne prends pas un air vexé. Si j'ai dit « si peu », ce n'est pas pour ť'être désagréable.
- Je me demande seulement comment les choses se passent à Paris, c'est bien naturel.
- C'est naturel, mais c'est idiot. Fais donc attention, cher imbécile : tu es dans le plus magnifique pays de la Terre, tu n'as pas à travailler, tu as une jolie femme à tes côtés... Je peux dire que je suis jolie : tu n'as qu'à regarder le monsieur d'en face pour t'en convaincre... Tu as tout. Tu as ce garçon qui tient à s'appeler Eugène - pourquoi mon Dieu ? - qui vient sur ses pieds plats t'apporter un café presque bon. Tu as la mer. Tu as le soleil. Tu as l'odeur des mimosas. Écoute donc : tu as le cri des cigales, ce cri si continu, si régulier, qu'il semble non plus un chant mais la vibration même de l'été... Rien que cela vous donnerait une bonne torpeur. Écoute donc. Cela fait comme un bruit de sieste. Écoute et ferme les yeux : tu verras une route blanche, une guêpe ivre, une sauterelle en marche qui ressemble à un tank, un paysan paresseux qui boit à la régalade. Écoute : on dirait qu'il y a deux cris de cigale, un vertical et un horizontal. Et tu restes devant tout cela avec une ride ridicule au front. Eh bien non, c'est trop stupide ! Je n'en veux plus de cette ride ! Vous entendez !
- C'est bien : j'irai à un Institut de Beauté.
- À la bonne heure ! Sois un peu bête. Tu ne sais pas comme ça va bien aux hommes d'être bêtes.
- Tu dis ça pour me flatter.
- Un peu de folie, mon vieux. Je sais bien ce qui te manque, va. Tu trouves que le pays n'est pas assez beau parce qu'il n'y a pas de prison. Tu as fait croire à ta femme que tu étais coffré; alors, tu t'imagines que tu es moins coupable si tu te trouves avec moi dans une ville où il y a une prison. Tu vas voir les prisons comme d'autres vont voir les musées. Tu n'es pas rassuré. Je ne sais pas, au fond, si tu n'aimerais pas mieux être en prison que de te promener à mon bras.
- Tu es folle, ma petite Josette.
- Je connais les hommes. Tu n'es que comme les autres. Ce que c'est rare, les hommes qui trompent leur femme sans penser à elle ! Les maris qui ont une aventure, ils croient qu'ils prennent une maîtresse, c'est pas vrai : ils ne font que tromper leur femme. Tu sens la nuance ?
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Les bonnes gens disent : « Le plus à plaindre, ce n'est pas celui qui s'en va, c'est celui qui reste ». Ils appliquent cette réflexion à la mort. Je ne sais pas, là, s'ils ont raison. C'est à voir. Mais cela me paraît tout à fait exact dans le cas du mari qui, pour partir en voyage galant, raconte à sa femme une bourde un peu forte, et pendant que lui-même gambille, laisse à son beau-frère le soin d'arranger les choses.
Songez un peu à ce qu'il y a d'invraisemblances dans cette histoire d'arrestation. Les femmes, sur le coup, l'ont admise très bien - trop bien ! - et les protestations de l'intéressé n'ont fait que les ancrer dans cette idée. Mais tout de même, quand elles seront de sang-froid, elles vont y regarder de plus près. Et qui alors devra trouver à toutes leurs questions une réponse plausible ? Fernand. Fichu métier !
Aussi, le bon Fernand s'enferme-t-il dans son bureau et pose-t-il devant lui une grande feuille de papier blanc.
C'est un homme méthodique. Il se croit capable de mentir tout comme un autre, et sans même rougir, mais à condition qu'il ait son mensonge prêt. Ce n'est pas difficile de mentir pourvu qu'on vous accorde le temps de la réflexion. Seuls des esprits particulièrement doués peuvent se laisser aller à l'inspiration. Fernand ne sent pas en lui cette flamme. Alors il s'efforce de prévoir toutes les objections. Il les aligne proprement sur une colonne, au-dessous du titre : "Questions", sur la gauche de la page; à droite, sous le titre : "Réponses", il y a place pour les explications ingénieuses. Exemple :
"Question" : Pourquoi Jérôme est-il inquiété, et non Fernand, alors qu'ils sont associés ?
