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Critiques de Rachid Benzine (494)
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Voyage au bout de l'enfance

Pas besoin d’un grand livre pour nous faire voir l’horreur, nous déchirer le cœur, nous révolter devant la monstruosité du régime islamique.



Fabien aime Monsieur Tannier, son instituteur, ses grands parents aussi puis le foot (surtout l’équipe de France) et la poésie, celle de Jacques Prevert. Ses parents français reconvertis à l’islam l’emmènent en Syrie où ils lui promettent le paradis pour des musulmans comme eux. Fabien rebaptisé Farid ne voit rien du paradis promis. Lui ce qu’il voit ce sont des hommes qui tuent partout, des femmes pendues, des enfants soldats, les gens crient, ralent, se fâchent tout le temps. Il faut mentir la bas, dire que tout va bien car Allah akbar. Pour protéger ses parents aussi qui déchantent et ne voient pas l’islam comme les endoctrinés de daesh qui transforment le monde en une vaste boucherie. Mais il est trop tard.



C’est un petit livre écrit à hauteur d’enfant extrêmement poignant. Une réalité exacerbée par ce regard d’enfant qui ne comprend pas et reçoit l’horreur comme autant de gifles incompréhensibles quand on est enfant. Alors il se réfugie dans la poésie, il récite, il écrit, Monsieur Tannier serait fier de lui. Quand arrive la coupe du monde, c’est beau de voir cet enfant embrigadé en Syrie se sentir heureux d’être français. Que reste t’il quand tout n’est plus que souffrance et horreur? Le rêve, l’imagination, les souvenirs d’un temps où les gens s’aimaient. Puis la poésie. Rachid Benzine l’a dit, comme le monde serait bien plus beau sous l’effigie d’un poétiquement correct.



J’ignorais le degré de monstruosité qui règne auprès de ces radicaux, la perte totale d’humanité est effrayante, la folie des hommes au nom d’une religion me dépassera toujours.
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Voyage au bout de l'enfance

Élève de CE2, Fabien est un petit garçon heureux de la banlieue parisienne qui adore la poésie. Lorsque, du jour au lendemain, son père lui annonce que toute la famille quitte Sarcelles pour rejoindre l’État islamique en Syrie, sa vie bascule subitement dans l’horreur.



Cette fiction qui s’inspire de faits réels raconte l’histoire de victimes de l’endoctrinement de Daech. Des jeunes familles musulmanes qui tournent le dos à une intégration difficile pour tomber dans le piège du fanatisme religieux. Une fois sur place, la terre promise s’avère surtout une descente aux enfers, faite de violence, de barbarie et de misère.



En prenant un petit Français, rebaptisé Farid dès son arrivée en Syrie, comme narrateur, Rachid Benzine propose un regard à la fois criant de vérité et débordant d’innocence. Embrigadé dans les Lionceaux du Califat, prix au piège au cœur de la barbarie la plus extrême, ce gamin n’est pas seulement victime de Daech, mais également de la décision de ses parents d’aller faire le djihad et victime d’une France qui ne lui offre aucune porte de sortie. Le sort de cet innocent venu distiller un brin de poésie en enfer ne peut donc pas laisser indifférent…



Ce récit un brin trop court est celui d’une enfance piétiné, d’une dénonciation du fanatisme religieux, d’un hommage à la poésie et d’une invitation à la tolérance envers ces musulmans trompés par Daech, embarqués malgré eux, puis exclus par la France.



Lisez également l’excellent « Ce que tient ta main droite t’appartient » de Pascal Manoukian sur le même sujet.
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Les silences des pères

Je découvre l'auteur grâce à ce roman. Un livre qui m'a littéralement chamboulée, une histoire poignante, bouleversante, émouvante, touchante, pas assez de mots pour décrire mon ressenti,

Amine, reçoit un appel téléphonique lui apprenant la mort de son père, cet homme qu'il n'a pas vu depuis une vingtaine d'année . IL doit vider son appartement , et là il découvre une série de K7, qui sont datées , enregistrées par son père. Il entend sa voix, ce qu'il apprend est loin de l'image qu’il avait de lui. L'histoire de débute en 1965, suite au départ du Maroc vers la France. Ses parents ne sachant pas lire, il choisit de s'enregistrer, et raconter son quotidien, sa vie, ses amours,ses amitiés, Il a un grand respecter , pour sa mère et son père. Amine découvre une histoire qui le touche en plein cœur , un véritable uppercut. Il part en quête des personnes qu'ils ont connu, il réalise , qu'il ne connaissait pas cet homme qui a ouvré toute sa vie pour le bien être de sa femme et de ses enfants, leur assurer une vie resplendissante, et un avenir prometteur . Amine est déstabilisé, il découvre cet homme qui a tu son passé, qui a avancé son parcours en France, mais son cœur reste toujours au Maroc. L'auteur signe un roman époustouflant, intense en émotion. La plume est sensible subtile , tout est écrit avec une grande pudeur. " Les silences des pères" où plutôt "Le silence du père", prend tout son sens au fur et à mesure de la lecture. Un roman court puissant , qui m'a hypnotisée jusqu’au final.
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Les silences des pères

Vingt-deux ans que Amine n’a pas revu son père, ce père qui vient de décéder en cette mi-avril 2022, à l’âge de quatre-vingt quatre ans.

« Il a fallu qu’il meure pour que je revienne », c’est ainsi qu’il s’exprime de retour à Trappes pour assister aux funérailles. Il s’agit pour lui à la fois de son père et d’un étranger.

Mais en débarrassant l’appartement, il découvre par accident, une lourde enveloppe cachée sous la baignoire contenant une quarantaine de cassettes audio avec sur chacune, mention d’une année et d’un lieu. L’enregistrement le plus ancien date de 1965 et le plus récent de 2006. Il extrait également un magnétophone enregistreur.

