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Critiques de Charlotte McConaghy (64)
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Je pleure encore la beauté du monde

Attention, ceci est un coup de coeur, que je dois à mes chères libraires préférées, pour évoquer un sublime roman.

Je pleure encore la beauté du monde, déjà le titre est une invitation. La magnifique illustration sur la première de couverture, l'est aussi. Mais cela ne suffit pas. Alors ouvrons le livre et laissons-nous être emporté dans la canopée des pages.

Nous faisons la connaissance avec Inti Flynn, une jeune biologiste, arrivée en Écosse pour diriger une équipe de scientifiques chargés de conduire un programme de réinsertion du loup dans les Highlands écossais. Elle vit avec sa soeur jumelle Aggie, devenue muette. Plus tard, on le saura pourquoi et comment.

Elles forment toutes deux un duo émouvant.

Inti a la particularité d'être affectée d'un syndrome de « synesthésie visuo-tactile » qui lui fait ressentir dans sa chair toutes les sensations vécues par ceux qu'elle observe, animaux inclus. Peut-être surtout les animaux d'ailleurs... Cela nous vaut dès l'incipit la puissance d'une scène sidérante :

« On avait huit ans le jour où papa m'a coupée en deux, de la gorge jusqu'au bas du ventre. »

C'est ainsi qu'encore enfant et voyant son père dépecer un lapin sous ses yeux, Inti comprend cette anormalité et l'accueille comme un don autant qu'une malédiction, cette scène  lui infligeant, sans le savoir, la même souffrance physique que l'animal.

La synesthésie visuo-tactile qui touche la jeune biologiste sera alors pour elle l'anomalie bienveillante, cette différence capable de jeter des ponts vers la souffrance animale.

Forcément, les efforts d'Inti pour réensauvager la nature meurtrie se heurtent rapidement à l'hostilité des locaux, notamment des éleveurs inquiets pour leur sécurité et celle de leur bétail.

Mais l'introduction du loup était nécessaire à l'équilibre de l'écosystème, aujourd'hui menacé par la multiplication des herbivores qui réduisent la végétation. Alors, face aux incompréhensions, l'enjeu de cette bataille entre court et long terme devient aussi la toile de fond de ce roman. C'est la lutte d'un territoire sauvage qui se bat pour sa survie contre un monde totalement domestiqué et exploité par l'homme.

Bientôt un drame va survenir...

De l'Australie à l'Écosse en passant par la Colombie Britannique et l'Alaska, Charlotte McConaghy nous invite à un voyage entre nature writing et thriller. C'est une subtile oscillation entre drame intimiste, poème naturaliste et thriller écologique.

L'écriture est incroyablement belle, les personnages sont saisissants de vérité, profondément touchants, même ceux qui pourraient nous irriter le poil.

Ici, le territoire des Highlands écossais joue un rôle central, les forêts en souffrance aussi et les loups qui y trouvent refuge.

Une sensation vorace m'a englouti dans ce roman addictif. J'ai été happé dans la nasse du récit où est venu s'entremêler à ma lecture le hurlement poignant d'une louve qui appelle son compagnon disparu, bientôt imitée par toute la meute.

Ce livre nous parle de femmes, de soeurs, de loups, de prédateurs, de blessures indélébiles et peut-être surtout ce livre nous parle d'amour.

Usant des codes du thriller pour dénoncer les hommes qui malmènent la nature et les femmes, ce roman addictif peut aussi se lire comme un polar écoféministe assumé.

Je pleure encore la beauté du monde est un magnifique roman de violences, d'amour et de rédemption qui m'a traversé de part en part. Moi aussi j'ai envie de pleurer la beauté du monde après cette lecture.
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Je pleure encore la beauté du monde

Je ne vais pas hurler avec les loups, puisque je me retrouve un peut toute seule à faire ma ronchon sur ce livre, je vais donc pousser un petit solo ! Ahouuuuu ! Ahouuuuuu !

Voilà qui me fait du bien (peut-être un peu moins à vos oreilles) !

Incursion au pays des loups … en terre écossaise.

Oui, cette association ne vient pas immédiatement à l’esprit. Pourtant, un véritable programme de réintroduction des loups avait été initié en 2021 dans le pays (probablement interrompu par le covid).

Dans le roman de Charlotte McConaghy, Inti Flynn, responsable du Cairngorms Wolf Project, s’installe ainsi dans les Highlands avec cet objectif. Avec son équipe, elle va œuvrer à la réintroduction de plusieurs meutes de loups, mais elle va se heurter à la réticence de la population paysanne locale et aux éleveurs de moutons.