"Réponse" : Je ne sais pas.
Il y a ainsi un certain nombre de "Je ne sais pas" dans la colonne "Réponses". Ah ! c'est que Jérôme a vu la chose en grand, lui ! C'est tout de suite plus difficile quand on en arrive aux détails.
Le plus beau est que tous ces "je ne sais pas" répondus aux questions que posent effectivement Émilienne et Clothilde ne gâtent rien. Au contraire : ils ont un petit air de vérité. Parfois même, ils tombent à merveille.
- Entre nous, Fernand, combien a-t-il gagné ?
- On ne sait pas au juste.
- Ah ! - fait Émilienne, impressionnée - tant que ça ?
Il faut dire aussi que si Émilienne demande des précisions, c'est par curiosité et point du tout par défiance. Elle ne doute pas de la situation, elle l'envisage. Elle le fait d'ailleurs avec une lucidité et une énergie de femme forte.
Qui l'eût cru ? Personne. Ni elle-même d'abord.
Elle a vécu jusqu'ici d'une vie mollusque, dans un état de conjugalité quasi-oriental. Nos mœurs bourgeoises sont-elles si différentes des turques, qui les scandalisent ? La différence est que, chez nous, c'est l'esclave acheté qui fournit d'ordinaire le prix de la vente. Vers son âge de vingt ans, Émilienne a fait partie d'un lot qui comprenait, outre elle-même, une fabrique de chaussures, une petite propriété en Charente, des obligations de Panama, et des Foncières 89, et qui a été adjugé à M. Jérôme Salinède.
Depuis, elle a été chercher dans des bureaux de placement, qui sentaient la parfumerie pauvre et le parapluie mouillé, des domestiques qui se sont trouvées, d'année en année, de moins en moins honnêtes; elle a donné à ces domestiques des ordres, toujours les mêmes, mais d'une voix, d'année en année, de plus en plus douce; elle a acheté des robes et des chapeaux; elle a pris, chaque jour, entre octobre et mai, des tasses de thé dans des salons différents où elle a répété des choses qu'elle avait lues le matin dans le journal; elle a fait l'amour, aussi, avec M. Salinède, de temps en temps, quand l'envie en venait à celui-ci.
Elle ne s'est jamais beaucoup occupé des affaires de Jérôme. Ce métier ne pouvait éveiller en elle aucune curiosité : son père l'a exercé avant son mari. Elle ne s'est jamais mise un jour, depuis son enfance, à table, sans qu'un homme y parlåt des choses de la fabrique : son père en parlait avec un accent charentais, Jérôme en parle avec un accent gascon, c'est ma foi toute la différence.
Si encore, c'eût été une autre fabrique que Jérôme eût eu à diriger, elle aurait pu avoir, avec lui, les émotions du lancement, les craintes et les espoirs de l'avenir. Mais non : une bonne petite affaire tranquille dont on prend la suite; pas de gros soucis, pas de folles espérances. On ne mourra jamais de faim, on ne sera jamais millionnaire. Le budget est le même depuis vingt ans : Jérôme solde sans rechigner une série de petits caprices d'Émilienne : quatre caprices par an, à prix fixe.
Et voilà brusquement cette épouse passive en présence du drame. Elle se sent comme veuve. Et elle a la surprise, pas du tout désagréable, de se découvrir pleine de courage au moment du danger.
Que de qualités insoupçonnées : de la clairvoyance, du sang-froid, de la vigueur, et de l'audace. Tout cela vraiment ? Mais oui. Et elle l'ignorait absolument. Ah ! Pas désagréable, pas désagréable en vérité.
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C'est le quiproquo enfin, le quiproquo classique. Mais il n'y a qu'au théâtre que les personnages d'un quiproquo prononcent les paroles justes pour ne se point comprendre. Ici, quand Théziers a bavardé deux minutes, l'échafaudage est par terre.
Il a prononcé le nom de Monte-Carlo, a rappelé à Jérôme une promenade dans le vieux Monaco sous le dais blanc d'une voiture... Il n'en fallait pas tant pour que la vérité apparût.