Dès la première écoute il se rend compte qu’il s’agit de cassettes enregistrées par son père et adressées à son propre père resté au pays, au Maroc. Cette première cassette fait référence à un ami d’enfance. Il recherche et trouve une adresse d’un foyer de Lille et décide de s’y rendre.

Il apprend alors comment son père, alors jeune homme de dix-neuf ans et son ami Driss dont les familles respectives peinaient à survivre, avertis de la venue de l’« Homme de la mine », avaient parcouru depuis leur village, une centaine de kilomètres à pied et attendu plusieurs heures sous un soleil de plomb avant d’être admis au bagne des houillères : une sélection rappelant le marché aux esclaves.

« Un voile pudique et silencieux recouvrirait par la suite la souffrance de leur exil. »

Ils arrivèrent donc dans le nord de la France à Lens, dans les mines de charbon, sans savoir que leur premier travail allait consister à prendre la place de grévistes.

Au hasard des témoignages recueillis auprès d’autres amis de son père, il apprend comment celui-ci, après avoir été une gueule noire est devenu une gueule grise lorsqu’il est parti travailler dans une cimenterie d’Aubervilliers en région parisienne, comment il a fait connaissance ensuite avec un producteur et éditeur de musique, puis s’est retrouvé chez Lip à Besançon ou encore à travailler la terre dans le sud de la France avec des Algériens et des Harkis.

Lui qui est devenu un pianiste classique de renommée internationale finira-t-il par comprendre comment une cassette de l’enregistrement du concert donné à Cologne par Keith Jarrett avait pu atterrir chez son père et pourquoi tous deux étaient accros à cette mélopée?

À mesure qu’il découvre l’histoire de son père, il comprend mieux le temps des silences de cet homme duquel il s’était éloigné. Boualem, un autre de ses amis encore en vie lui a d’ailleurs fait comprendre que si les jeunes ne connaissaient plus ces histoires, c’est parce que les vieux comme son père ont voulu que toutes les souffrances, tout ce qu’ils ont subi, s’arrêtent avec eux.

Autant de rencontres et de découvertes qui font qu’Amine a le sentiment d’avoir été trompé, que son père était différent, que c’était un autre homme.

Son trouble sera à son apogée lorsque dans une cassette, il entend son père amoureux demander à son propre père l’autorisation d’épouser une Française qu’il aime...

En entendant l’histoire de son père, il entend le sens de ses silences.

170 pages seulement et pourtant que d’enseignements à retirer de ce roman !

En prenant comme héros de son roman, cet immigré marocain, Rachid Benzine permet de remettre en mémoire ce pan historique que nous avons un peu trop vite oublié, cette convention bilatérale sur la main d’œuvre signée entre la France et le Maroc, juste après l’indépendance. Les Charbonnages de France ayant obtenu un permis de recruter à grande échelle opéraient une multitude de sélections dans les villages et les souks, puis embarquaient cette main-d’œuvre docile et précarisée, un élément de gestion de la production du charbon :

« Avec du ciment et des immigrés, voilà comment on a tout reconstruit. Des milliers de forçats affamés. »

C’est aussi l’entrée en nombre des femmes dans le milieu du travail, le développement du cinéma militant mais aussi ces camps de Harkis, ces Algériens qui se sont battus aux côtés de la France, ont perdu la guerre, leur terre et vivent maintenant comme des exilés, qui sont abordés lorsque l’homme arrive chez Lip en 1973.

Ce roman, s’il transcrit avec beaucoup de pudeur, ces silences, ces non-dits entre le père et son fils, ces silences souvent mal interprétés, ce sont aussi ceux de la société française au sujet de l’immigration depuis le début des Trente Glorieuses.


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Ainsi parlait ma mère

Ainsi parlait ma mère - Rachid Benzine - Éditions du Seuil - Roman - lu le 24 avril 2022.



"A l'heure où j'écris ces lignes, j'ai désormais 54 ans et elle...quatre-vingt-treize"



Un roman, sans doute, mais probablement avec une part de vrai. Rachid Benzine est enseignant, tout comme le narrateur. L'auteur est tellement au plus près du possible qu'il y a certainement une part de vécu dans cette histoire.



Dernier d'une fratrie de quatre garçons, célibataire, le narrateur dont on ne connait pas le prénom ni le nom, ni ceux de sa mère d'ailleurs, a fait le choix de s'occuper d'elle, elle a 78 ans et ne peut plus rester seule.



L'histoire se déroule à Schaerbeek, commune de Bruxelles, dans un petit deux pièces. Il la soigne, la lave, la nourrit, bref, la prend en charge complètement.



Il lui lit inlassablement La peau de chagrin De Balzac, choix étonnant de lecture de la mère, analphabète qui ne se lasse pas d'écouter son fils lui faire la lecture. Venant d'un petit village marocain, cette mère analphabète a pourtant assuré une éducation et une morale sans faille à ses enfants, non sans souffrance, car elle a été humiliée bien souvent.



"Jusqu'à un passé très récent, ma mère ne nous a jamais rien dit des souffrances qu'elle a endurées" page 21



"On guérit d'un coup de lance mais on ne guérit pas d'un coup de langue" page 63



Ces quatre phrases disent à elles seules toutes les blessures qu'elle a eues.



Au fil des jour, au fil des pages, on se rend compte que ce fils découvre vraiment qui est sa mère, cette femme qu'il ne connaissait pas, à travers leurs échanges quotidiens et aussi ceux qu'ils avaient au sujet du livre La peau de chagrin, seul livre dont elle voulait entendre la lecture.



J'ai découvert avec ce fils, une femme, une mère qui avait de grandes qualités de coeur et de respect des autres.



