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Critique de ComptoirDesConnaissances


J'ai connu ce livre par recommandation. En l'achetant, j'avais déjà une idée générale du roman avant de le lire et c'est le fait qu'il soit post-apocalyptique qui m'a convaincue. J'ai très peu lu de romans de ce type-là alors que j'apprécie beaucoup les films post-apocalyptique et je me suis dit que c'était justement une bonne occasion d'en lire. In the After est un roman écrit par Demitria Lunetta et dont la duologie est publiée aux éditions Lumen. Apparemment, cette autrice américaine n'est traduite en français que pour cette saga. Sinon, elle publie un certain nombre de romans et de romans graphiques, surtout destinés à un lectorat jeunesse ou adolescent. Ce qui est intéressant dans son parcours dans l'édition c'est qu'elle écrit de nombreux genres différents. D'un côté, cela lui procure beaucoup d'expériences dans plusieurs domaines, d'un autre côté, nous pourrions nous demander si elle connaît réellement les codes de la science-fiction et si elle ne mélange pas tous les genres dans ses livres. Mais j'ai été rassurée en lisant In the After en constatant qu'il s'agissait bel et bien d'un roman post-apocalyptique.

La première page de couverture évoque quelque chose de sauvage mais aussi de fragile. Les couleurs très sombres rappellent le registre de l'horreur, que nous retrouvons dans les romans post-apocalyptiques mettant en scène des zombies ou des créatures semblables comme ici. En plus de la phrase d'accroche qui évoque une chasse l'homme, nous pouvons également sentir une impression d'être trop à l'étroit et de devoir s'échapper. Quant à la quatrième de couverture avec toutes ses autres phrases d'accroche en emphase, nous voyons très facilement que c'est un roman américain qui a beaucoup été apprécié et qui aurait pu devenir un best-seller (il me semble que la saga n'est pas considérée comme en étant un). le résumé présente les deux protagonistes, Amy et Baby, ainsi que l'origine de la catastrophe qui a décimé la population humaine. L'idée de fuite et de traque est encore plus présente dans ce synopsis, et c'est vraiment cette dimension horrifique qui m'a attirée dans ce roman.

Sans même avoir besoin d'ouvrir le roman, nous pouvons déjà constater que l'intrigue va se découper en trois parties distinctes mais très équilibrées. Chaque partie porte un nom plutôt explicite de ce qu'il va se dérouler à l'intérieur. Pour faire simple, la première partie expose le nouveau monde, nommé l'Après, ainsi que les règles pour survivre, et introduit quelques personnages-clés pour la suite du récit. La deuxième partie prend place dans une ville appelée New Hope qui est littéralement le nouvel espoir de l'espèce humaine, et montre comment les humains peuvent se reconstruire après une catastrophe qui a coûté la vie à presque l'entièreté de la population mondiale. La troisième partie, moins indépendante que les deux autres, est davantage une conclusion de tous les éléments amenés depuis le début du roman.

L'intrigue s'ouvre sur Amy, la narratrice qui explique sa situation au lecteur. Ce début m'a très vite happée car sans être à proprement dit in medias res, il permet de rentrer directement dans la situation de l'Après avec des phrases chocs et des références à notre monde à nous, avant que les aliens ne soient arrivés. le premier chapitre, une sorte de prologue de deux pages, pose les bases des dangers du nouveau monde et met en garde le lecteur contre tout ce qui peut arriver de mal à la protagoniste. Nous ne sommes pas dans un incipit purement descriptif pour permettre au lecteur de suivre la suite des péripéties, nous sommes juste dans un moment suspendu dans le temps, entre les pensées de la narratrice et ses actions. Baby est un personnage introduit durant ce prologue mais nous ne savons rien d'elle si ce n'est qu'elle et Amy survivent ensemble. Cet incipit, auquel nous pouvons ajouter les quelques pages du deuxième chapitre, est donc très efficace pour que le lecteur rentre dans le récit.

Nous retrouvons cette efficacité de l'intrigue durant tout le roman. Il n'y a pas réellement de moments moins intéressants ou moins bien structurés, Demitria Lunetta sait indéniablement comment écrire un roman et comment fidéliser son lecteur. Même si nous pouvons trouver quelques facilités scénaristiques (mais quel roman n'ont contient pas ?), le tout reste très homogène et avec une réelle identité. le type d'intrigue que l'autrice nous propose, à savoir un récit post-apocalyptique où des aliens (à la place des classiques zombies) pourchassent les humains pour les dévorer, a déjà beaucoup fait couler d'encre et n'est pas donc pas original. Je me dis que c'est une des raisons pour lesquelles ce roman ne me laissera pas un souvenir impérissable alors qu'il possède clairement de gros points forts au niveau de sa structure. Un certain nombre de péripéties sont prévisibles, quelle que soit la partie du récit dans laquelle ils se trouvent, mais ce n'est pas pour autant que je n'ai pas pris plaisir à lire In the After.