- Jérôme ! Tu n'étais donc pas en prison !
Jérôme essaie de lutter. Il crie :
- Moi ? Qui est-ce qui a osé dire que je n'étais pas en prison ?
- Mais oui, parbleu ! Tes valises, les rencontres...
- Non, mais dis-moi tout de suite que je suis innocent !
Et il est indigné.
Mais c'est trop tard. Deux minutes d'interrogatoire serré, le témoignage invoqué de Théziers, - lequel est bien fâché d'avoir à le donner -, et Jérôme n'a plus qu'à avouer.
Il avoue. Et avec une espèce de plaisir, alors.
Enfin, il ne sentira plus cette menace qui lui oppressait la poitrine ! Enfin, il va pouvoir crier son innocence !
Eh bien, non, il n'a pas été inquiété ! Ce sont des cambrioleurs qui sont venus, qui ont dévalisé l'appartement, et qui ont posé ces scellés. Lui n'a fait que profiter de la situation pour commettre... Oh !... Une folie, évidemment... Ces quinze jours de voyage... Avec une petite femme... depuis longtemps quittée, déjà !... Émilienne va lui en vouloir, c'est certain, il s'est livré là à une action qu'il regrette de tout son cœur et qu'elle aura sans doute une certaine peine à lui pardonner, mais au fond, ne vaut-il pas mieux qu'il ne soit coupable que de cela ? Tromper sa femme, c'est vilain sans doute, mais c'est moins grave que de s'être livré à des trafics frauduleux... N'est-ce pas ? Et il est heureux, lui, de pouvoir redresser la tête, de pouvoir dire : « Je n'ai jamais eu affaire à la justice de mon pays. Je suis resté l'honnête homme que j'ai été toute ma vie... »
- Tu n'as pas besoin de le crier sur les toits, dit Émilienne, un peu sèchement.
- Quoi ?
- Alors, c'est vrai ? Tu n'as pas spéculé ?
- Si, fait Jérôme avec un doux sourire, sur ta tendresse.
- Imbécile !
- Oh !
- Je te parle sérieusement.
- Ah !
- Tu ne te rends donc pas compte ! Tu ne vois donc pas ! Si tu crois que c'est drôle !... J'avais fait des projets, des commandes... Je commençais à m'habituer au luxe... Et puis vlan !... Tout ce beau rêve effondré !... Mais malheureux, si tu n'as pas trafiqué, comment allons-nous faire pour joindre les deux bouts ?...
- Ce sera dur, mais en se privant...
- On ne se mêle pas de faire des affaires, alors ! s'écrie Émilienne.
Et elle se met à pleurer.
Jérôme est naïf. Il ne voit pas, dans la colère d'Émilienne, ce qui la cause. Il est un peu fât aussi. Il croit que ce qui la bouleverse au point de la faire déraisonner, c'est qu'il l'ait trahie. Alors, il s'efforce de la consoler.
- Ce fut un coup de folie, ma petite Émilienne. Il paraît que c'est fréquent à mon âge. Il vient un moment où, quand on a été un mari toujours fidèle, on a envie d'une infidélité. C'était la première fois, ce sera la dernière.
- La première fois ? Allons donc !
- Je te le jure.
- Je ne te demande pas de mensonges. Il y a longtemps que je me suis résignée à être trompée, comme toutes les femmes. Je n'attendais pas de toi une fidélité impossible. J'attendais de toi une vie heureuse.
- Émilienne, qu'est-ce que tu imagines ? Je te jure que je ne t'avais jamais trompée !
- Tu avais de trop jolies dactylographes !
- Mais je te jure, Émilienne ! Jamais ! Je te respectais. Je n'osais pas.
- Non ?
- Si.
Elle le regarde, indécise.
- N'essaie pas de me faire croire ça. Tu n'osais pas ?... Ce serait trop godiche !
Godiche ?
Mais oui, Jérôme voit dans les yeux de sa femme quelque chose d'incertain. Elle doute.
Elle doute, et si elle le croyait, elle le mépriserait. Oui, il voit cela très clairement. Il a toute sa vie gardé auprès d'elle un ascendant d'homme, de mâle, parce qu'elle l'a cru volage et vainqueur. Si elle l'avait su définitivement gagné à elle, sûr et paisible, elle l'aurait moins respecté.