Ce qui l'irritait le plus, "c'était la vulgarité. Pas la vulgarité dans le langage, cela la heurtait mais ne la touchait pas vraiment. Non, c'était la vulgarité du mépris s'incarnant dans la puissance qui la heurtait" page 65



Et puis, cette fin du roman, magnifique :

"Je ne sais pas si ma mère a été une bonne mère. Ou simplement une mère qui a fait ce qu'elle a pu. Avec ce que Dieu lui a donné comme connaissance, comme amour, comme courage. Comme patience aussi. Je sais juste que c'est la mienne. Et que ma plus grande richesse en cette vie est d'avoir pu l'aimer"



Ainsi parlait ma mère de Rachid Benzine est un splendide hommage à sa mère. Lu d'une traite dans le train m'emmenant en visite chez mon fils. 91 pages d'amour, de dévouement et de sagesse.



A lire sans aucun doute.
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Ainsi parlait ma mère

Rachid Benzine est islamologue et chercheur associé au Fonds Ricoeur. J'avais grandement apprécié la clarté et l'intelligence de son le Coran expliqué aux jeunes. Je le découvre écrivain avec ce premier roman acheté suite à son lumineux passage dans La Grande Librairie.



Qu'est-ce qui fait qu'un livre si petit par le nombre de pages et si modeste - de prime abord - par le sujet abordé ( un hommage à la mère ) résonne et bouleverse jusqu'à tendre vers quelque chose de terriblement universel ? Sûrement sa délicate justesse et une simplicité teintée d'évidence qui le rend accessible tout en étant précis dans le propos et ce, sans facilité.



Sans doute l'auteur a-t-il mis beaucoup de lui dans ces pages. Mais cela ne suffit pas pour toucher. Par le choix de la fiction plutôt que du récit autobiographique à la première personne, il parvient à sublimer le réel car sa sincérité affleure à chaque phrase. Les émotions qu'il décrit sont vraies et lui permettent d'aborder des thèmes très forts avec finesse : l'intégration, la relation filiale, la honte sociale, la puissance de la littérature, le vieillissement des corps et la fin de vie.



Le narrateur est un enseignant d'une cinquante d'années, célibataire, sans enfant, qui vit seul avec sa vieille mère dépendante : il prend soin de celle qui a pris soin de lui avant qu'elle ne le quitte. Cette dernière est illettrée, lui a réussi et est désormais un transfuge de classe. Cette fracture culturelle, la honte sociale qui en découle, je l'ai rarement lue aussi bien rendue.



Et c'est très beau lorsqu'il explique comment sa mère lui échappe, elle l'analphabète qui réclame la lecture orale sempiternelle de la Peau de chagrin de Balzac, obsessionnellement. Il ne la comprend pas, pense qu'elle ne comprend rien à ce texte subtil et sensuel, comme si son analphabétisme disqualifiait son expérience, sa connaissance de la vie, forcément supérieure à la sienne.



Et c'est très touchant de voir comment un livre permet de créer un monde commun entre un fils et une mère qui n'ont rien en commun à part l'amour qu'ils se portent. La fin est bouleversante et clôt magnifiquement un texte limpide, pudique et juste qui fait réfléchir à sa propre histoire.
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Dans les yeux du ciel

°°° rentrée littéraire 2020 # 35 °°°



On ne dira jamais assez l'importance du choix de l'illustration sur la couverture d'un livre lorsqu'il y en a une. Celle de l'illustratrice libanaise Lamia Ziadé est juste parfaite tant elle incarne le texte puissant de Rachid Benzine, tant elle le prolonge, tant elle aimante et accompagne le lecteur. C'est le cri d'une femme, un cri de liberté poussé lors du Printemps arabe de 2011, un cri qui dit tout ce qu'il a sur le coeur sans chercher à plaire.



La pute qui parle à Dieu et le poète engagé qui aime les hommes. le choix de la narratrice et de son binôme au coeur du roman peuvent sembler très stéréotypés. Ils le sont mais, au-delà de leur marginalité magnifique, ils personnifient audacieusement l'archétype du peuple bafoué par la classe dirigeante dans la Tunisie de Ben Ali, comme des réceptacles de toutes les frustrations du monde arabe. Cela pourrai être très artificiel mais, non, ils sont tellement beaux ces personnages, tellement faits de chair, de sang et d'os qu'ils nous emportent derrière eux.



Après la douceur des mots de Dans les yeux de ma mère, son précédent roman, Rachd Benzine déploie un style explosif pour dire la violence faite aux faibles sur fonds de naissance de la Révolution tunisienne. Dès les premières pages, Nour interpelle le lecteur de façon cru et frontale pour raconter son histoire et celle de la société tunisienne. Nour, dans le texte coranique, c'est la lumière lunaire, celle qui guide les hommes au milieu du désert pour ne pas s'égarer dans le froid et l'obscurité, dans l'attente du jour.



Nour est fille de prostituée, prostituée elle-même, mère d'une fille qu'elle élève avec dignité pour lui éviter un destin similaire, ayant l'intuition profonde que l'éducation libérera un jour la femme. C'est la figure de l'altérité par excellence, le curseur pour juger comment une société traite ses minorités. Sa confession intimiste bascule dans un récit juste sur la place des femmes dans la société tunisienne, harcelée en permanence, soumise au patriarcat et à la misogynie



« Un corps de femme, même le plus beau du monde, c'est toujours une forteresse assiégée. Qu'il soit contraint dans un vêtement à la pudeur pathologique, ou révèle par un déshabillé suggestif. Les hommes l'ont réduit à cela. Une prison qui enferme nos désirs, nos passions, notre fragilité, notre créativité. Qui enferme notre honte. Si souvent. »



La Révolution arabe bouscule les vies, les croyances et les espoirs. Dans ce contexte effervescent, le destin de Nour mais aussi de Slimane, son ami étudiant poète homosexuel, sont sur une ligne de crête, entrainés tous les deux dans cet élan inattendu puis les désillusions qui ont suivi. le lecteur vibre pour eux, crie avec eux, pleure sur la Tunisie qui aspirait à se libérer de la dictature de Ben Ali et se retrouve avec une poussée d'un islamisme violent qui entend prendre la relève de l'oppression. Ce récit terrible plein de rage, d'âme et de coeur touche et révolte en faisant résonner haut la voix des faibles qui espèrent malgré la dureté de la vie.
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Les silences des pères

"The Sound of Silence"



Le silence pour laisser les notes flotter...



