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Critique de Krout


Il est bien difficile de s'imaginer 75 ans après sa parution l'effort d'anticipation de Barjavel pour projeter un Paris 2052 si avant-gardiste pour l'époque et bien plausible à l'heure actuelle ; y manque peut-être la percée dans l'intelligence artificielle. Côté dérives : quelle anticipation ! de l'hyper dépendance aux machines en passant par la désertification des campagnes pour une folle concentration urbaine, de l'éloignement total de la nature à la perte du sens de l'effort, l'homme s'est créé par la science et les techniques un environnement fragilisé tenu par le fil qui amène l'électricité, tout y est en passant par la fabrique des rêves et des stars. Merveille de créativité avec son plastec, ses trains à très hautes vitesses, ses méga-tours climatisées, ses, ses ... esquissés en moins de 75 pages (mais quelles pages !) Les temps nouveaux. Fin de la 1ère partie.

Tout encore à son éblouissement le lecteur est brutalement plongé dans la sidération : La chute des villes, dans une compression espace-temps 165 pages mais seulement quelques jours à peine, bardaf c'est l'embardée ! Le ciel et les avions vous tombent sur la tête, en un claquement de doigt tout collapse : la population est dans le déni, les élus dans l'affabulation (oui, oui plus qu'en temps ordinaire). A remarquer que les mieux adaptés aux temps nouveaux, les "maîtres du monde" qui rayonnaient il y a peu sont les premiers à s'écrouler. A contrario les plus marginaux sont les premiers à prendre conscience de la gravité du séisme et de l'ampleur de la situation. J'ai rarement lu une telle apocalypse, il faut dire que de trois à huit ans René Barjavel né dans la Drome a vu passer au loin la première guerre mondiale. Sûrement son enfance a été toute bercée des récits de la vie dans les tranchées ... La faim, la barbarie. Tous crapules et chacun pour soi. Le verni a fondu sous la chaleur, les esprits plus enflammés que la ville embrasée par la bêtise d'un gendarme. La survie au plus violent !

Au déni succède la fuite dans le chemin des cendres, 3ème partie pour déboucher sur ... sur quoi ? Sur la partie de trop : Le patriarche. Quel dommage que ces 20 dernières pages où se révèlent toutes les limites de l'utopie ! Ou peut-être tant mieux car elles clarifient le modèle proposé par Barjavel, hélas tellement proche de celui de Daesch ou de tout autre totalitarisme. Voilà pourquoi ma cote est finalement de 3 étoiles. Tenté par 5 étoiles pour ses qualités d'observations et la lucidité de son analyse, j'aurais pu basculer sur 1 étoile pour l'abjection de son modèle obscurantiste. Ce livre est un peu l'histoire d'un chirurgien posant un excellent diagnostique très en amont sur un mal qu'aucun n'aurait vu venir pour ensuite se gourer complètement dans le remède prescrit. (Cela dit ce n'est pas, me semble-t-il, le seul roman d'anticipation où l'analyse des dérives du système sont des plus pertinentes mas face auxquelles derrière la solution proposée par l'auteur se cache un totalitarisme sournois.)

Littérairement parlant, c'est à mon avis une oeuvre marquante. Bien loin d'être spécialiste du genre je pressens une influence importante sur d'autres oeuvres de science fiction ainsi le concept de la mer : ce rouleau de viande artificiellement généré est repris tel quel dans le transperceneige, BD culte dans ce domaine. Et ce passage où alimenté d'énergie les cerveaux de quelques humains révèlent une phénoménale puissance, jusque là inexploitée, au-delà de l'imaginable (sauf pour Barjavel) ; est-ce que cela ne vous évoque pas Lucy de Luc Besson ? Non, je ne regrette pas de l'avoir lu, tout au contraire.
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