Et cela est assez triste.
Soumission à la force. Comme les mains se sont tendues, les crédits ouverts, les complaisances apprêtées devant l'homme d'affaires que l'on supposait heureux - par quelque moyen qu'il y soit parvenu.
Alors Jérôme baisse la tête devant sa femme, comme s'il avouait toutes ces infidélités qu'il n'a pas commises. Et il songe :
- Mon Dieu ! Il faut donc partout être coupable pour réussir ?
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L'amour. Comment voulez-vous que je dise autrement ? Il n'y en a qu'un. Un même être aimera de la même façon sa mère, sa femme et sa fille. S'il est tendre, il sera tendre avec sa femme comme avec sa mère. S'il est jaloux, il sera jaloux de sa fille comme de sa femme. Un unique sentiment qui change de nom quand il change d'objet. Et n'allez pas déranger M. Freud pour expliquer cela. Point d'inceste là-dedans, je vous jure. Le mouvement naturel à une âme, simplement. Je prends deux hommes qui aiment leur maîtresse, mais l'un est jaloux et l'autre est tendre : ces deux amours passionnels se ressembleront moins que l'amour fraternel et l'amour filial de ces deux-ci, qui sont jaloux tous les deux. Il n'y a qu'un seul amour, je vous dis : quelquefois le désir, ce serpent, s'y love, voilà tout.
Mais ce serpent, n'allez pas le chercher dans l'amour de Bobby pour Yvette, surtout ! Je vous le répèterai pour que vous en soyez convaincu : rien que de naturel, rien que de clair, rien que de pur...
Et cependant, toute la violence de la passion !
Rien d'autre qu'un père qui aime sa fille, - mais un père qui aime sa fille passionnément. Et s'il l'aime tant, c'est peut-être parce qu'il ne l'a jamais eue, parce qu'on la lui a refusée. Comme le garçon à qui l'on ne veut pas donner sa bien-aimée. Ce fut un amour paternel contrarié.
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C'est encore une petite fille qui s'ébat dans la mer, nage, plonge et jette de l'eau à son père. Mais est-ce bien une petite fille qui, le bain pris, vient s'étendre, dans son maillot, aux côtés de Bobby ?
Bobby, c'est M. Robert Caneiret; et puisque nous parlons d'âge : pas loin de quarante-cinq ans, ma foi. Mais l'âge, après tout, je ne sais pas pourquoi nous en parlons. Quelle importance cela a-t-il ? Il n'y a plus guère que la police pour s'en soucier. Ah, par exemple ! La police... Le gendarme qui arrête votre voiture pour excès de vitesse ne vous laissera pas partir que vous ne lui ayez dit non seulement l'année de votre naissance, mais le mois et le jour; et il n'y a pas un fait divers où vous ne lisiez : "M. X., 36 ans, avait épousé Joséphine Y, 27 ans..." et soyez assuré que si M. X et Mlle Y ont eu un accident, on a demandé leur âge aux témoins.
Mais en dehors de l'Etat qui s'y passionne ainsi, je crois bien que l'âge n'a plus d'intérêt pour quiconque (sauf toutefois, pardon, pour les spectatrices l'âge des comédiennes :"Elle a au moins cinquante-cinq ans, vous savez !"). Mais je veux dire que l'âge n'est plus, comme jadis, un obstacle à rien. Où sont tes barbons, Molière ? Les aïeules cherchent, et trouvent, des aventures galantes à septante ans (quitte à se faire détourner leurs bijoux par leur partenaire) et, un pied dans la tombe, elles dansent encore le fox-trot, de l'autre. Quant aux hommes... Voyez M. Robert Caneiret. A quarante-cinq ans, il se fait appeler Bobby par les jeunes filles.
Sans doute est-il un peu ridé : son front a trois petits volants et des cheveux gris, mais c'est une coquetterie; il a des cheveux gris et des sourcils noirs comme on a un ruban noir sur un feutre gris; ça fait très élégant. Et puis enfin, le fait est là : les jeunes filles l'appellent encore Bobby, à quarante-cinq ans !
Et non, par dérision, non sans douceur, semble-t-il. Ecoutez Yvette :
- Bobby...