"Certains compositeurs affirment que la musique se trouve entre les notes."



La musique a été le seul moment de communion entre le narrateur et son père aujourd'hui décédé.

Il éprouve du ressentiment envers ce père trop silencieux. Un père étranger, exilé de sa terre natale mais surtout exilé de sa propre famille.

Une famille qu'il estime avoir trahie par un silence impardonnable lors du décès accidentel de son frère.



Le narrateur est à présent devenu un pianiste de renommée internationale. Il a pris ses distances avec ses proches. Loin des yeux, loin du cœur.

Le décès de son père l'oblige à revenir à Trappes. Il s'y rend à contrecœur pour y effectuer les formalités d'usage.

En débarrassant les affaires de son appartement, il découvre une enveloppe contenant de nombreuses cassettes audio. En les écoutant, il s'aperçoit que c'est l'histoire de son père qui défile.Toute une vie d'immigré qui resurgit du passé et qui l'emmenera à parcourir la France du nord au sud pour enquêter sur un père différent de ce qu'il imaginait..et finalement comprendre le sens de ses silences...



Un style sobre pour évoquer tout en pudeur une relation entre un père et son fils rendue difficile par les non-dits et les malentendus. Des silences qui nourrissent l'imaginaire et modèlent la réalité.

Ce roman émouvant nous invite à écouter plus attentivement ces silences qui en disent parfois beaucoup.
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Voyage au bout de l'enfance

On ouvre ce livre, on prend connaissance de la situation de ce petit bonhomme qui ne demandait qu’à montrer ses poèmes à Monsieur Tannier, son maître, qui ne demandait qu’à grandir, heureux entre ses parents, ses grands-parents, ses amis, un petit être innocent qui découvre l’horreur dans un milieu ou aucun enfant ne devrait se trouver. Mais hélas, le monde est fait pour les adultes, et les adultes gardent parfois une innocence idiote et coupable, celle qui les amène à entrainer des enfants vers la souffrance extrême.



Ce récit, il vous touche en plein cœur, il vous vole votre âme, parce que cette histoire, ce n’est pas de la fiction, c’est le vécu de famille partie pour la Syrie, c’est l’histoire d’une descente aux enfers sans possibilité de retour.



Je crois que je vais vite lite un autre roman pour faire passer le cafard qui s’empare de moi !



Je terminerai ma chronique par ces parole d’Yves Duteil qui résument si bien cette situation et que je dédie à ces enfants suppliciés :



« J’ai vu des enfants s’en aller, sourire aux lèvres et cœur léger

Vers la mort et le paradis, que les adultes avaient promis

Mais quand ils sautaient sur les mine, c’était Mozart qu’on assassine,

Si le bonheur est à ce prix, de quel enfer s’est-il nourri ? »



je sors amère de cette lecture nécessaire.



Merci à l'auteur d'avoir eu le courage de publier ce récit.
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Voyage au bout de l'enfance

Fabien a dix ans quand le départ subit de ses parents pour la Syrie l’arrache à son quotidien de Sarcelles. Adieu ses grands-parents, ses copains et le football, son instituteur et la poésie qu’il aime tant : rebaptisé Farid, l’enfant assiste aux rapides déconvenues de ses parents, alors que le paradis escompté s’avère un inextricable enfer. Lorsque le califat de Daech tombe, leur sort reste tout aussi désespéré, l’atrocité de leurs conditions de vie, la terreur et la violence les accompagnant au camp de réfugiés d’Al-Hol.





Le récit est d’abord le constat d’un effroyable piège : leurré par un mirage comme des papillons par la lumière, les parents de Fabien réalisent un peu tard qu’ils ont pris un aller simple pour l’enfer. Désormais prisonniers d’une organisation qui prévient toute déviance par la terreur, depuis l’encouragement à la délation au sein-même des familles jusqu’à l’exécution sommaire et pour l'exemple des candidats à la fuite ou à la désobéissance, eux qui se sont jetés d’eux-mêmes dans la gueule du loup ont pour suprême remord le sort qu’ils ont imposé à leur fils. Ici, le destin est tout tracé : les hommes meurent comme des mouches au combat ; les femmes, veuves à répétition, sont remariées aussitôt pour servir un autre soldat et pour enfanter de futurs combattants ; les enfants sont embrigadés et forcés à tuer dès le plus jeune âge. Et lorsque la défaite de Daech rassemble les survivants en prison, ou, pour les femmes et les enfants, dans des camps de réfugiés, la nasse se resserre de plus belle. Tandis que les plus radicales maintiennent la pression et la terreur parmi ces rescapées indésirables, les enfants meurent dans des conditions misérables, de faim ou de maladie, prisonniers d’une situation sans issue qu’ils n’ont pourtant pas choisie.





Rédigé à hauteur d’enfant avec la sensibilité et l’élégance de plume auxquelles l’auteur nous a accoutumés, mais aussi avec une tendresse et une poésie qui contrastent délibérément et de manière vibrante avec la barbarie, le roman soulève de nombreuses questions. Comment revivre ensemble après la guerre ? Que faire de ces enfants de bourreaux, certains innocents, d’autres dangereusement fanatisés, tous rassemblés dans une promiscuité et des conditions humanitaires catastrophiques, propices à encore davantage de haine et de violence ? Comment déradicaliser les uns, sauver les autres, avant qu’ils ne grandissent comme de véritables bombes humaines ?





