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Critique de Lucilou


On a beaucoup entendu parler de "Daisy Jones & The Six" ces dernières semaines -la série sortie sur Amazon n'y est sans doute pas pour rien- et j'ai fini par me laisser tenter. A vrai dire, je me méfie toujours un peu des engouements soudains, des livres encensés sur les réseaux sociaux parce que je m'y retrouve très rarement mais j'ai craqué pour celui-ci.
Son univers me tentait: les années soixante-dix, le milieu de la musique... Et cette musique là fait partie de celles avec lesquelles j'ai grandi. Tous jeunes, mes parents écoutaient Joan Baez, Janis Joplin, Bob Dylan, les Stones, Fleetwood Mak, The mamas and the papas, The Doors et j'ai adoré m'emparer de leurs trente-trois tours pour les écouter sur la vieille platine de la maison quand j'ai eu seize ans, un teeshirt Che Guevara, des foulards arc-en-ciel, des premières causes à défendre, le droit de faire brûler de l'encens dans ma chambre et des premières manifs à organiser... Clichés d'une adolescence française au temps de la Guerre en Irak et du CPE. Il n'empêche que cette musique là m'est restée (contrairement au teeshirt Che Guevara) et avec elle une forme de fascination pour la culture hippie (avec ses lumières mais ses ombres aussi!), le rock de ces années-là et cette atmosphère complètement libre, excessive, créative...
J'ai lu peu de roman sur tout ça étrangement, parce que j'en ai peu trouvé et je l'ai toujours un peu regretté. Aussi, j'ai pensé combler ce manque (tout à fait acceptable au demeurant) avec le roman "Daisy Jones & The Six" qui m'a d'autant plus attirée lorsque j'ai lu dans la presse qu'il s'inspirait librement de l'histoire, franchement torturée mais romanesque, du groupe Fleetwood Mac.

Le roman de Taylor Jenkins Reid, dont c'est ma première lecture, entreprend de faire le récit de l'histoire mythique, des débuts miteux à l'apothéose gigantesque, d'un des groupes les plus mythiques des années soixante-dix, les "Daisy Jones and The Six", d'autant plus mythique qu'après quelques années d'un succès monstre et fulgurant, le groupe s'est séparé sans que nul ne sache pourquoi.
Le narrateur, qui ne révélera son identité qu'à la toute fin du roman, annonce dès les premières pages que son projet étant de retracer le parcours du groupe, il a entrepris d'interviewer les différents protagonistes de l'époque (membres du groupe, entourage...) afin de remonter le fil de l'histoire. Il nous livre là, de manière brute, le contenu de ses interviews. Libre à nous lecteurs de démêler le vrai du faux, l'objectif du subjectif dans les différents témoignages qui forment un ambitieux et vaste patchwork dont les morceaux ainsi rassemblés racontent une seule et même histoire dans une multiplicité de points de vue.

Cette vraie fausse introduction étant posée, on peut alors se lancer dans le récit constitué de témoignages plus ou moins longs qui donnent au roman un aspect très documentaire. C'est assez réussi même si c'est au départ un peu déstabilisant et si je déplore un peu la facilité de ce style de narration qui semble un peu facile au moment d'aborder des sujets complexes... Ce que je veux dire par là, c'est cette sensation d'un manque de profondeur qui m'a accompagné tout au long de ma lecture, me faisant dire que Daisy, Billy, Graham, Karen et les autres auraient mérité plus de profondeur, bien plus.
Il n'empêche que le récit fonctionne, qu'il est très immersif et qu'il restitue avec sensibilité l'atmosphère ravageuse des années soixante-dix ainsi que ses excès.
Parce que oui "Daisy Jones & The Six", c'est "sex, drugs and rock'n roll", c'est glamour parfois mais c'est souvent glauque aussi. La drogue circule comme les touristes en juillet sur l'autoroute du soleil et l'alcool coule à flots, jetant les personnages dans un quotidien effréné, violent, coloré, jouant avec leurs nerfs et leurs vies, leurs relations et leur musique aussi. Parce que c'est bien de cela dont il est question: de la formation d'un groupe de rock à l'enregistrement de leur album, de leurs liens à leur tournée, de ce qui les unis et de ce qui les sépare, de leurs égos et de leurs coeur. En ça, le roman est une réussite, en ce qu'il dissèque le fonctionnement d'un groupe et la composition d'un album, en ce qu'il en ausculte les fondements, en ce qu'il ne dissimule pas que ce les paillettes et les applaudissements dissimulent. Pour ça, je l'ai adoré.
J'ai beaucoup aimé également la tension qui se met progressivement en place et qui monte tout au long du roman jusqu'à la révélation ultime, la raison de la séparation... qui m'a déçue. Toute cette tension, ce poids, cette oppression... pour si peu?
Dans la liste des "j'aime" aussi pêle-mêle: la présence des paroles des vraies fausses chansons d'"Aurora" à la fin de l'ouvrage tout comme celle de la play list de l'auteure que je valide complètement; le personnage de Karen et ses réflexions sur la place des femmes dans le milieu du rock; le discours sur l'amour que j'ai trouvé d'une beauté poignante...
Et ce truc qui me poigne à chaque fois, sans que je ne puisse vraiment l'expliquer, ce truc indéfinissable qui rend si bien le passage du temps et la nostalgie qui va avec, ses regards sur le passé qui ne reviendra jamais... ça, ça m'a touché plus que le reste.

Peut-être bien finalement que je vais me laisser tenter par la série...
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