J’ai apprécié les descriptions du travail d’Inti qui doit sans cesse composer entre intervention humaine et un certain laisser faire pour préserver le côté sauvage des loups.

Tout cet aspect du roman, cette fable écologiste est réussi et m’a vraiment beaucoup plu.

Mais, il y a un mais, l’autrice a voulu accoler à cette histoire beaucoup trop d’autres sujets à mon sens, et qui trop embrasse mal étreint… Ainsi viennent se mêler les violences faites aux femmes, des meurtres, une histoire d’amour, des flashbacks… et là ça part un peu trop dans tous les sens.

Le bouquet final m’a semblé un grand feu d’artifice de n’importe quoi et mon plaisir de lecture est retombé comme un soufflé à la lecture des multiples invraisemblances…

Dommage, Charlotte McConaghy aurait pu s’en tenir à son premier sujet qui se suffisait amplement à lui-même.

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Je pleure encore la beauté du monde

« On avait huit ans le jour où papa m’a coupée en deux, de la gorge jusqu’au bas ventre. »



Je vous promets, que cette première phrase m’a percuté en plein cœur. Rapidement j’ai compris qu’Inti Flynn, souffrait d’une affection neurologique. La synesthésie visuo-tactile. Son cerveau recrée les expériences sensorielles des créatures vivantes, de tous les êtres humains et parfois même des animaux. « Quand je vois, je ressens, et pendant quelques instants, je suis les autres, eux et moi ne faisons qu’un et leur douleur ou leur plaisir est le mien. » Ce jour-là son père leur apprenait à dépouiller un lapin.



Durant seize ans, Aggie et Inti, passaient tous les ans deux mois chez leur père, dans sa forêt. C’était leur vrai maison, l’endroit où elles se sentaient chez elles. Des paysages qui donnaient du sens à la vie d’Inti, enfant elle croyait que les arbres de cette forêt étaient leur famille. Vancouver, un long voyage de chez leur père, ancien-bûcheron-changé-en-homme-des-bois-naturaliste, jusqu’à Sydney, là où vivait leur mère, inspectrice de la brigade criminelle,dure à cuire et citadine invétérée.



Après des années d’étude, Inti, devenue biologiste ainsi que trois de ses compagnons, spécialistes des loups, sont en charge du programme de leur réintroduction. Ils essaient d’expliquer à la population, que trois enclos abritant quatorze loups qui viennent de Colombie Britannique ont été installés à l’intérieur du parc national des Cairngorms et qu’à la fin de l’hiver, ces loups quitteront leurs enclos pour vivre en liberté dans les Highlands écossais. Ils sont là à titre expérimentale, dans le cadre d’un programme de re naturalisation qui participera plus globalement à freiner le réchauffement climatique.



Allez faire comprendre ça à des habitants qui ont d’immenses troupeaux de moutons en liberté, les locaux craignent aussi pour leur sécurité. Depuis plusieurs siècles, les loups ont disparu, traqué par les hommes, ils ont été supprimés jusqu’au dernier. De revoir ces fauves, ne ravit personne. Des tensions très fortes vont diviser ce coin si tranquille.



Quand Inti, découvrira le corps atrocement mutilé d’un éleveur quelques jours après avoir relâché les premiers loups dans la forêt, elle comprend que les coupables seront vite désignés. Sans réfléchir, elle fait disparaître le cadavre. Mais si les loups n’ont rien à voir avec tout ça, quel monstre rôde donc dans les forêts ?



Je pleure encore la beauté du monde de Charlotte McConaghy, est un très beau livre sur la nature, les loups, la relation très forte et intime entre les deux sœurs. J’aurais voulu mettre tant choses, mais découvrez-le plutôt. Il est magnifique. L’autrice en parle tellement bien, on a l’impression de l’accompagner, dans ces forêts et de vivre un peu avec les loups. Bien sur ce n’est que mon simple avis.

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Je pleure encore la beauté du monde

Je pleure encore la beauté du monde

Un titre magnifique pour une histoire qui l’est tout autant. Ma plus belle lecture de ce début d’année.

Inti est une biologiste chargée de réintégrer 14 loups dans les forêts écossaises afin de permettre la biodiversité et de réduire le réchauffement climatique.

