Un homme cependant, dans cette horrible enceinte,
De la terreur publique ose braver l'atteinte,
Desgenettes est son nom; sur un marbre pieux
La Grèce l'eut inscrit à coté des dieux.
Courbé près d'un mourant que la fièvre désole,
Il reproche à la foule une terreur frivole,
Rassure le soldat qui tremble pour ses jours;
Puis d'un horrible preuve appuyant son discours,
Au fond d'une tumeur par le mal calciné,
Il puise sur l'acier la goutte empoisonnée,
Et dans sa propre veine, ouverte dans sa main,
Infiltre sans pâlir le liquide venin.
Extrait, Chant septième "la Peste"
Déjà les grenadiers, dans leur marche indécis,
Fouillent les corridors par les torches noircis;
Ils admirent long-temps, sur les frises tombées,
Le vif azur qui teint l'aile des scarabées,
Les feuilles de lotus, les farouches typhons,
les granits constellés qui parent les plafonds;
Les murs ou vainement de muets caractères
D'un magique alphabet conservent les mystères;
Les têtes d'Anubis aux longs bandeaux plissées;
Les pylônes massifs , en talus abaissées,
Qui depuis trois mille ans, sur leurs faces jumelles;
Gardent les dieux sans nom aux pendantes mamelles;
Le piédestal sonore ou mugissait Apis;
Et le sphinx merveilleux, gravement accroupis,
Qui semblent , sur le seuil de la longue avenue,
Proposer au passant une énigme inconnue...
Chant quatrième "les pyramides"
Comme un camp voyageur peuplé de bataillons,
Qui dans l'immense plaine étend ses pavillons,
A la brise du nord, une flotte docile
Sillonnait lentement les eaux de la Sicile;
Sur les canons de bronze et sur les poupes d'or,
Brille un premier soleil du brulant messidor :
Ou vont-ils ? on l'ignore ; en ces mers étonnées
Un bras mystérieux pousse leurs destinées,
Et le pilote même, au gouvernail assis,
Promène à l'horizon des regards Indécis.
extrait du chant premier "Alexandrie"