Personne ne restera de marbre face au jeune personnage de ce très court livre qui n’aborde l’innommable qu’avec les plus extrêmes délicatesse et retenue. Pour un regard plus décapant sur un sujet du même ordre, l’on pourra poursuivre avec la lecture de Girl d’Edna O’Brien. Le sort des fillettes enlevées par Boko Haram au Nigeria et rejetées comme des pestiférées lorsque par miracle elles parviennent, un jour, à s’échapper, est tout aussi révoltant.


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Ainsi parlait ma mère

Le narrateur est au chevet de sa mère âgée et en fin de vie. Cela fait des années que, célibataire, il a fait le choix de ne plus se partager qu’entre son métier de professeur de lettres et la vieille femme grabataire. Conscient que leurs jours de cohabitation sont désormais comptés, il se remémore quelques faits marquants qui, trait par trait, dessinent l’émouvant portrait de cette Marocaine arrivée en Belgique dans les années cinquante, qui mena une vie modeste, digne et courageuse, avec pour seul espoir l’avenir de ses cinq enfants.





Procédant par petites touches toutes en pudeur et délicatesse, Rachid Benzine réussit à nous faire fondre de tendresse pour cette femme étonnante de naturel, de fraîcheur et de spontanéité. Entre tristesse et cocasserie, lucidité et poésie, c’est toute une palette d’émotions qui s’empare du lecteur, touché par cette page de vie qui s’achève. Comme dans la chanson La Mamma de Charles Aznavour, la peine se fait presque légère, tant elle s’imprègne de souvenirs doux-amers et se parsème de fulgurances d’amour et de bonheur.





Sans être autobiographique, le récit fait vraisemblablement écho à l’expérience personnelle de l’auteur et brasse de nombreux thèmes : les humiliantes difficultés de l’immigration et du métissage culturel et social, la cruelle et ingrate tendance des enfants à trouver naturel le sacrifice des parents pour leur propre avenir, leur mélange de honte et de culpabilité lorsque, transfuges de classe sociale, ils se retrouvent tiraillés entre deux mondes, et bien sûr, l’accompagnement d’un proche vieillissant devenu dépendant et la prise de conscience parfois tardive de l’importance de l’amour qui nous lie à lui.





L’on quitte avec regret ce très court premier roman d’un auteur déjà connu pour ses essais, et qui, avec justesse et simplicité, nous livre ici une touchante histoire d’amour maternel et filial, dans toutes ses nuances et ses ambivalences.


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Les silences des pères

Après "Voyage au bout de l'enfance" qui m'avait beaucoup touchée, je découvre aujourd'hui "Les silences des pères", roman poignant dans lequel j'en ressors tout aussi troublée.



Après vingt ans d'absence, un fils apprend par téléphone le décès de son père, avec qui il n'était pas fâché mais que les non-dits et les silences ont fini par éloigner. De retour à Trappes pour les obsèques, ce fils (dont on ne découvre le prénom qu'à la fin) trouve une enveloppe emplie de K7, cachée dans un renfoncement de la salle de bains. Chaque K7 est étiquetée d'une année et d'un lieu.



La première K7 débute avec l'année 1965, dans le Nord de la France. Un jeune travailleur immigré s'enregistre, il parle à son père resté au Bled avec le reste de sa famille. À cette époque, tout le monde n'a pas le téléphone, tout le monde ne sait pas lire non plus, alors on s'enregistre et on l'envoie à la famille comme on le ferait d'une lettre. Le jeune ouvrier raconte les conditions de travail à la mine, à la cimenterie, dans le bâtiment, la façon dont ils sont reçus et perçus par les Français, les douleurs de l'exil, les désillusions, ses amours, son mariage, ses enfants...



... que l'un d'eux est en train d'écouter justement. Au fil des K7, ce fils en plein deuil se déplace aux quatre coins de la France pour y rencontrer les personnes que son père nomme dans ses enregistrements. Ce père, qu'il a toujours connu silencieux et taiseux, il a l'impression de ne pas le (re)connaître. Quel jeune homme était-il ? Que s'est-il passé pour qu'il s'enferme dans ses silences ?



Au fil des K7 et des rencontres, le fils part à la recherche de l'homme qu'il ne connaît finalement pas, pour y découvrir les difficultés et obstacles qu'il a rencontrés, les drames et les douleurs qui l'ont touché de près. Il va y voir un homme loin d'être aussi insensible et taciturne qu'il l'avait toujours cru.



"Les silences des pères", c'est le temps du deuil et des regrets, le temps de l'écoute et de la découverte. C'est un retour dans le passé. Y sont abordés les notions de sacrifice, d'amour paternel et de relations père/fils, on y parle aussi d'immigration et d'intégration, de conditions de travail des travailleurs immigrés et de leur exploitation.



L'auteur nous livre un récit poignant, court mais intense, tout en sensibilité et émotions, douloureux et lumineux tout à la fois, avec des personnages traités en profondeur sachant nous toucher au cœur.



Un très très bon moment de lecture.

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Voyage au bout de l'enfance

Fabien, un petit garçon de 8 ans qui habite Sarcelles, est subitement arraché par ses parents à son quotidien pour partir clandestinement en Syrie, à Raqqah. Pour Fabien, rebaptisé Farid, le paradis promis va vite se transformer en enfer.

Perte de des copains, de son professeur, de ses grands-parents, de ses repères culturels, géographiques, environnementaux, désintérêt de ses parents pour lui, Fabien va se raccrocher aux peu de plaisirs qui lui sont encore autorisés, le foot et surtout la poésie.

