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Critique de Zebra


Ondine est une pièce de théâtre en 3 actes de Jean Giraudoux. Créée le 4 mai 1939 au Théâtre de l'Athénée, à Paris, dans une mise en scène de Louis Jouvet, avec Madeleine Ozeray dans le rôle titre et Louis Jouvet dans le rôle du Chevalier Hans, cette pièce est inspirée du conte Undine du romantique allemand La Motte-Fouqué (1777-1843).

Dans la mythologie, l'ondine est une naïade. À l'inverse des sirènes, l'ondine ne fréquente pas la mer et elle n'a pas de queue de poisson. Durant l'été, elle aime se tenir assise sur la margelle des fontaines, et peigner ses longs cheveux avec un peigne d'or ou d'ivoire. L'ondine aime également se baigner dans les cascades, les étangs, et les rivières, à la faveur des belles journées d'été. Il se dit que lorsqu'elle a les cheveux couleur d'or, l'ondine possède de grands trésors qu'elle garde dans un beau palais immergé. Dans la pièce de Jean Giraudoux, Ondine, fille des eaux, confiante dans la puissance de l'amour qu'elle éprouve pour le Chevalier Hans von Wittenstein zu Wittenstein, accepte le pacte du Roi des Ondins : elle quittera son monde des eaux vives et vivra son amour humain avec Hans. Mais si Hans la trompe, il mourra et Ondine retournera au Lac en perdant jusqu'au souvenir de son existence et de son amour terrestres.

L'histoire vous semblera peut-être banale (il existe des précédents avec les légendes celtes, avec Mélusine, avec les filles du Rhin, etc.) mais la pièce est admirablement écrite : vous serez transporté dans un monde merveilleux, puis vous constaterez la tentation dont sont victimes Hans (la tentation pour l'absolu) et Ondine (la tentation pour le genre humain), avant que nos deux héros soient happés et sombrent dans un drame dont la fin était inéluctable.

Le merveilleux ? Dans la pure tradition du conte de fées, le monde présente une grande cohérence intrinsèque et semble même figé : Auguste et Eugénie, humbles pêcheurs et parents adoptifs d'Ondine, ne manifestent aucune réaction aux événements qui touchent leur fille ; Hans - qui est un personnage simple, à l'aise dans l'odeur des cuisines (truite au bleu, jambon cuit) - accepte la magie qui peu à peu l'ensorcelle ; l'origine obscure d'Ondine et son aisance sur les eaux, les murmures de la forêt, les voix mystérieuses émanant du royaume des Ondins, la paillette d'or incrustée dans l'oeil de Violante, tous ces éléments permettent au lecteur d'entrer dans un monde féérique, néanmoins assorti de touches humoristiques (le chevalier décline pompeusement son identité mais le pêcheur lui dit « On m'appelle Auguste »; Hans dit à Ondine que la puce est le véritable ennemi du chevalier errant).

Hans et Ondine, victimes de la tentation ? Hans est certes un chevalier, mais un chevalier errant, un pseudo-guerrier, vaniteux, bavard, attiré par les femmes ; ensorcelé par Ondine, qui lui défait l'armure d'un claquement de doigts, Hans est tenté par l'imaginaire qu'elle représente et par le calme tout aquatique qui émane d'elle : séduit, voulant fusionner avec elle, il la singe, s'essaye à parler comme elle. Ondine est un être féérique, parfait (« ce que le monde a de plus parfait »), pur, spontané, naïf (elle envie les moeurs conjugales des chiens de mer), ayant soif d'absolu et de sacrifice (elle est prête à mourir pour Hans dès la scène 5). Mais, tout en affirmant sa féminité (« moi, je suis une femme »), Ondine est décidée à s'unir à Hans afin d'y gagner une âme, réconciliant ainsi l'Homme et la Nature.

Le drame ? Il y a un antagonisme permanent entre le monde féérique d'Ondine et le monde réel de Hans. Ondine perçoit les limites et les mensonges du monde des humains (« les bras des hommes leur servent surtout à se dégager ») mais aussi l'inconstance et la légèreté des promesses de Hans (« c'est bien au coeur, n'est-ce pas ? »). Elle doute (« je suis sûre que tu attends mon sommeil pour aller voir ton cheval »). La tension dramatique monte dès lors que le pari du mariage entre l'humain et l'absolu de la nature semble définitivement impossible.

Pleine de poésie, signée de dialogues d'une richesse remarquable, l'oeuvre (127 pages) se lit facilement. Vieux rêve panthéiste ? Regret romantique de la perte de l'harmonie cosmique ? Un « des plus beaux chants d'amour de la littérature française » (Colette Weil) ? En tous cas, une agréable découverte.
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