"Cherchez le garçon" ; mais lequel ?
"Nous avons brisé le rêve hippie des années soixante-dix sans réaliser que c'était nous-mêmes que nous brisions." annonce Mirwais en préambule de ce récit qui retrace l'histoire de Taxi-Girl de 1978 à 1981.
Autant dire de l'or pur pour les fans de ce groupe de petites frappes provocatrices, de sales types faussement romantiques, mais porteurs de rythmes hypnotiques et mélancoliques aux paroles envoûtantes.
Mirwais Ahmadzaï, donc, fut d'abord un jeune Afghan réfugié en France, puis le guitariste de Taxi-Girl, et enfin la star de l'électro qui composa et produisit des albums pour Madonna, rien que ça.
Sans nostalgie, il raconte les années 70/80, la variété à la télévision française, l'invasion de l'Afghanistan par les chars soviétiques, et puis la vie à Paris, quand a 20 ans, une gueule de "bougnoule aryen", pas d'argent, peu de famille, peu d'amis, et une envie dévorante d'appartenir à un groupe et de jouer des solos de guitare parfaits. Car Mirwais est un obsédé de la musique, un bosseur en quête d'excellence -pas pour la gloire, mais pour la beauté. Sauf que la période est au punk, et au No Future que les autres membres du groupe s'injectent dans les veines. Ces gars-là se haïssent, se bastonnent, se truandent, et pourtant ils rencontrent le succès et la reconnaissance. Forcément, ça ne dure pas.
Mirwais raconte cette épopée avec une compassion amère de sexagénaire. Seul survivant du groupe, il ne s'abaisse pas à régler ses comptes avec les autres membres, mais il les raconte tels qu'ils étaient, avec la distance qu'ils ont toujours maintenue entre eux et lui. Et feu Daniel Darc est rhabillé pour l'éternité (et ma déception est immense, tant je l'admirais. Mais je crois en l'intégrité de l'auteur). Surtout, Mirwais apparaît comme le personnage le plus intéressant du groupe, animé par une grande force de caractère et un réel amour de la musique, et doté d'une grande lucidité.
Esthète, il l'est également dans son écriture syncopée, ponctuée de mots inventés et agencés en un rythme dyspnéique, mélange de furie punk et de froideur new wave. C'est très bizarre, mais j'ai adoré. Une fois ma lecture commencée, je n'ai pas pu refermer ce livre.
C'est donc un témoignage passionnant et intelligent sur Taxi-Girl, qui ravira et/ou décevra les fans, mais qui apporte un éclairage impitoyable et sincère sur ce groupe, et permet de découvrir une belle personnalité qui n'en demande pas tant (il s'en fout).
Deux autres volumes sont prévus, et j'ai déjà hâte de les lire.
"Trouvez son nom" : Ahmadzaï.
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Il faut appeler une swastika, une swastika.
C'est un monde qui ressemble au nôtre. A peine plus futuriste. Le capitalisme s'épanouit et les croix gammées (re)fleurissent. Le symbole honni se révèle être signe de chance. Et celui qui le porte, puissant. C'est un monde où le symbole se glisse dans toutes les marques, du nom au logo. Un Président Milliardaire Blond règne sur l'Amérique, les caméras observent chaque faits et gestes pour le bien de tous. C'est un monde oppressant mais étrangement familier. Une néo-dictature où tous seraient des néo-nazis aux montres de luxe monogrammés.
Lazare, celui qui porte le prénom de la résurrection pour mieux être protégé de la mort, erre dans cet univers qu'il ne comprend pas, dont il ne maîtrise aucun code. Il croise des gens un peu comme lui, un peu perdus. Il y a Eurydice, échappée des enfers. Il y a Hyacinthe, parfois Méduse. Il y a des souvenirs, par bribes, d'autres choses, de choses plus simples.
Les tout-puissants est un livre qui ne se raconte pas. C'est une expérience de lecture. C'est un texte malin, qui sous couvert de satire sociale se révèle être une réflexion sociologique et philosophique bien plus dense. Son auteur, Mirwaïs, est multiple, il livre une œuvre qui l'est tout autant où il se raconte entre les lignes (les pages émouvantes sur le décès du père de Lazare). Construit comme une tragédie avec des chants (comme un chœur antique), le texte est musical, étrange parfois, mais il faut accepter de lâcher prise et de se laisser porter par un flow. Et dans la peau de Lazare accepter surtout de ne rien comprendre à cette humanité folle et nombreuse qui ne rêve que de réussite et de pouvoir.
Vous ne lirez rien de semblable cette rentrée. Ce texte publié dans la collection l'Indéfinie ne pouvait trouver meilleure maison. Sans genre fixe, il fait partie des romans qui auront réussi le difficile pari de m'intriguer, de me faire tourner les pages avec curiosité, et de me convaincre dans un demi-sourire. Et pour une lectrice comme moi, de plus en plus blasée, cela veut dire beaucoup.
En un mot, je vous le recommande !
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J'ai reçu ce bouquin à Noël. Un nouveau livre à découvrir, c'est toujours excitant! Je ne connais ni l'auteur, ni le livre en soit. Cela s'annonce comme un OLNI dystopique écrit par Mirwais Ahmadzai, producteur artistique avant d'être auteur!
On suit un personnage au cœur d'une société du futur, d'on ne sait quand. Le signe nazi a fait son retour. Plutôt que de l'interdire, rendons le "normal" : la mode s'en empare puis le monde entier affiche fièrement la croix.
Cette histoire assez folle qui nous envoie parfois dans les nuages est avant tout l'occasion de discuter des thèmes de société associé au capitalisme et aux nouvelles technologies. L'ensemble demeure très brumeux dans le fond, l'histoire manque de piquant et j'ai eu des passages où je n'ai clairement pas accroché.