Mal accueillie avec son équipe par les éleveurs inquiets pour leurs élevages, elle doit faire face en plus à la disparition du plus irascible d’entre eux. Une enquête commence où les loups sont montrés du doigt. Une enquête qui confronte surtout Inti (et sa jumelle Aggie) à leur passé traumatique…

Entre passé et présent, l’Australie, le Canada et l’écosse, un roman puissant, palpitant où l’animal n’est pas celui que l’on croit. Une histoire de violences. D’amour. Et de rédemption.

Magistral

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Je pleure encore la beauté du monde

La réintroduction des loups dans les territoires des Highlands en Écosse est une hypothèse tout à fait plausible , sauf que, comme dans de nombreux pays les loups ont été exterminés dans les siècles précédents et que les terres ont été envahies ( et ravagées ) par les moutons et que les éleveurs n'ont pas envie que cela change ...



Une jeune scientifique , Indy Flynn et son équipe débarquent avec une douzaine de loups, espérant que ces loups vont créer des meutes , chasser les chevreuils et autres bêtes sauvages et , ainsi , redonner vie à la végétation



Mais comme la population locale n'est pas vraiment associée au programme, les choses ne se passent pas aisément et le premier tir sur un loup arrive vite au grand désarroi de Indy et de ses collègues.

Les hostilités sont lancées .



Lorsqu'Indy découvre le corps d'un éleveur, , elle prend , pour protéger les loups ,la mauvaise décision ouvrant la porte à un engrenage de violence, de suspicion et d'incompréhension.



Indy est venue en Écosse avec sa sœur jumelle, Aggie , espérant que cette vie en pleine nature guérira Aggie du profond traumatisme qui l'a transformée en un être absent , ne communiquant avec Indy que par le langage des signes qu'elles avaient inventé quand elles étaient enfants et qu'elles vivaient quelques mois par an dans la cabane de leur père au Canada.



La relation entre les jumelles est fusionnelle et jusqu'à l'accident d'Aggie il était difficile de savoir qui protégeait qui ; maintenant Indy veut guérir sa sœur.



Indy , elle, est atteinte d'une synesthésie visio-tactile, une altération sensorielle rare : elle ressent les douleurs et les émotions des autres , humains ou animaux , ce qui la rend particulièrement vulnérable mais elle a réussi à force de côtoyer la violence à se créer une carapace .

Seulement cela la rend solitaire, suspicieuse envers les autres avec une agressivité qu'elle a parfois du mal à contrôler car l'autre sujet lié également à l'état d'Aggie est la violence des hommes envers les femmes qu'elle a décidé de dénoncer.



Une belle histoire par son coté humain avec en particulier les forts liens entre sœurs et les pouvoirs de l'amour et en même temps , le constat toujours d'actualité sur la difficile cohabitation entre la nature sauvage et certains hommes forts de leur prérogative et de leurs coutumes qu'ils brandissent comme un bouclier contre tout changement comme le réensauvagement pourtant essentiel .





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Je pleure encore la beauté du monde

Et voilà ce livre terminé, avec la phrase leitmotiv qui me revient en tête : "l'infini mystère des loups".



Nous suivons à travers ce roman, à travers les paysages de l'Écosse, entre montagne et forêts, les efforts d'Inti et de son équipe pour réimplanter des loups. L'idée est de tester si la présence des loups a pour effet de dynamiser la croissance de la végétation, et de ramener de la biodiversité dans ces montagnes esseulées, ces plaines plutôt dédiées aux moutons. Il est vrai qu'auprès des éleveurs l'affaire ne sera en rien facile, encore moins acquise. Inti et ses collaborateurs sont prévenus : si un seul loup attaque le bétail, les fermiers organiseront une battue et les tueront tous.



Mais Inti n'est pas femme à s'en laisser conter, et surtout, il y a bien longtemps qu'elle a tourné le dos à sa propre espèce pour suivre l'appel de la forêt, qui résonnait pour elle, pour élever ces meutes, les suivre, les étudier et les protéger. En saurons-nous plus sur cet animal mythique ? Bien sûr, nous ne serons pas déçus, car nous apprendrons à connaître la plupart d'entre eux, à nous prendre de sympathie pour eux, ces bêtes souples et furtives qui chassent le daim. Nos nuits n'ont qu'à tendre l'oreille pour percevoir, lointain, le hurlement d'appel ou de regret. le roman s'émaille de rencontres infimes ou magiques avec la meute, surtout celle de Cendre et de ses louveteaux. Mais chut... Ne faut-il pas s'habituer à les appeler d'un numéro, pour garder la distance nécessaire ? Regardez donc ces yeux jaunes et demandez-vous si vous pouvez les oublier, vous en défaire...



