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Citation de Partemps


L’idylle de la montagne
3.
Au dehors, la lune se cache en silence derrière le vert sapin, et dans la chambrette notre lampe flamboie faiblement et éclaire à peine.
Heureusement, mes étoiles bleues rayonnent d’une lumière plus claire ; la rose purpurine éclate comme le feu, et la bonne jeune fille dit :
« Des follets, de petits follets, volent notre pain et notre lard ; la veille il est encore dans le buffet, et le lendemain il a disparu.
« Ces petits démons mangent la crème sur notre lait, et laissent les vases découverts, et la chatte boit le reste.
« Et la chatte est une sorcière ; car elle se glisse, pendant la nuit, sur la montagne des revenants, où est la vieille tour.
« Il y eut là jadis un château plein de plaisir et d’éclat d’armures ; de preux chevaliers, des dames et des écuyers y tournoyaient dans la danse aux flambeaux.
« Alors une méchante sorcière maudit le château et les gens ; les ruines seules sont restées debout, et les hiboux y font leurs nids.
« Pourtant ma défunte tante assurait : que si l’on dit la parole juste, la nuit, à l’heure juste, là-haut, à la vraie place,
« Les ruines se changent de nouveau en un château brillant, et l’on y voit gaîment danser preux chevaliers, dames et écuyers.
« Et celui-là qui a prononcé ce mot, le château et les gens lui appartiennent ; les timbales et les trompettes célèbrent sa jeune magnificence. »
C’est ainsi que parle la bonne jeune fille, et ses yeux, les étoiles bleues, versent sur son babil les lueurs de leur azur féerique.
Ses cheveux d’or, la petite les enlace autour de ma main ; elle donne de jolis noms à mes doigts, rit et les baise, et se tait à la fin.
Et dans cette chambre tranquille tout me regarde avec des yeux si familiers. La table et l’armoire sont comme si je les avais vues bien des fois auparavant.
Le tic-tac du coucou a un ton amical, et la guitare, à peine sensible, commence à résonner d’elle-même, et je me trouve comme dans un songe.
C’est l’heure juste maintenant, nous sommes aussi sur la vraie place ; tu t’étonnerais, ma chère enfant, si, moi, je prononçais la parole juste…
Et je dis cette parole… Vois-tu, tout devient jour, tout s’agite ; les sources et les sapins deviennent plus bruyants, et la vieille montagne s’éveille.
Le son des mandolines et les chants des nains retentissent dans les crevasses de la montagne, et, comme un insensé printemps, sort de la terre une forêt de fleurs.
Des fleurs, d’audacieuses fleurs, aux feuilles larges et fabuleuses, odorantes, diaprées et vivement agitées comme par la passion.
Des roses, ardentes comme de rouges flammes, jaillissent du milieu de cette végétation ; des lis, semblables à des piliers de cristal, s’élancent jusqu’au ciel.
Et les étoiles, grandes comme des soleils, jettent en bas des rayons de désir ; dans le calice gigantesque des lis coulent en torrent les flots de ces lumières.
Et nous-mêmes, ma chère enfant, sommes métamorphosés bien plus encore : l’éclat des flambeaux, l’or et la soie resplendissent gaiement autour de nous.
Toi, tu es devenue une princesse, et cette cabane est devenue un château ; et ici se réjouissent et dansent preux chevaliers, dames et écuyers.
Mais, moi, j’ai acquis toi et tout cela, château et gens ; les timbales et les trompettes célèbrent ma jeune magnificence.
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