J’avais hâte de découvrir ce court texte, mais je suis restée un peu sur ma faim. Les personnages sont un peu survolés, il m’a manqué un peu de matière pour m’attacher à Fabien-Farid. Si la vision de l’enfant est pleine de justesse et de candeur, j’aurais souhaité plus de profondeur dans l’histoire et les sentiments. J’ai eu l’impression d’un défilé d’anecdotes probablement toutes inspirées de faits réels, mais cela n’a pas réussi à donner pleinement consistance et vie à Fabien et sa famille.

Je repars un peu déçue, les poésies de Fabien ne m’ont pas convaincues, bien que très belles et inspirées de textes existants, je les ai trouvées d’une trop grande maturité pour être écrites par un enfant.

Aborder ce sujet du point de vue de l’enfant est cependant très intéressant, je lirai d’autres textes de cet auteur qui a su éveiller ma curiosité, et livrer un plaidoyer puissant pour le respect des droits de l’enfant ; pour tous ces enfants emprisonnés dans ces camps de réfugiés et payent pour les erreurs de leurs parents.

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Les silences des pères

Lorsqu'Amine intègre le Berkley College, dans le cadre d'un programme d'échange entre conservatoires de banlieue et grandes écoles américaines, il s'est juré de ne jamais revenir. Et il a tenu parole. Vingt-deux ans qu'il n'a pas revu son père, ni la cité de Trappes, croisant, en de rares occasions, ses sœurs, lors de concerts qu'il donnait à Paris. Mais, en ce mois d'avril 2022, son père décède, à l'âge de 84 ans. Un père absent, silencieux, qui s'est toujours tenu à l'écart de la vie et de sa famille. Pour faire plaisir à ses sœurs, Amine revient sur les lieux de son enfance pour quelques jours. Assister à l'enterrement puis les aider à trier ses affaires et vider son appartement. C'est là qu'il découvre, entre le coffrage et le sabot de la baignoire, une enveloppe contenant une quarantaine de cassettes audio, mentionnant chacune une année et un lieu. Du magnétophone s'échappe alors une voix chaude et profonde, celle de son père s'adressant à son propre père...



Ce père taiseux, devenu un étranger, Amine, aujourd'hui pianiste de renommée internationale, va peu à peu le découvrir à travers ces bandes magnétiques. Grâce au son de cette voix chaude, méconnue à ses oreilles, va se dessiner le portrait d'un homme qui aura sacrifié une partie de sa vie. Immigré en France, pendant les Trente Glorieuses, pour y travailler, ce père, comme tant d'autres, a dû quitter son pays et sa famille, renoncer à ses rêves pour tenter d'aider au mieux ses propres enfants à réaliser les leurs et à leur offrir un avenir meilleur. C'est un choc pour Amine d'entendre ces révélations, loin de se douter de ce que son père a subi, a supporté, a sacrifié et laissé. Tous ces silences entre eux prennent alors tout leur sens. Comme un travail de mémoire et pour rendre hommage à son père, Amine va se lancer sur les traces de ce passé, un passé ignoré parce que tenu au secret. À travers le personnage d'Amine et de son père, Rachid Benzine dépeint, avec justesse, intelligence et beaucoup d'émotions, le sort de ces immigrés et de ces enfants d'immigrés, partagés entre cette volonté de perpétuer la mémoire et celle de s'intégrer dans un pays qui les aura vu naître. Un roman fort, intense et tout en pudeur...
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Voyage au bout de l'enfance

Un livre, petit par le nombre de pages , impressionnant par le récit qu'il contient et le message qu'il porte .

C'est à travers le regard naïf de Fabien que nous allons partir vers la Syrie , vivre l'embrigadement de ses parents et , par force , le sien dans l'enfer de Daesch .

Ce regard d'un petit garçon innocent et heureux va s'embrumer tout au long d'un cheminement idéologique qui le conduira du Paradis à l'enfer , l'exact contraire de ce qui lui était promis , lui , le gamin heureux féru de poésie et de beauté transporté dans un monde de terreur , de violence , de fanatisme , d'interdits , d'obscurantisme ...

Le style brutal , fait de phrases courtes , sèches nous perce jusqu'au fond de nos tripes .La violence ne se décrit pas , elle suinte pourtant dans chaque mot, dans chaque phrase , dans chaque page .Point de dialogues , trés peu de personnages ,peu d'actions mais une pression incessante qui pousse le plus endurci des lecteurs " à imaginer " et , sans doute , à partager la souffrance fièrement et pudiquement retenue par cet enfant trop vite devenu mature . Un livre dont tout est " prison" du début à la fin .Aucune fioriture , aucune issue de secours .

Lire de tels ouvrages ne peut être que salutaire pour une société qui , en inversant ses valeurs , risque de perdre son âme et sa liberté .Mais ça , c'est une autre histoire qui n'est pas encore à écrire , souhaitons le .

Bonne soirée chères amis et amies et à trés bientôt .





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Voyage au bout de l'enfance

En Syrie, le camp d’Al-Hol accueille, depuis la chute de Daesh, des milliers de familles de djihadistes. Les conditions de vie y sont terribles. Les enfants représentent près des deux tiers de la population du camp (la plupart ont moins de 5 ans).



Fabien/Farid y vit avec sa mère et son petit frère. C'est de ce camp qu'il nous conte son histoire.



Il nous parle de Sarcelles, des copains, du foot et surtout de sa poésie. Il nous parle de la conversion à l'islam de ses parents, de leur fuite vers la Syrie et de leur installation à Raqqah. Il nous parle de l'école coranique, de la première fois qu'il a tenu une arme dans les mains, des exécutions, des enfants-martyres. Il nous parle de ses espoirs de retrouver sa vie d'avant à Sarcelles, de revoir ses grands-parents, et même son ancien instit à qui il n'a pas eu le temps de réciter ses derniers poèmes. Il nous parle de la réalité de la guerre et de ses horreurs, des bombardements, des morts, des blessés, des mutilés. Puis il nous parle du camp d'Al-Hol où il est emprisonné, maltraité, surveillé, battu parce qu'enfant de djihadistes...