Mais que peut-il arriver lorsqu'un homme est attaqué de nuit, avec des blessures horribles qui rappellent fort une certaine dentition inexorable ? C'était certes un homme mauvais, qui cognait sur sa femme, mais que faire ? Comment empêcher la contagion et protéger ce qui peut l'être encore, bêtes et humains ? Comment se battre lorsqu'on souffre au-delà du sensible de tout ce qui est fait à tous ? Lorsqu'on se débat encore avec une enfance au goût sauvage mais si douce et forte, avec les traumatismes du passé, qui ont meurtri sa soeur jumelle Aggie au-delà de la conscience ? Comment accepter d'aimer et de faire confiance ?



Inti découvrira certaines de ces réponses dans ce grand roman d'aventure au souffle poétique, à la langue puissante ; peut-être la façon d'exprimer les sensations d'autres qui deviennent les siennes est-elle un peu systématique - c'est la seule chose en quoi le texte manque parfois de subtilité, d'autant plus que le profil cognitif de la jeune femme se réveille davantage dans certaines scènes marquantes, mais ne semble pas toujours actif. C'est sans conteste une belle lecture qui vous entraîne très loin, un grand merci à @Cassiopee42 qui m'a donné envie de le lire par sa belle critique.
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Je pleure encore la beauté du monde

« Je pleure encore la beauté du monde » est la version française du nouveau roman de Charlotte McConaghy, « Once There Were Wolves ». En 2021, j’avais eu un énorme coup de cœur pour « Migrations », un texte qui abordait le voyage des Sternes arctiques vers l’Antarctique. À travers le personnage de Franny Stone, Charlotte McConaghy mettait déjà en lumière une femme brisée par l’effondrement du monde. Elle réitère cette pensée dans « Je pleure encore la beauté du monde » avec Inti Flynn, biologiste et spécialiste de la réintroduction des loups en milieu naturel. Nous sommes en Écosse, dans le parc naturel des Cairngorms, où quatorze loups vont être renvoyés à la vie sauvage dans un but bien particulier.



« Ce que nous observons en Écosse, explique Evan, est un écosystème en crise. Le réensauvagement de la région est une nécessité absolue qu’il faut entreprendre de toute urgence. Si nous réussissons à étendre la couverture forestière de cent mille hectares d’ici 2026, alors nous serons en mesure de réduire drastiquement les émissions de CO2, qui participent au réchauffement climatique et nous pourrons offrir de nouveaux habitats aux espèces endémiques. La seule manière d’atteindre cet objectif consiste à contrôler la population herbivore et le moyen le plus simple et le plus efficace d’y parvenir est de réintroduire un prédateur essentiel qui vivait ici bien longtemps avant nous. L’élément de prédation indispensable à la survie de l’écosystème a disparu depuis plusieurs siècles, depuis que les hommes ont traqué et supprimé tous les loups, jusqu’à l’extinction de la population. »



Le travail d’Inti et de son équipe consiste à faire en sorte que la réintroduction des loups se passe bien, autant pour eux, que pour les habitants du cru, majoritairement propriétaires terriens et éleveurs de bétails qui ne voit pas d’un très bon œil l’arrivée de ces prédateurs. Mais, « Je pleure encore la beauté du monde » est un récit en deux temps, celui du présent en Écosse ET celui du passé d’Inti et de sa sœur jumelle Aggie, ballottées entre leur mère citadine et cartésienne à Sydney, et leur père rêveur, attaché à la terre, resté « à l’état sauvage » dans une forêt proche de Vancouver. C’est précisément dans le passé que le lecteur prend la dimension de deux choses fondamentales. La première c’est qu’Inti est atteinte d’une capacité insolite qui lui permet d’être en permanence connectée aux autres. « La synesthésie visuo-tactile. Mon cerveau recrée les expériences sensorielles des créatures vivantes, de tous les êtres humains et parfois même des animaux. Quand je vois, je ressens, et pendant quelques instants, je suis les autres, eux et moi ne faisons qu’un et leur douleur ou leur plaisir et le mien. » La seconde concerne un drame survenu dans la vie de sa sœur qu’Inti espère pouvoir guérir en la ramenant dans le cocon de nature de leur enfance et dont il faudra remonter aux origines. Ajoutez à cela la partie du présent, le travail auprès des loups, la didactique qui s’y rapporte tant au niveau de l’animal en lui-même que de l’action écologique, et vous obtenez un roman qui pousse les murs de l’intériorité et de l’intimité pour venir se mêler aux problématiques du monde.



