Comment penser l'au-delà de tout ce qui d'une manière ou d'une autre peut-être pensé? Pourtant notre âme pressent qu'en dehors des limites de tout qui est fini, il y a cet abîme où elle se perd et dont elle ne peut rien faire sans se contredire aussitôt. Celui-là, ou mieux cela (ekeino), c'est peu de le déclarer indicible. La pensée fait plus ici que de sortir des limites du discours. Elle ose sortir du tout et, jetée hors d'elle-même et hors de tout, c'est le dehors absolu qu'elle affronte. [...] Elle fait l'expérience du renversement absolu de la pensée et du langage. Et, pour échapper au vertige, sitôt ce gouffre entrevu, elle revient en arrière. Elle sait que le rien ne peut être pensé. Elle sait aussi qu'il lui faut nécessairement l'admettre.
Entre l'un et le tout, ce qui n'est ni un ni tout est "chaos". Mais il faut entendre le chaos au sens hésiodique comme la béance de l'origine. Damascius est fasciné par cet abîme, et si nous cherchions quel est le thème qui revient le plus souvent dans le "traité des premiers principes", nous verrions que c'est celui du pluriel pur.
C'est à la limite de l'intelligibilité, au-delà ou en-deçà, qu'on entrevoit la pluralité pure.