Cependant, l'intrigue prend de la hauteur à partir de la deuxième partie du roman, notamment lorsqu'Amy et Baby arrivent à New Hope, une ville reconstruite par les quelques humains survivants. le récit se découpe alors en deux temporalité : la première où Amy s'acclimate à cette nouvelle ville (l'intrigue que le lecteur s'attendrait à lire) et la seconde qui se déroule bien plus tard, probablement plusieurs mois après son arrivée à New Hope. Cette superposition des intrigues est assez surprenante, mais également intéressante. Il y a beaucoup moins de suspens que dans les romans post-apocalyptiques classiques puisque nous savons déjà ce qu'il va advenir d'Amy, mais de nombreux parallèles entre le moment du passé et celui du futur sont créés, rendant la lecture un véritable exercice de style. Globalement, c'est un roman qui peut se lire très rapidement. Je n'ai personnellement pas vu passer les 400 pages et je pense que c'est parce que je me suis sentie attirée par ce double récit dont je tentais de découvrir les chaînons intentionnellement manquants pour reconstruire l'histoire d'Amy dans le bon sens.

Même si nous avons peu d'indices précis sur la temporalité du roman, celui-ci se déroule forcément après les années 2000 voire 2010. La technologie est un point clé de l'univers à plusieurs points de vue : le portail électrifié chez Amy est ce qui lui permet de rester en vie en gardant à distance les aliens qui ne peuvent s'approcher de la maison, et dans New Hope, la recherche en biologie est essentiel pour la reconstruction de l'espèce humaine. La technologie est utilisée avec parcimonie mais aussi pertinemment, ce qui change des romans de science-fiction où elle est la résolution à tous les problèmes (ou le maux de tous) et où elle absorbe la vie des personnages.

Mais outre cela, l'univers d'In the After est très semblable à la réalité américaine. Amy vit dans un quartier résidentiel de familles très aisées et grâce à ça elle a un grand jardin, une grande maison et surtout un sous-sol aménagé dans lequel elle pourra vivre pendant trois ans. C'est assez triste de constater que parce que ses parents sont riches et qu'ils ont dépensé leur argent intelligemment, Amy a pu survivre aussi longtemps mais d'un autre côté, c'est la dure réalité des choses. L'autrice a fait le bon choix de rester dans un univers vraisemblable sans utiliser la chance mais plutôt la rationalité pour faire survivre ses personnages. Au début du roman, Amy nous raconte comment elle a fait la rencontre d'un autre survivant. Celui-ci se cachait dans son appartement dans un immeuble qui était insonorisé à cause de ses loisirs musicaux, et donc empêchait les créatures d'entendre du bruit provenant d'une activité humaine. Encore une fois, la raison de sa survie est parfaitement justifiée, et cela donne une certaine force au roman.

Il est difficile de rendre un récit post-apocalyptique réaliste parce qu'il met généralement en jeu une entité plus puissante que l'être humain. Parfois ça peut être la nature avec les éruptions solaires dans le Labyrinthe : La Terre brûlée de James Dashner ou avec une maladie comme dans le Fléau de Stephen King. Dans In the After, la raison est inconnue même si Amy a quelques pistes. Les aliens qui déciment les humains ont des propriétés plutôt étranges pour des aliens qui viendraient de l'espace (ils sont rapides mais presque aveugles, avec une ouïe extrêmement développée mais complètement soumis à leur faim) et aucune justification de leur invasion semble plausible. Un certain mystère entoure donc l'objectif de l'autrice d'avoir voulu écrire un tel roman post-apocalyptique et nous pousse à continuer la lecture pour le découvrir.

Ce que j'ai particulièrement apprécié dans le traitement des personnages est que ces derniers ne correspondent pas aux critères stéréotypés des personnages de roman, et plus particulièrement de post-apocalypse. Dans la première partie du roman, les seuls personnages sont trois filles, Amy, Baby et Amber. Les trois ont une personnalité très différente et marquée et chacune parvient à se faire sa place, même si la narratrice est Amy, et donc à la première personne. Chacune des trois a autant de qualités que les deux autres et je pense que tous les lecteurs peuvent s'identifier à au moins l'une d'elles. Amy est plus entreprenante et tient le rôle de la cheffe qui souhaite faire régner ses règles, Baby est très curieuse et maligne, elle comprend et apprend très vite, et Amber vit au jour le jour, sans se faire trop de soucis par rapport aux conséquences de ses gestes. Amy et Baby ont appris à communiquer par la langue des signes pour demeurer silencieuses, tout en y ajoutant des modifications pour que ce soit plus amusant pour elles. Amber quant à elle ne sait que parler, et c'est ce qui rend le trio et leurs relations encore plus complexes et intéressantes. Ces trois personnages forment donc un groupe hétéroclite mais intéressant car leurs personnalités ne s'accordent pas entre elles. J'ai bien aimé l'évolution du petit groupe, que ce soit dans la première partie ou plus tard dans l'intrigue.

