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EAN : 9782982045729
271 pages
Thierry Noiret (15/11/2022)
4.7/5   5 notes
Résumé :
Non, ceci n'est pas une biographie même si le propos en a la saveur ! C'est bien une fiction; un roman même ! Telle est la décision du personnage principal : devenir un roman; préférer cela à la vie !
Roman, un jour : s’affubler d'une jolie couche d'ironie et de poésie; ne pas se contraindre au vraisemblable mais se laisser avancer en toute liberté dans la narration d’une vie inventée au fil de l’eau afin que prime l’écriture sur la chair.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le roman de Thierry Noiret explore une idée originale et audacieuse que l'auteur s'est donné comme une contrainte d'écriture qu'il respecte scrupuleusement tout au long du récit.
Il établit un parallèle, qui devient de plus en plus évident au fur et à mesure de la lecture, entre la conception, le développement et la naissance d'un roman et ceux d'un être humain.
Le roman s'est fait homme. le roman se fera homme. Il naîtra, il vivra, il mourra non sans avoir connu les vicissitudes de la vie, ses aléas et ses tracas.

Rédigé sous forme de questions le récit interroge nos propres convictions sur le sujet et s'il nous pousse parfois à sourire voire à rire, il nous pousse souvent dans nos retranchements.
L'auteur pose la question que nous nous posons tous en venant au monde : c'est quoi la vie, comment nous est-elle donnée et qu'en faisons nous ?
« Venir au monde, ce n'est pas rien ! Il vaut mieux y réfléchir à deux fois. Tant qu'il en est encore temps ! L'essayer c'est l'adopter, lui souffle-t-on dans l'oreillette. »

Au moment de l'impact d'un spermatozoïde et d'un ovule ; alors qu'il n'est qu'une vague idée déambulant paresseusement dans les circonvolutions cérébrales de l'écrivain, le foetus/roman est-il conscient de ce qui est sur le point de lui arriver ?

Retranché maintenant dans son domicile utérin, passé à l'état de notes griffonnées à la hâte sur un papier de circonstances, le foetus/roman est-il plus conscient de son avenir probable ?

Il vit douillettement, sans risques, à l'abri du besoin sans aucune conscience de ce qui l'attend !

Arrive le moment de la naissance. Ce saut dans l'inconnu : conséquence d'une décision volontaire ou résultat d'un réflexe donnant le signal du terme échu ? Allez savoir !
« Il y a enfin ce besoin impérieux. Une crampe, ça vient de l'intérieur, ça lui donne envie de contracter tout le corps puis de sucer, téter, crier. Oui, comme ça, la succion le calme. Encore du nouveau, une impression douce et crémeuse, tiède, réconfortante qui se glisse au plus profond de lui-même. Il s'apaise, cela suffit, le sommeil le prend. »

Il est sorti ! Et maintenant ?

« Maintenant il a une maman. Et pour longtemps, il sait qu'il peut compter sur elle. le monde peut enfin dormir. Il peut aussi poser sa plume, le récit prend forme. »
Il laisse à ses parents, le soin de le nommer :
« - Je te baptise, Roman, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »

Roman est double. Mais, « (…) il ne veut pas de cette chose, chétive, charnelle mais sans chaleur.(…) Roman se sait fait de mots, pas de chair : il suffit d'assembler les pages de sa biographie pour développer son être pensant… Pourquoi s'encombrer d'une anatomie ? »

C'est dans cette enveloppe charnelle que Roman connaîtra de sa vie, celle qu'il veut, va, est en train de, raconter :
« La vie de Roman s'égrène ainsi : impossible d'échapper au rituel des courses pour dîner, des files, des foules aux chariots encombrés, des cartons publicitaires qui vous attendent dès l'entrée, de cette musique suave entrecoupée de « Monsieur Biencourt est attendu caisse trois ».

Il passe au stade de la révolte, de la volonté d'en finir avec cette enfance contrainte :
« Roman, enfant, ça le fatigue qu'on décide tout pour lui, ses parents, ses professeurs. Plus tard, ce sont ses patrons, son rédacteur en chef, son éditeur… et surtout celui-là qui ne sait pas toujours de quoi il parle mais qui s'obstine à raconter sa vie quitte à remplir le vide des pires élucubrations : le narrateur. »

« Il emballe le tout dans le drap posé à même le sol, va au vide-ordures et d'un tour de bras bien ferme, sans regret ni rancune, sans empressement ni émotion aucune, jette son enfance. »

Sait-il qui il est réellement ?
« À jouer à s'incarner, Roman se prend au jeu. Parfois à force de remplir le papier, il se sent des morceaux de chair gratter sur tout le corps. Alors, se pose une fois encore la question de l'existence. Une vie pour de vrai ? »

Il revient toujours à cette question existentielle :
« Roman croit que l'on ne peut pas se couper de sa propre histoire. »

Il parvient maintenant aux rivages de la sénescence, de l'oubli et de la fin :
« Au moment de poser son stylo, il hésite un instant. Oui, s'il manquait encore quelque chose à sa vie, non pas tant à faire ou à voir, ni une mélodie à écouter ? »

« Alors, vivre ou s'écrire ? Où est la subtile différence ? S'il n'a jamais existé, c'est tout bien mieux ainsi. Les livres aussi disent « je ». »

Vous pouvez lire le roman maintenant, il est intitulé Roman un jour.…

Un grand plaisir de lecture ! Merci Thierry Noiret
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Non pas une critique - ce serait mal venu de ma part à propos de mes écrits - mais un moment de réflexion sur ce qu'est une biographie. Est-on plus ce qu'on a fait ou ce qu'on a voulu faire, ce qu'on a aimé faire ou ce qu'on a été ?