Non sans douceur, vraiment.
- Bobby, donnez-moi une cigarette... Non, mettez-la moi dans le bec, j'ai les mains mouillées.
Elle avance son petit visage et sa bouche entrouverte.
- Et allumez-la moi, voyons !
Tout près de lui alors, et en maillot de bain. N'est-ce pas que, peut-être, ce n'est pas une petite fille qui joue ? Mais lui :
- Pourquoi fumez-vous, Yvette ? Une femme qui fume la cigarette est comme un homme qui fume le cigare.
Et ça, c'est une phrase qui a bien quarante-cinq ans ! Mais l'a-t-elle entendue ? Elle semble très occupée à souffler sa fumée par les narines, comme faisaient seules autrefois les dames de mauvaise vie; elle a les bras en croix, le ventre au ciel et elle ferme les yeux : bain de soleil.
- Bobby, vous avez vu papa, ce matin ?
- Euh... non.
- Vous êtes un grand menteur, Bobby. Ce matin, papa a eu l'honneur de vous offrir ma main, et vous l'avez refusée.
Elle ferme toujours les yeux; alors elle ne le voit pas, soudain, pâlir, et même un peu, trembler. Et puis il demeure bien immobile, comme s'il craignait de faire un mouvement. Il regarde sur la mer une petite tâche rouge qui remue : c'est le crâne de M. Bréganson qui, malgré ses cinquante ans, lui, nage au loin comme un adolescent imprudent (vous voyez bien qu'il n'y a pas d'âge !), de M. Bréganson qui lui a ce matin offert la main d'Yvette...
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- Entrons-nous au Casino ? fait Josette, excédée.
- Le Casino ! Dans un moment pareil ! J'y songe bien !
- Bon. Alors, je vais te laisser réfléchir tout seul. Je vais jouer un instant. Donne-moi de l'argent.
- Je n'ai que des billets sur moi. Tiens, voilà 1 000 francs, tu feras de la monnaie.
Josette n'aime pas l'argent, mais elle ne déteste pas le jeu. Elle joue les 1 000 francs. Elle les perd.
Mille francs de plus, c'est peu de chose pour un homme qui vient de calculer que sa fugue lui en coûte, pour une année, 300 000, en chiffres ronds. Mais ces 1 000 francs de surcroît étaient inutiles.
- Tu es insensée, ma pauvre petite ! Tu t'amuses à perdre 1 000 francs dans un moment pareil ! Regarde mes comptes, tiens...
- Ah ! Ce que tu es énervant avec tes comptes ! J'ai en horreur qu'on me parle d'affaires, et tu ne cesses pas de me faire des comptes !
- Je n'ai jamais été un homme d'argent, mais...
- Mais je suis tombée sur ton mauvais quart d'heure. C'est pas de chance.
- C'est un peu ta faute.
Aïe ! Aïe ! Aïe ! Ça, c'est une scène qui commence.
Mais oui, tenez, la voilà. En trois mots, elle est déjà dans son plein.
C'est que Jérôme, préoccupé de la situation qu'il laissait derrière lui, n'a pas tiré grand parti de Josette; et c'est que Josette, insuffisamment aimée par Jérôme, s'est ennuyée près de lui. La scène devait éclater.
Elle éclate. Je devrais vous la raconter. Je manque à tous mes devoirs, je le sais bien, en ne vous la racontant pas. Mais c'est tellement ennuyeux, une scène ! Les gens sont laids, en la faisant. Tenez, Jérôme, ce brave homme, est laid, en ce moment. Et Josette, cette jolie femme, est laide. Je voudrais ne pas vous montrer ça. Je voudrais m'éviter de voir ça moi-même. Alors, je vais vous dire la fin de la scène seulement, vous voulez bien ?
Voilà. Tout est fini. Toutes les paroles vilaines, désagréables, injustes, sont dites. Il est entendu qu'on va se quitter. Il n'y a plus, face à face, que deux personnes sur le point de redevenir indifférentes l'une à l'autre. Josette n'est plus très éloignée d'être de nouveau délicieuse, le « joli brin de fille ». Jérôme a un peu plus de peine à faire figure aimable : c'est que l'histoire lui coûte plus cher, aussi ! Josette a beau avoir ce même costume de voyage qui la rendait si désirable à Villebin, il l'y trouve moins charmante. Fini.