Dans les récits post-apocalyptiques, les antagonistes sont généralement tous les personnages qui ne font pas partie du groupe de base des protagonistes. C'est le cas ici où Amy et Baby doivent se méfier de tout le monde. C'est un traitement assez particulier car dans les romans qui ne sont pas de la science-fiction, les camps de protagonistes et d'antagonistes sont généralement bien distincts et répondent à une dualité. Ici, ce n'est pas le cas, car Amy et Baby cherchent juste à survivre, et les créatures ne semblent pas avoir conscience qu'ils déciment une population. Plus tard dans le roman, d'autres survivants sont introduits, mais Amy garde sa méfiance et range ces nouveaux venus également dans la catégorie des antagonistes. Cela fait que même lecteur, nous devons nous méfier de chaque personnage car nous connaissons seulement les pensées d'Amy.

Globalement, les personnages évoluent peu. Nous passons d'une Amy passive pendant la première partie à une Amy très active de son destin pendant le reste du roman, et d'une Baby complètement dépendante d'Amy à une Baby plus ouverte dans la suite, mais cela reste quand même assez discret. En revanche, les relations entre les personnages sont complexes. Les émotions qu'ils ressentent pour les autres changent de ce que j'ai l'habitude de lire et j'ai vraiment été séduite par l'amour qu'Amy porte à Baby, même lorsque Baby s'intéresse davantage aux étrangers comme Amber qu'à elle, qui l'a recueillie. D'ailleurs, en parlant de Baby, alors que d'habitude je déteste quand les personnages portent un prénom qui signifie réellement quelque chose (comme Liberté dans un roman dystopique où il n'y aucune raison pour qu'un parent désespéré appelle son enfant comme ça), Baby est un prénom qu'Amy a choisi pour cet enfant, justement parce que c'est une très jeune enfant et qu'un prénom trop personnel n'aurait aucun sens dans un contexte où seuls deux humains se parlent pendant plusieurs années.

L'écriture du roman est parfaitement accessible à tout type de lecteur. Demitria Lunetta écrit de façon assez conventionnelle et fait probablement très attention à la longueur des chapitres (toujours à la bonne taille selon moi pour pouvoir arrêter sa lecture quand je le souhaitais mais aussi pour ne pas couper une action), des paragraphes et à l'équilibre entre dialogue et narration. Étant donné que la première partie de l'histoire se déroule dans l'Après, là où les aliens vivent et dans lequel il ne faut pas faire un bruit, les dialogues parlés sont presque inexistants. Cela devrait donc aller à l'encontre de ce que je viens de dire, mais au contraire, en utilisant la langue des signes entre Amy et Baby, l'autrice parvient à mettre en place des dialogues tout en restant logique avec les règles de cet univers. Cependant, avant que Baby ne rentre en scène et que les dialogues silencieux puissent être écrits, il y a plusieurs chapitres avec uniquement de la narration. Dans ces parties sans dialogue, la narratrice symbolisant Amy s'adresse directement au lecteur comme pour amorcer un dialogue à sens unique. Je n'ai pas eu l'impression d'avoir affaire à des descriptions pendant des chapitres entiers ni à des monologues intérieurs sans queue ni tête grâce à ça.

Le narrateur à la première personne permet à l'autrice d'entrer plus facilement et moins artificiellement dans les pensées d'Amy, mais cela enlève également une possibilité stylistique de prendre de la hauteur sur les péripéties. En effet, Amy vit au jour le jour et le lecteur lit chaque péripétie dans la même temporalité qu'elle. le narrateur à la première personne empêche d'utiliser les analepses, les prolepses et les commentaires comme le ferait un narrateur à la première personne. C'est en quelque sorte une facilité, mais cela permet d'accrocher les lecteurs qui se distraient plus facilement. Un autre choix stylistique est celui d'écrire les pronoms des aliens avec une majuscule, comme « Ils ». C'est un procédé que j'ai pu remarquer régulièrement chez les auteurs peu expérimentés ou qui visent un jeune public. Marquer de cette façon permet d'expliciter à qui se rapportent les pronoms à chaque fois et rend donc la lecture encore plus aisée, parfois même enfantine.

Cependant, alors que le style peut se rapprocher de celui d'un roman pour jeune lecteur, les choix narratologiques à partir de la deuxième partie m'ont particulièrement surprise en raison de leur complexité. À partir du premier tiers du roman, la narration devient double, avec deux temporalités différentes. Aucune explication ne nous est donnée et alors qu'avant l'autrice nous mâchait le travail en mettant en majuscule les pronoms des aliens, elle joue à présent avec les chapitres et les péripéties, en marquant malgré tout par l'italique que certains passages se déroulent dans le futur. Mais outre cela, c'est au lecteur de faire l'effort de remettre les pièces du puzzle dans le bon ordre. J'ai particulièrement apprécié cette idée car elle montre tout le potentiel de l'autrice.

Points positifs :
– relations complexes entre les personnages
– choix narratologiques intéressants à partir de la deuxième partie
– style très agréable

Points négatifs :
– intrigue prévisible
– quelques facilités scénaristiques

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