C'est le genre de lecture à vivre, qui ne se raconte pas, une sensation étrange, on aime ou on aime pas. Moi, j'en ai préféré d'autres!
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"Cogito ergo sum", je pense donc je suis... donc je me questionne, je m'interroge, je doute....
Notre société de consommation, voir de surconsommation, ne pense plus, ne doute plus, l'Homme ne pense plus, ne doute plus.
Le consommateur, loin d'être un consom-acteur est devenu au fil du temps un organisme vivant totalement lobotomisé. Sautant d'un écran à l'autre afin de se repaître de sexe et de sang, il est en permanence manipulé et prêt à acheter et à croire n'importe quoi.
La publicité ciblée, l'intelligence artificielle, les pseudos influenceurs, les "primes" TV font s'enrichir les nouveaux maîtres du monde.
Ce premier roman de Mirwais Ahmadzai (fondateur du groupe Taxi girl) aborde de manière féroce cet état de fait, notre monde devient fou et de plus en plus rare sont ceux qui s'intéressent à ce qui n'intéresse pas les autres.
L'auteur est d'une clairvoyance sans concession et nous offre en supplément, la renaissance et la mise en avant d'un Symbole bien connu mais dont l'image devient porteuse.
Vous souhaitez savoir de quoi il s'agit, alors n'hésitez plus et plongez vous dans "Les tout puissants" aux Editions Séguier ... Un roman très Kafkaïen.
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Passionnant récit d’une société perdue parmi les logos commerciaux. Tout est à vendre. L’auteur nous raconte sa journée à travers un personnage, Lazar qui ne semble pas avoir de direction mais qui est un témoin de sa génération. Je le conseille très grandement de le lire.
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Par où commencer ...
Je tiens premièrement à souligner que j'apprécie l'idée de vouloir parler des dérives d'une société qui est la nôtre ; des dérives qui apparaissent peu à peu et dont nous ne nous rendons pas compte en raison de notre individualisme poussé, de la déshumanisation des rapports et de l'ultra-téchnologie qui régit de plus en plus notre monde ... Mais bien que le livre ait une thèse intéressante, il manque cruellement de structure et d'organisation. C'est une œuvre un peu brouillon, particulièrement vers la fin ... On nous tient en haleine avec des pseudos codes et énigmes, mais sans en SAVOIR LE FIN MOT !
Ainsi, une sorte de frustration s'est dessinée durant ma lecture et c'est franchement déplorable ...
Je m'adresse désormais à l'auteur : vous avez réussi à me rendre "amatrice" des "dystopies" car c'est possiblement notre réalité future. Mais force est de constater que vos idées divagues trop et que vous n'exploitez pas vos pistes jusqu'au bout.
Ps : le moment où Lazarre éjacule au bord d'une rivière n'est vraiment pas nécessaire ; c'est même répugnant ! Les moments de ce genre auraient pu être écartés au profit de l'HISTOIRE !
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Roman futuriste où l'auteur dénonce la société de consommation.
Sous couvert d'un roman, l'auteur donne son opinion sur l'existence et surtout sur les hommes.
J'ai beaucoup aimé ce roman, il faut dire que j'ai presque les mêmes idées que l'auteur.
Je conseille ce roman qui se lit très rapidement et sans prise de tête.
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Cette rentrée littéraire nous réserve bien des pépites et le roman de Mirwais Ahmadzaï en fait partie. Ce récit mêlant fiction classique et dystopie nous transporte dans un monde que l'on espère ne jamais connaître mais qui pourtant résonne tellement avec tout ce que nous voyons poindre actuellement. L'auteur aurait-il le don de voir l'avenir aussi sombre qu'il paraît ou aurait-il juste cette intelligence et perspicacité lui permettant de voir simplement les conséquences de cette pente glissante que la société prend sans avoir l'air d'y toucher ?
Un monde où le swastika inonde les rues, les marques comme symbole universel que chacun veut s'approprier. Critique de ce monde dépendant des buzzs et des effets de mode en tout genre lancé par un petit groupe de tout-puissants qui veulent encore nous faire croire que nous avons le contrôle alors que nous ne sommes que des brebis bien dociles. Le lecteur prend l'ampleur de cette nouvelle société au travers des yeux de Lazare. Ce roman est une claque et une révélation.
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Depuis le temps que j'entendais parler de ces fameuses pépites...
Ça y est, j'en tiens une.
Un livre dont j'ai peu entendu parler lors de la rentrée littéraire, un livre aussi étonnant que sa couverture fushia sobre.
Intelligent, poétique, visionnaire, philosophique, fantastique, c'est un peu tout ça mais c'est mieux encore.
Une tragédie grecque.
Un oracle.
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Bienvenue dans un monde où il est illusoire de penser que “le travail de mémoire” sert à quelque chose. Un monde où on ne comprend pas la réaction de la communauté juive de voir “le symbole” (le svastika) être banalisé et s’afficher sur tous les objets de consommation (ça fait exploser les ventes !), ben oui, on leur reproche de rester camper sur des positions archaïques. Ce nouvel “ordre “ a réussi à se débarrasser de toutes formes de contestations, effectivement qui peut rassembler autour un étendard imprimé sur des sacs de luxe ?
Un premier roman très surprenant d’un auteur/ producteur de musique (c’est lui qui a produit l’album “music” de Madonna) qui nous fait vivre “ une expérience”, difficile de décrire autrement la sensation en lisant ce roman, c’est un peu comme un étourdissement ! Un peu étrange et en même temps en continue, l’auteur parle d’adapter son livre en film, et bien j’ai hâte de voir le film.
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