Roman, un jour est une biographie mais qui ne parle ni de moi, ni de personne, une biographie qui ne parle que de ce qu'on a envie de dire, d'écrire sur un moment vécu, qui pourrait l'être ou l'avoir été, qui le sera certainement, vécu en mots et phrases, en périphrases et en périodes.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Encore dans les nuages ?

Enclin encore à glisser un peu de rêverie dans son récit, Roman contemple un instant le ciel et développe un de ses thèmes de prédilection.  Depuis toujours, il aime les nuages.  À l’école, il se choisit toujours un banc près de la fenêtre d’où il peut apercevoir le ciel sans trop se contorsionner.  Sans cela, il ne supporte absolument pas les longues heures de cours, la discipline stricte.  Ni plus tard, la géométrie, la biologie, la physique, ni la chimie : sans le ciel par dessus le toit, tout cela n’a aucun sens.  Dès que le professeur a le dos tourné, il pivote pour contempler le lopin de voûte céleste qu’il s’est réservé.  Bleu, velouté quand vient l’été, gonflé de nuages sinon, le ciel lui offre un paysage suffisamment grand pour y loger ses pensées, ses émotions, son corps étendu dans toute sa plénitude et sa vision du monde. 

Il voit, dans le dégradé de couleurs amenées par le vent, les habits changeants de cette nature qui l’attend à la porte de l’école.  Imprévisible, la nature ?  Roman n’y croit pas, un regard vers le ciel lui indique le temps, la température, les conditions météorologiques des heures à venir.  Il sait si les hivers seront longs ou les automnes pluvieux.  Tout cela est inscrit là-haut et il s’étonne d’être le seul à s’en apercevoir. [...] De l’automne, il hume la grisaille et les reflets d’argent de la gelée précoce.  Gris fumée, vent toute la journée, gris de plomb, pluies de saison. [...]

-​Roman, vous êtes dans les nuages !

-​Oui, Monsieur.

-​Vous me copierez cent fois : je dois écouter le professeur en classe et non admirer le ciel.
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Où t'es ?

Puis le monde bascule, les murs tournent autour de lui, il se sent emporté et finalement plaqué contre une masse chaude et souple, rassurante même.  Alors il commence à téter et ses hurlements cessent.  Le lait tiède et la douceur de ce qui l’entoure l’apaisent.  Les yeux encore trempés de son chagrin, il ouvre les yeux… à peine.  Cette fois-ci, il veut la voir et retenir à quoi elle ressemble.  Il a trouvé une maman. 

Elle a le visage éteint et les yeux cernés, elle ne rayonne pas comme il le voudrait, qu’elle illumine le monde de son sourire.  Mais son regard, doux et attentif, apaise ses craintes.  Elle a les cheveux de satin et les sourcils qui lui sourient, les yeux baignés de plus de réponses qu’il n’aurait jamais de rêves.  Elle a les épaules rondes pour l’accueillir et les seins savoureux comme de la pâte d’amande, sur laquelle sa tête bientôt vient à s’endormir.

Maintenant il a une maman.  Et pour longtemps, il sait qu’il peut compter sur elle.  Le monde peut enfin dormir.  Il peut aussi poser sa plume, le récit prend forme.
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La houle ou la foule ?

Il arpente désormais d’autres ruelles, solitaires celles-là, loin de son quartier comme le pavement de la nef latérale d’une chapelle abandonnée.  Il aime l’ombre quand l’ombre est longue comme un chemin d’automne, il aime les éclats du soleil qui illuminent son visage comme un visage sur une icône, il fréquente les arbres majestueux et les fleurs capricieuses, il va vers ceux qui lui sourient, il prend des photographies d’immenses paysages, il s’assied dans la paix des cloîtres, des cimetières; il contemple au musée la vision de tous ceux-là qui ont regardé.

Roman déambule sur le navire de sa vie et ne s’arrête qu’aux reflets du soleil sur les cordages, aux courbes blanches des voiles qui l’entraînent, aux bruns profonds des boiseries qui le maintiennent debout. 

Il aperçoit parfois, enfin, des sourires, des chevelures comme des filets de soleil, des bras tendus et des mains ouvertes.  Alors, lui aussi apprend à sourire.  Qui sait, mieux encore, à parler aux autres ?
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Il a faim et se demande s’il doit pleurer pour qu’une maman lui soit attribuée. Peut-être est-ce ainsi que cela marche ? Les mamans font la file au comptoir et un rejeton leur est attribué au fur et à mesure qu’un de ceux-ci les appelle.

Ou vaut-il mieux encore se taire et jouer la carte du charme. Il ouvre grand les yeux et lance partout son lumineux regard bleu, intense qui se pose sur tout ce qui bouge et son regard parle, appelle, son regard caressant qui veut être caressé. Mais tenir les yeux ouverts, c’est trop difficile. Regarder encore plus, découvrir, ce sera pour demain. En attendant, il n’a toujours pas de maman.
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Il joue avec les cathédrales, les fait tourbillonner autour de ses doigts, il shoote dans le palais présidentiel, lance au loin de vulgaires temples de marbre, les villes sont des sentiers de cailloux blancs que l’on dérange du pied en balade. Les maisons y sont si petites que seules s’y logent quelques fourmis, bien à l’étroit d’ailleurs. Il joue avec ses cailloux, il pense, il rêve mais les mots s’écroulent dans un vacarme ordinaire. Il a toujours sur lui quelques édifices à caresser de la main. Les poches de Roman sont immenses.
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