Aimer les loups, c’est d’abord les comprendre. Il faut dire que Charlotte McConaghy a fait énormément de recherches sur le sujet pour apporter le plus de réalisme possible sur leur sens de la famille, leur façon de chasser, leur intelligence. Au-delà de l’imaginaire de conte de fées qui entoure ces animaux fascinants, ils sont la clé d’un écosystème que je n’appréhendais pas. L’idée de départ de « Je pleure encore la beauté du monde », le réensauvagement grâce à l’introduction des loups et toutes les conséquences qui en découlent était fort alléchante, mais je n’imaginais pas à quel point l’histoire intime de ces jumelles allait faire corps avec le récit et le sublimer. Car, si une meute est capable de faire pousser de nouvelles plantes, revenir au cœur de la forêt peut offrir à Inti et Aggie un nouveau départ. En se reconnectant à la nature, Inti espère sauver sa sœur d’un vécu traumatique et elle-même d’une violence devenue intrinsèque.



Inti est une femme en colère, cabossée de l’intérieur, complexe. Elle a été le témoin de l’inhumanité des hommes, elle a subi la société, a expérimenté toutes les haines face à la réintroduction d’un animal dont tout le monde a une peur panique. Son « don » qui se rapproche d’une empathie extrême évolue au fil du roman, mais grâce à lui, elle perce le secret des émotions humaines, elle fonctionne à l’instinct. Comme les loups dont elle se sent si proche qu’elle voudrait pouvoir se glisser sous l’une de leur peau. Le pouvoir de la meute est aussi fort chez les loups qu’entre sa sœur et elle, comme l’instinct de la douceur ou du danger…



« Papa me disait souvent que mon don le plus précieux était ma capacité à me glisser dans la peau d’un autre humain. Il me disait que j’étais la seule à pouvoir ressentir ça, la vie d’un autre, l’éprouver vraiment et me balader avec. Il disait que le corps sait un tas de choses et que moi, je possédais ce don miraculeux de ne pas connaître qu’un seul corps. L’incroyable intelligence de la nature. Il nous avait aussi enseigné que la compassion était la qualité la plus importante de toutes. Si quelqu’un nous faisait du mal, nous n’aurions qu’à puiser dans notre capital empathie, et le pardon viendrait facilement. »



Imaginez souffrir de cette maladie neurologique que j’aime à définir comme un don, imaginez les conséquences que cela aurait dans nos sociétés… ressentir la douleur des autres ferait sans doute de nous de meilleurs humains.



Vous imaginez sans doute que dans « Je pleure encore la beauté du monde », il sera question d’adaptation des hommes et de prise de territoire des loups. Que cette cohabitation pourra s’avérer ardue. Je ne reviens pas là-dessus. Au-delà de tout ce que je vous ai déjà dit précédemment, il y a évidemment un très fort message écologique dans ce texte. J’ai aimé la façon dont Charlotte McConaghy le transmet, à la fois par des exemples très concrets, mais aussi par un langage plus abstrait. Il est énormément question de langage silencieux dans ce roman : le langage silencieux des sœurs, dont Aggie a inventé les mots, le langage des loups, le langage des arbres et de leurs racines que le père des filles leur a enseignés. Nous pouvons tous être acteurs du changement, nous reconnecter à la nature pour retrouver l’harmonie et guérir. Nous devons changer notre regard au monde.



Dans cette traduction française du titre, « Je pleure encore la beauté du monde » il y a à la fois toute l’enfance d’Inti et d’Aggie, le pouls de la forêt transmise par leur père, les douleurs vécues au cœur de la meute humaine, la peur panique de voir disparaître tout être vivant qui ne soit pas humain. En ensauvageant le naturel, peut-on se reconnecter à notre part sauvage ? « Je hoche lentement la tête. Mon père disait souvent que le monde avait déraillé quand nous avions commencé à nous détacher du sauvage, quand nous avions cessé de ne faire qu’un avec le reste de la nature, que nous nous étions installés à l’écart. Il disait que nous pourrions survivre à cette erreur si nous trouvions un moyen de nous réensauvager. Mais comment doit-on s’y prendre, sachant que notre existence terrorise les créatures avec lesquelles nous sommes censés nous reconnecter ? »



Ce roman est d’une beauté fulgurante, autant dans les descriptions de la nature, du système de connexion qui existe entre les loups, que par ce qu’il dit de l’histoire de deux sœurs, dont l’une a clairement subi la violence du monde. Le sens de la famille qui y est développé grâce à l’observation de la meute et devrait éveiller nos consciences sur notre propre humanité. Le don d’Inti à ressentir physiquement la douleur des autres ne fait qu’accentuer la force du récit. Les portraits de ces deux sœurs, réellement unies face au monde, sont tout à fait bouleversants. Que serait-on capable de faire par amour ? Par peur ? Par instinct ?