Toujours il se raccroche à ses poèmes, qu'il invente et récite, aux autres, pour lui-même, pour ne pas sombrer, pour ne pas tomber, pour garder le moral, pour garder espoir...



Petit roman de 84 pages, il n'en est pas moins poignant et troublant. C'est avec le regard d'un enfant de 10 ans que les faits nous sont racontés. Le ton est enfantin mais élaboré, toujours très/trop réaliste. Fabien ne comprend pas tout mais nous, lecteurs, pouvons lire entre les lignes et ce que ce petit garçon vit est terrible. Il nous touche en plein cœur cet enfant qui n'a aucunement sa place dans cette guerre.



Et puis, il y a l'absence d'humanité dans ce camp qui remue beaucoup également. Les conditions de vie déplorables, le manque de soin, le manque d'hygiène, le manque de tout, le surnombre des détenus, les maladies, la violence des gardiens et des interrogatoires, la tension entre les femmes, les dénonciations... tout ça fait penser à d'autres camps quelques décennies en arrière... Qu'autant d'enfants vivent une telle horreur de nos jours, c'est juste impensable...



Difficile de dire qu'on a aimé un tel livre, pourtant et bien que fiction, on ne peut en ressortir indemne. L'histoire est à la fois horriblement poignante et divinement bien écrite.



Un petit roman bouleversant, intense, inoubliable.

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Voyage au bout de l'enfance

On pourrait renommer ce livre voyage au bout de l'enfer. Difficile pour Fabien renommé Farid de rester un enfant, malgré le foot et le maillot de l'équipe de France aux deux étoiles que sa maman réussira à lui obtenir.



Fabien était heureux. Petit garçon poète, il devait lire ses poésies devant toute la classe. Cela n'arrivera pas. Ce jour-là, c'est le départ. La Syrie, Daech, et puis à la chute du califat la fuite, les camps. Un monde dans lequel il ne sait plus vivre, un monde où toute liberté a disparu, un monde où la religion est la loi, un monde où les hommes n'en sont plus.



J'ai lu ce livre en apnée, horrifiée par cet univers raconté à hauteur d'enfant. Heureusement le livre est court. J'ai pu reprendre ma respiration et retrouver ma vie. Fabien n'aura pas cette chance.



Merci Magie de m'avoir rappelé que ce livre m'attendait.

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Lettres à Nour

Tuer au nom d’un dieu qui est aussi le mien, se demande Rachid Benzine ? Comment continuer à avoir des certitudes ? Qui a raison, où se trouve la civilisation, où se trouve la barbarie ?

Pour cela, Rachid Benzine essaie d’imaginer un dialogue entre un père et sa fille, unis par l’amour et pourtant, au nom de la même religion, complètement séparés.

Dès le départ, Nour annonce la couleur : elle a rencontré sur internet un responsable régional de l’État islamique. Bien sûr, il est beau, bien sûr il est très fort, en plus aussi dans ses connaissances de l’islam.

Et comme le père lui a toujours dit que l’islam envoyait des messages d’insoumission, eh bien elle choisit de partir « recréer la cité radieuse », chasser les croisés, libérer l’Irak.

Rien que ça.

Le dialogue est depuis le début faussé.

Car le père, lui, intellectuel, présente un islam doux, ouvert aux autres religions, avec l’éducation bienveillante qui permet « la liberté, la démocratie, l’émancipation des peuples » et pas la haine des fanatiques de Daesh. Ce dialogue faussé s’accentue encore au cours de cette année, au point que nous doutons de l’amour entre eux, l’un prônant une ouverture que nous ne connaissons pas, d’autant que le 13 novembre 2015 intervient, l’autre, sa propre fille, dénonçant les bouffons à la solde de l’occident, la sexualité dégradée des occidentales vouées à Satan.

Stop.

Manipulation.

Que sait cette jeune fille de 20 ans sur la sexualité satanique ?

De même que je ne crois pas un instant à cet islam «  démocratique », je ne peux imaginer la sharia bienveillante, en but d’organiser une société sereine, ni l’apologie que fait Nour du « djihad du nikah » (ou esclavage sexuel consenti par certaines Tunisiennes parties en Syrie.)

Puis elle monte d’un cran : ta vie, écrit-elle à son père, est la vaine quête digne d’un lâche, une imposture ; ma vie d’avant, avec toi, était nulle et vaine, je recommence à voir les vraies valeurs avec mon mari qui travaille tant.

Pour Allah, sois-t-il béni 33 fois.

Le père entre temps s’est fait tabasser, et répond sur la réalité de Daesh : « les massacres, les viols, les petites filles vendues comme esclaves sexuelles, l’exécution des Yézidis (Minorité non musulmane du Nord de l’Irak), la persécution des chrétiens, le meurtre des homosexuels, des buveurs d’alcool, et de celles qui refusent de porter ce voile complet dont tu es si fière désormais.» , sans parler des opposants crucifiés ou enterrés vivants, la destruction des œuvres d’art et des bibliothèque, les jeunes déficients mentaux envoyés comme kamikazes.

Au mépris et à la haine de sa fille, il répond qu’elle se fait baiser par un monstre, dont les mains velues ont tué femmes et enfants en invoquant une fatwa.

Inutile de continuer : ce dialogue de sourd repose sur deux croyances, dont bien entendu Rachid Benzine prend partie pour le père, car Nour, à part clamer son bonheur n’oppose aucun argument valable, sauf les pilonnages américaines sur l’Afghanistan et l’Irak, et, oui, elle n’a pas tort.

