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Critique de audelagandre


« La Régulation » s'ouvre sur une énumération glaçante de toutes les aberrations que l'homme a fait subir à la Terre et des réponses de celle-ci : augmentation des températures, inondations et coulées de boues, incendies, cyclone, montées des eaux, virus libérés du permafrost, krach boursier, tempête solaire qui met à terre Internet. En 2031, « le monde coule littéralement ». En 2043, les moyens de communication sont coupés. Sale temps sur la planète…

Trois cent ans plus tard, focus sur une cité protégée par des murs épais. Personne n'en sort, personne n'y entre. L'Effondrement a eu lieu, de nouvelles règles sont désormais en place comme ce couvre-feu à partir de 19 h surveillé par une armée de drones qui n'hésite pas à tirer. Lorsque Gaëlle Perrin-Guillet présente ses personnages, c'est aussi l'heure où « La Régulation » sonne. Les règles sont simples : plusieurs personnes trouvent sur leur smartphone une liste d'individus à assassiner. « La Régulation a été déclenchée hier soir suite à une augmentation de la population que les décès n'ont pas pu équilibrer. (…) Huit d'entre vous ont reçu le nom de quatre habitants de cette ville. Parmi ces quatre noms, un seul sait qu'il est en danger. Les autres ne le savent pas. » Il faut chasser avant de devenir proie, localiser les personnes de sa liste et les éliminer. Surtout, ne jamais dévoiler la teneur de sa mission, et tuer avant d'être tué.

Ambiance « Hunger Games », mais sur un terrain de jeu plus vaste. Comme dans Koh Lanta, à la fin de « La Régulation », il n'en restera qu'un… sauf que tous les autres seront morts. Une mystérieuse organisation, les DIX, est à l'origine de toutes les nouvelles normes sociales, règlements et lois de la cité. Ce sont eux qui ont mis en place « La Régulation » pour maintenir un équilibre dans la population et la nourrir décemment. Sauf que… sur la liste envoyée à chaque Régulateur, peut figurer le nom de votre meilleur ami, de vos parents, de vos compagnons. Sadisme orchestré ou pure coïncidence ? En tout cas, droit de vie ou de mort sur l'ensemble de la population, perversité absolue, cruauté sans nom.

La peur de l'autre devient alors omniprésente. Quelle attitude adopter ? Se cacher ou être pro-actif en exécutant le plus rapidement possible ceux qui se trouvent sur votre liste ? Gaëlle Perrin-Guillet positionne le lecteur dans la peau de chaque Régulateur afin qu'il ressente ses émotions et la charge mentale qu'il éprouve. « La Régulation » sonne le glas d'une paix toute relative et fait naître la hantise d'être assassiné, et le cauchemar de devoir éliminer. Une forme de psychose s'installe, car « Un régulé qui tuerait son Régulateur deviendra de fait destinataire des noms restants sur la liste. Un Régulateur qui éliminerait un autre Régulateur avant que ce dernier n'ait fini sa liste héritera des noms supplémentaires. »

Les personnages sont fort bien campés et le lecteur s'y attache instantanément. Certains individus choisissent de se conformer à la règle sans se poser de questions, d'autres expriment intérieurement leur désaccord et remettent en question l'autorité établie. Au-delà de la résilience des habitants de l'Enclave où tous semblent marcher dans la même direction, quelques individus cherchent à analyser le système pour tenter d'en exploiter les failles. Tous les Régulateurs sont nés avec la procédure de « La Régulation » sans rien savoir véritablement de sa création, une règle « Immuable depuis des décennies ». Pourquoi l'accepter sans broncher ? Qui sont les DIX et est-il possible de les détrôner pour reprendre en main le contrôle de sa vie ? L'écrivaine dévoile peu à peu les arcanes de cette société, en emmenant les Régulateurs et le lecteur au coeur d'un fonctionnement qui n'est pas tout à fait ce qu'il paraît être…

« La Régulation » est immersif, la tension constante et le suspense très bien maîtrisé. J'ai beaucoup aimé me plonger dans cet univers dystopique que j'affectionne particulièrement dans mes lectures en ce moment. Malgré le contexte sombre et souvent désespéré de ce type de roman, l'exploration de la nature humaine et des valeurs morales reste fascinante. Gaëlle Perrin-Guillet interroge, elle aussi, le monde qui nous entoure, pour mieux explorer de nouvelles formes de gouvernance, de structures sociales et de valeurs morales, offrant des parallèles subtils vers notre propre monde. Ainsi, la peur de l'autre, la résilience humaine, les forces et faiblesses d'un groupe, la perspective d'être acteur de sa propre existence malgré les contingences instaurées restent des points d'ancrage forts de « La Régulation ».

J'ai senti qu'elle avait pris beaucoup de plaisir à créer cet univers et cet enthousiasme est contagieux. « La Régulation » convient à tout type de public, n'hésitez pas à le faire lire également à vos adolescents.

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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