« Je pleure encore la beauté du monde » est riche d’émotions, résolument féministe, énergiquement écologiste et efface l’espace-temps. Magnifique !



Merci à Marie Chabin pour sa traduction.
Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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Je pleure encore la beauté du monde

« J’avais toujours su qu’il y avait quelque chose de différent en moi, mais ce jour-là, pour la première fois, j’ai compris que c’était un truc dangereux. Ce fut aussi le jour où, alors que j’émergeais de la cabane en titubant, accueillie par les violacées d’un long crépuscule, je posai les yeux sur la lisière des bois et vis mon premier loup. Qui me vit également. »



Depuis toute petite, Inti Flynn est fascinée par les loups. Elle en a d’ailleurs fait son métier, puisqu’elle est responsable de leur réintroduction dans différentes régions du monde. Cette fois, c’est dans les Highlands écossais qu’elle va devoir menée à bien sa mission. Un retour du loup qui inquiète dans la région et suscite l’hostilité de certains, en particulier celle des éleveurs de moutons qui craignent pour leurs troupeaux.



L’opposition entre pro et anti-loups, assez habituel et compréhensible lorsqu’il s’agit de réintroduire des animaux prédateurs, est décrite de manière subtile et sans jugement de la part de l’autrice. Chacun à ses arguments à faire valoir et je trouve intéressant que même Inti soit aussi confrontée à des situations qui lui feront revoir certaines de ses positions.



Dès les premières lignes du roman, on apprend qu’Inti a une affection neurologique, la synesthésie visuo-tactile, et a donc la particularité de ressentir les expériences sensorielles des êtres vivants qu’elle voit : « Quand je vois, je ressens, et pendant quelques instants, je suis les autres, eux et moi ne faisons qu’un et leur douleur ou leur plaisir est le mien. »

Une singularité que Charlotte McConaghy exploite parfaitement dans le roman puisque cette synesthésie exacerbe les émotions que peut ressentir Inti. Les interactions avec les loups sont ainsi décrites avec beaucoup de justesse et de sensibilité, et cela nous permet de comprendre aussi la relation toute particulière qu’Inti entretient avec la nature de manière générale. Les très belles descriptions de la nature, véritable explosion de couleurs, m’ont particulièrement plu.



« Notre trio se met en route et les arbres nous enveloppent rapidement. La mousse recouvre le sol d’un tapis vert citron. Certaines espèces de fougères m’arrivent aux épaules. Je caresse des troncs rugueux et des ramures lisses, glisse les doigts entre des feuilles veloutées, effleure des aiguilles pointues. Mes pieds s’enfoncent légèrement dans le sol spongieux. La canopée laisse entrevoir le gris du ciel, sa lumière souligne les contours de chaque chose, éclairant les couleurs de l’intérieur. »



L’autrice vient en revanche greffer sur son récit d’autres intrigues, dont certaines flirtent avec le thriller, et qui m’ont semblé desservir le roman en s’écartant du sujet principal. Les réactions et agissements d’Inti sont aussi parfois difficiles à comprendre et à mesure que l’histoire progresse mon intérêt pour le récit a fini par faiblir.



Lecture donc en demi-teinte, mais je retiendrai la plume sensible et poétique de Charlotte McConaghy, ainsi que les très beaux passages de nature-writing.
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Migrations

Ce que Thomas B. Reverdy n’avait pu réaliser dans son roman Climax, Charlotte McConaghy l’a accompli, réussissant à intégrer des personnages forts et crédibles dans leur quête du bonheur sur fond de changements climatiques. Son héroïne, Franny Stone, mi-irlandaise, mi-australienne, se définit elle-même comme un être impulsif, inconstant et continuellement tourmenté. On la retrouve, dès les premières pages, au Groenland, en train de baguer les dernières sternes arctiques avant leur migration annuelle. Son objectif : les pister jusqu’en Antarctique. Le hic : se dénicher un passage sur un navire dans une ère où les pêcheries sont désormais interdites. Les poissons se font rares et la plupart des espèces animales ont disparu, nous sommes dans une dystopie qui pourrait être la réalité d’ici quelques années.