Ce livre, dont j’ai l’air de détruire la raison d’être, est cependant extrêmement utile, vu les croyances véhiculées à propos de faits politiques récents, le danger des certitudes, et la volonté de l’auteur d’opérer un travail critique sur le Coran, dont on dit tellement que ces préceptes n’ont pas été revus depuis le Moyen-âge, un peu comme le fait Delphine Horvilleur avec qui il a écrit : « Des mille et une façons d’être juif ou musulman ».

Ames sensibles, ne lisez pas la fin.

Mais sachez que la fille de Nour s’appelle Jihad et même s’il manque un D, la croyance aveugle la raison, jusqu’au bout.







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Les silences des pères

Mémoires post-mortem.

A la mort de son père qu'il n'a pas vu depuis 22 ans, le narrateur découvre une collection de cassettes audio sur lesquelles son paternel consignait toute sa vie de jeune exilé.

Taiseux et aucunement démonstratif, c'est la redécouverte d'un homme et de ses propres origines.



Un livre très touchant et d'une grande dignité.



"C'est à la fois mon père et un étranger qui est mort."



S'adressant à son propre père resté au Maroc (donc le grand-père du narrateur), il parle comme jamais son fils ne l'a entendu "enfoncé dans son fauteuil et dans son silence" : l'exil, l'installation dans le Nord de la France, les difficultés de l'intégration, le travail d'ouvrier, les camps de harkis.

Politique et social, c'est une vie de non-dits ayant aussi une portée historique.

Comme si l'on retirait les œillères d'un homme mais aussi celles d'un pays.

C'est ce qui en fait selon moi un grand roman.



Il arrive parfois que les pères ne sachent pas s'exprimer. Les fils non plus.

Comment renouer les fils d'une relation que l'on n'a pas vécue ?



Les enregistrements permettent petit à petit de mettre des mots sur l'histoire de ce grand inconnu.



Il n'est jamais trop tard pour combler les trous d'un passé que l'on n'a pas connu. Le plus dur est de faire le premier pas et savoir entendre la voix de ces silences.



"Au fond, les enfants ne s'intéressent jamais à ce qu'ont été leurs parents."



C'est un très beau roman qui peut vous remuer aussi intimement qu'idéologiquement.
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Les silences des pères

L’introduction, avec le concert à Cologne de Keith Jarreth m’a tout d’abord intriguée et intéressée. Puis j’ai compris, ce que nous dit clairement le titre, que le fils Amine d’un père taiseux était devenu pianiste par frustration et une sorte de compensation : remplacer les mots absents par les sons.

Car Amine ne voit plus son père depuis vingt-deux ans, et c’est lorsque celui-ci meurt qu’il revient à Trappes :

« Ce deuil n’est pas le mien. Pour pleurer quelqu’un, il faut l’avoir aimé. »

Et s’il ne parlait pas, ce père, c’est qu’il n’avait rien à dire, pense-t-il.

Puis Amine trouve des cassettes cachées, dans lesquelles son père parle à son propre père. Paroles envoyées par courrier, ou gardées, comme lorsqu’on écrit une lettre en se gardant bien de l’envoyer.

Le fait est que le fils et petit-fils découvre tout un monde, des relations basées sur l’obéissance, la volonté de cacher son mal-être, de la part du fils parti du Maroc pour travailler dans les mines de charbon du Nord de la France, et pétries de religion musulmane, comme l’interdiction de se marier avec une Française non musulmane de la part du père.



J’étais persuadée que les Polonais seuls s’étaient confrontés au grisou, à la silicose dans le bagne des Houillères  et avaient pour cela bénéficié d’une petite maison pour abriter les pauvres survivants. Ils sont considérés comme l’exemple même de l’intégration réussie d’immigrés, gardant leur langue à l’intérieur des maisons, priant dans leurs propres églises, et se considérant comme Français.

Intégration, pas assimilation.

Or, non, les Marocains ont été recrutés sans savoir qu’au départ ils seraient casseurs de grève, donc haïs de leurs camarades. Leur statut des Marocains commence mal : pas d’avantages sociaux comme en ont connu les Polonais.

Juste une douche chaude.

Le père s’est tu pour que le fils pianiste ne vive pas dans cet enfer, qu’il ne ressente aucune amertume ni rancœur.

Cela, Amine va le découvrir peu à peu, en parlant avec les anciens amis de son père après sa mort, qui tous ont un souvenir ému de leur camarade.

Amine découvre aussi une cassette de ce fameux concert à Cologne où Keith Jarrett improvisait sur un sale piano.

Stop.

Ce père aimé, adulé par ses camarades, s’est enfermé dans le mutisme lorsque son fils ainé est mort : pas de vagues, surtout. Il n’est pas intégré mais ne veut pas manifester, ce qui provoque la fureur d’Amine. Il accepte de ne pas se marier avec la femme qu’il aime, donc Amine apprend qu’il est l’enfant de ce refus, ou plutôt de « l’acceptation de mon père des ordres de son propre père. »

Ce père qui souffre de l’absence d’Amine, mais n’est pas capable de lui dire. Qui préfère ses potes, qui préfère Keith Jarett.

Si Rachid Benzine a écrit : « les silences des pères » pour montrer l’amour paternel, personnellement, je n’y crois pas une seconde.

Au risque d’aller complètement à l’encontre de presque toutes les chroniques très positives, pas une page ne m’a émue. Les personnages m’ont semblé ne dire que des banalités concernant le père.

Enfin aucun sentiment ni amical, ni paternel ne m’a fait vibrer.

Peut-être d’ailleurs que le propos de Rachid Benzine est de nous révéler l’immigration ratée de ce père marocain, resté au pays de son père et sous ses injonctions, gardant pour lui le malheur de ne pas pouvoir s’intégrer.

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