- Adieu...
- Adieu.
La main.
- Mais... Vous n'allez pas me quitter comme ça - fait Josette.
- Oh ! Je vais vous accompagner à la gare.
- Je veux dire : quand un homme quitte une femme... qui lui a été favorable... l'usage est qu'il lui en montre... sa reconnaissance...
- Ah !
- Il me semble.
- Oh ! Pardon.
Josette, en effet, avait toujours dit qu'elle n'aimait pas parler d'argent; elle n'a jamais dit qu'elle n'aimait pas qu'on lui en donnât. Et c'est bien fâcheux qu'elle n'en veuiile point parler, car ainsi Jérôme est obligé de trouver lui-même le chiffre qu'il va inscrire sur son chèque et, par galanterie, par gêne, il en inscrit un plus gros qu'il ne serait sans doute nécessaire.
- Merci, cher ami. Je rentre à Paris. Est-ce que vous faites route avec moi ?
- Je vous crois, que je rentre !...
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- Ce qui me plaît en vous, c'est justement cette crainte et cette douceur. Voulez-vous que je sois franche ?
- Attendez que je me regarde dans une glace. - Non.
- Si. Ce n'est pas désobligeant. Ce qui me pousse vers vous, ce n'est pas une passion irrésistible, c'est que vous avez une bonne figure sympathique, une figure d'autrefois... Pas une de ces figures dures des hommes d'aujourd'hui... Une figure qui ne pense pas qu'à l'argent, enfin ! Vous seriez content d'en avoir beaucoup, parbleu, comme tout le monde, mais vous ne pensez pas qu'à en gagner.
- Aussi mes affaires ne vont pas très fort.
- Je trouve ça charmant.
- Ah !
- Oh oui ! Les gens qui ne pensent qu'à l'argent, voyez-vous !... J'ai eu un ami, tenez, un banquier, il me donnait tous les mois une grosse somme, mais il passait son temps à m'expliquer comment il fallait la faire fructifier. Finalement les trois quarts de sa grosse somme, il me les fait placer dans sa banque. Et un beau jour, il a levé le pied !... Après, je me suis amourachée d'un petit, un poète. II m'a plu parce qu'il avait l'air triste. J'ai appris depuis que s'il était triste, c'est parce que le Rio dégringolait, et il fallait que je le console toutes les fois que la Royal Dutch avait baissé. C'était ça, ses peines d'amour !... Et tous les hommes sont pareils aujourd'hui. Le fils de ma concierge se fait mille francs par mois en indiquant des adresses d'appartements à louer. Il est chasseur de restaurant, et il a douze ans !
- C'est l'époque.
- Ah ! Je ne suis pas de cette époque-là. J'aime les hommes qui, quand ils sont auprès d'une femme, ne pensent qu'à elle. J'aime се que nous allons faire, si vous voulez.
- L'amour ?
- Eh ! Eh ! Vous le dites, maintenant !... Eh bien oui, joliment, follement! Vous quittez Villebin demain, m'avez-vous dit ? Je le quitte avec vous.
- Vous venez avec moi à Paris ?
- Plus loin.
- Ah ! C'est que je ne vais qu'à Paris, moi.
- Ne croyez donc pas ça : vous allez, avec moi, en Dauphiné, en Savoie, en Provence...
- C'est le voyage qui vous tente ? Vous ne croyez pas que, sans quitter Paris, un petit coin discret... Où nous pourrions au besoin imiter le bruit du chemin de fer...
- Ah non ! Un petit coin discret où vous viendriez me retrouver à six heures du soir quand votre usine serait fermée, et où vous me réciteriez en guise de paroles tendres les chiffres de votre livre de caisse ! Ah non ! Non ! Moi, ce que j'aime dans une histoire d'amour, c'est l'amour.
- Ça ne vous fait pas peur de me dire ça à moi ?
- Non.
- Merci.
- A demain, alors ? 9h05, le train ?
- 9h05. Je suis affolé, vous savez. C'est complètement fou. Vous êtes exquise. Je vais le faire.
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