J’ai beaucoup aimé ce premier roman de Charlotte McConaghy. Il contient tout ce qui fait une bonne fiction et bénéficie en outre d’une construction originale. Une lecture très agréable et la découverte d’une nouvelle autrice qu’il faudra suivre de près.

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Je pleure encore la beauté du monde

"Je pleure encore la beauté du monde" est un roman écrit pour rendre hommage à ceux qui, comme Inti l'héroïne de ce roman, luttent pour ré-introduire une faune sauvage dans les parcs nationaux et autres sites naturels.



Et à mes yeux, c'est réussi. Déjà le titre et la couverture sont de toute beauté, et avoir pris pour décor les Highlands et ses forêts écossaises, territoire autant inquiétant qu'ensorcellant, est bien à l'image de cet éco-polar-féministe.



Des âmes grises mêlant bons sentiments et noirceur, des loups fascinants, une alchimie entre soeurs, de la violence sous toutes ses formes, un meurtre ou plutôt des meurtres, voilà qui compose ces 380 pages de ce très beau nature writing.



"L'homme est un loup pour l'homme", cette phrase très connue résume à elle seule ce livre qui j'espère saura rencontrer un large public via le bouche à oreille à défaut de l'être dans les médias, ce que je regrette...
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Migrations

« Nous pouvons aussi en prendre soin. […] »



De disparitions, de promesses, et d'amour… Entre ciel et mer.

En quête de traces. Dans une nuée d'oiseaux par-delà les océans…



Franny Stone est au Groënland, prête à suivre les sternes arctiques durant leur migration. La dernière volée…, car ces oiseaux font partie des espèces en déclin extrêmement menacées.

Les sternes « voyagent » d'Arctique en Antarctique chaque année, « la plus longue migration de tout le règne animal » !

Bien déterminée à les suivre durant leur migration et ainsi en savoir plus sur le réchauffement climatique, la jeune femme réussit à convaincre Ennis Malone, capitaine d'un bateau de pêche sur le point de prendre la mer, de l'embarquer avec son équipage à bord du Saghani.



Auprès de ces « exilés de la terre ferme », c'est l'opportunité de suivre les sternes en période de migration et vu qu'elles se nourrissent de poissons, cela présage de bonnes prises pour le Saghani.



Une expédition en haute mer pour ces marins et pour la jeune femme portant mystères et souffrances, car qui est-elle vraiment ? .

« Ce monde fait de peur qui est devenu le mien, je crains d'y survivre au moins autant que je crains de ne pas en réchapper ».



C'est alors une véritable traversée mêlant passion, conviction, motivation, manipulation, provocation, et, révélations ; source d'émotions et de découvertes.



Si l'on est attiré par la nature sauvage, les oiseaux, sensibilisé par les espèces menacées, en voie d'extinction, notre environnement et la préservation de notre belle planète, ce livre vous parlera. de même pour le milieu de la pêche et la spécificité de la vie à bord, racontés. Rien de manichéen, et c'est ce qui m'a plu aussi, tout étant bien plus complexe.



C'est aussi une histoire amenant des réflexions sur la nature humaine, la culpabilité ; sur la vie.

J'ai aimé le style, les descriptions, sublimes, le décor liant ces deux éléments, l'air et l'eau. le souffle, la vie et ses inévitables dangers. Et même s'il y a du chagrin, il y a aussi de l'optimisme dans le fond.

C'est une quête de traces conjuguant beauté et intrigue .



J'ai ressenti une belle évasion littéraire et un apprentissage. J'ai aimé les explications sur les oiseaux, les espèces menacées. Il y a tant à apprendre des comportements des animaux et de leçons à méditer.

J'ai aussi aimé ce roman pour ses résonnances à titre personnel,



« […] peut-être que l'homme n'est pas condamné à être toujours un poison ou une plaie pour la Terre. Peut-être sommes-nous encore capables d'en prendre soin. »

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Je pleure encore la beauté du monde

Et soudain, on sent qu'enfin on tient un bon livre !

Après plusieurs semaines d'errance, d'abandons, de bouquins chroniqués par acquis de conscience et d'autres carrément refermés au bout de quelques chapitres, j'en tiens un.

« Happée» J'ai lu ce mot dans une des critiques babeliotes. Et je dois dire que je ne trouve pas mieux pour décrire ce moment où on se laisse embarquer avec délectation. Happée, littéralement, je l'ai été moi aussi!

