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Critique de 5Arabella


Après la démolition du théâtre du Petit-Bourbon, la troupe de Molière et les comédiens italiens qui partageaient la même salle, se sont vus relogés en 1660 au théâtre du Palais-Royal. Ce théâtre faisait partie du Palais Cardinal, propriété du cardinal de Richelieu (grand amateur de théâtre) qu'il a légué au roi, et au moment où Molière et les Italiens se le voient proposer, il n'est plus en très bon état. Les deux compagnies vont s'en accommoder tant bien que mal pendant quelques années, mais en 1671 Molière souhaite y donner psyché, une fastueuse tragédie-ballet,créée dans la salle des machine de la cour. Or l'état des poutres n'autorise pas du tout l'installation des machines permettant de jouer cette pièce. Des travaux deviennent donc indispensables pour permettre à Molière de donner de grands spectacles à machines, accompagnés de musique et de danse, qui sont dans l'air du temps et qui attirent le public en nombre. Ces travaux finis, les répétitions de psyché peuvent commencer. Mais compte tenu de l'importance des décors, et de l'alternance avec les Italiens, il n'est pas possible de reprendre les pièces de répertoire habituelles de la troupe de Molière. Pour ne pas arrêter complètement les représentations et les rentrées d'argent pour la troupe pendant la préparation de psyché, Molière écrit rapidement une pièce en trois actes (donc une petite comédie) nécessitant peu de décors et d'accessoires, faciles à enlever après la représentation.

Molière choisit d'adapter une comédie de Térence, Phormion, à qui il emprunte l'intrigue de deux jeunes gens qui tombent amoureux pendant l'absence de leurs pères, et dont l'un épouse la jeune fille qu'il aime, et l'autre a besoin d'argent pour racheter celle qu'il aime à un marchand d'esclaves, sans bien entendu l'accord des pères. Ils seront tirés d'affaires par un habile esclave.

Molière change peu la trame d'origine, il l'adapte seulement au contexte de son temps. Ainsi ce n'est plus à un marchand d'esclaves qu'il s'agit de racheter la jeune fille, mais à une bande de Bohémiens. de même l'esclave devient un valet, le Scapin du titre. Molière dédouble les fourberies du rusé serviteur, qui doit au final extorquer de l'argent aux deux vieillards et non plus un seul. de même les deux jeunes filles se trouvent êtres celles que les pères voulaient faire épouser à leurs fils, ce qui permet une heureuse issue à la fin de la pièce, tout le monde trouvant son compte à l'affaire. le dédoublement des fourberies du valet imprime à la pièce un rythme endiablé et donne à Scapin le rôle central, et à Molière qui le jouait une occasion de montrer tout son talent d'acteur comique.

Par ailleurs, la réplique la plus célèbre (Mais qu'allait-il faire dans cette galère ?) est empruntée à l'unique comédie de Cyrano de Bergerac, le pédant joué. Pièce jamais jouée ni éditée, car en plus de s'attaquer à un célèbre professeur, elle contenait des éléments considérés à l'époque comme blasphématoires, et qui ne circulait que sous forme de manuscrit parmi les libres penseurs. Ce qui montre au passage que Molière en faisait partie, et que les attaques des gens d'Église à son encontre n'étaient pas le fruit du hasard.

Les fourberies de Scapin sont créées le 24 mai 1661 et ne rencontrent pas un grand succès. Elle quittera l'affiche en juillet pour laisser la place à psyché, et sera édité en août.

Un peu conçue comme un bouche-trou, écrite très rapidement, la pièce montre à quel point Molière est capable d'insuffler une forme de génie à un canevas convenu. Son valet, l'air de rien, met en lumière tous les défauts de ses maîtres, vieillards avares et égoïstes, jeunes gens imprévoyants et de peu d'esprit. Il est la force agissante, mais sa condition sociale l'empêche de donner la pleine mesure de ses capacités, réduit à servir des personnages de peu d'intérêt de de peu d'envergure. Et il n'a pas de reconnaissance à attendre de ceux qu'il sert. Il y a là une sorte de satire sociale puissante, mais sans que cela nuise au formidable potentiel comique de la pièce.
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