Charlotte MacConaghy nous conte l'histoire d'une biologiste australienne qui participe à la réintroduction de loups en Ecosse, dans une zone désertifiée, où tentent de subsister des éleveurs de moutons.

Sa particularité n'est pas banale : elle est atteinte d'un syndrome qui en fait une personne ultrasensible percevant avec une très grande acuité par la simple perception visuelle le ressenti émotionnel et physique des êtres vivants qui l'entourent. C'est certes une faiblesse dont elle doit faire une force, car c'est aussi ce qui en fait une biologiste particulièrement intuitive et efficace.

On s'en doute, sa tâche ne va pas être simple. Comme un peu partout en Europe, réintroduire de grands prédateurs dans des zones d'élevage où la vie est déjà fort rude sans eux ne va pas sans heurts ni animosité!

Habitant moi-même une région où le loup s'est installé en peu d'années, prélevant des dizaines de bovins pour se nourrir, j'avoue être très circonspecte sur le sujet de la réintroduction dans un monde qui n'a plus guère de place pour la cohabitation pacifique.

Et puis on ne peut s'empêcher de craindre la rencontre fortuite qui pourrait menacer enfants et animaux domestiques et on comprend la tristesse des éleveurs qui retrouvent morts des animaux qu'ils ont soignés et vus grandir.

Pourtant, ce texte magnifique m'a bouleversée et j'avoue avoir versé des larmes tant l'écriture est belle et le message émouvant. J'ai été conquise et ai appris beaucoup de choses que j'ignorais totalement sur cet animal et le sens des réintroductions.

Le récit n'est pas qu'un "nature writing" particulièrement réussi, c'est aussi une vraie histoire avec des sentiments, du suspense, des tensions, une intrigue, une enquête. C'est un vrai beau roman à rebondissement car comme vous le découvrirez Inti n'est pas venu seule en Ecosse. Elle protège sa soeur jumelle dont on découvre par étapes le passé douloureux. Hymne à la vie sauvage et plaidoyer vibrant pour le loup qui remue les tripes et retourne le coeur, ce roman est aussi un rude voyage, sordide parfois, dans l'intime des sentiments humains de ses protagonistes, dont la plupart ont été d'une manière ou d'une autre, confrontés à la violence.

De quoi mettre en perspective la peur du loup…

Un gros coup de coeur.

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Je pleure encore la beauté du monde

Voilà un roman intéressant par bien des domaines !







Tout d'abord, la maladie du personnage principal (pas d'inquiétude, je ne spoile pas, on en prend connaissance dès le début), il s'agit de "Synesthésie visuo-tactile ou synesthésie en miroir au toucher, qui est un phénomène neurologique, sa particularité tient au fait que lorsque le synesthète voit une personne être touchée à un endroit du corps, il éprouve exactement la même sensation. Le cerveau recréé les expériences sensorielles des créatures vivantes, de tous les êtres humains et parfois même des animaux.



Ensuite, on parlera de la réintroduction des loups. C'est un fait connu maintenant, nous avons besoin des loups pour rétablir notre écosystème. Il a fallut que l'homme prenne conscience que ces être, qui étaient pourtant bien présents avant que l'on ne les chasse, avant que nous ne les exterminions, sont essentiels à notre survie, c'est ballot hein ?! La déforestation est abordée également, tout comme la communication des arbres entre eux. L'homme commence a comprendre que ce qui était en place avant son arrivée était là pour une raison simple et logique, participer à la vie de notre planète, bref ! Je dirai, pour garder un peu d'humour, que parfois, à la lecture, on a envie de sortir et de faire un gros bisous à l'arbre au fond du jardin... mais je n'en ai pas !



Forcément, nous apprenons beaucoup sur les loups. Leur mode de vie, leur sens de la famille, du partage et de la transmission, leur nature, même s'ils restent encore très mystérieux. Leur réintroduction est évidemment très controversée, c'est évident, les gens ont peur des "bêtes sauvages" et peur pour leurs bétails, ce qui est compréhensible aussi. Mais cet animal aux grandes mâchoires, aux grands yeux et aux grandes oreilles arrivera a touché le lecteur.



La violence conjugale, le féminicide et le viol seront abordés dans ce roman, un sujet encore trop actuel malheureusement, et qui aura un impact sur l'histoire de différentes manières. Le thème est bien abordé, il sera un élément fondamental de l'intrigue. Tout comme la gémellité, qui est reste la aussi un sujet essentiel, un sujet qui d'ailleurs intrigue toujours que ce soit d'un point de vue littéraire, cinématographique ou tout simplement dans la vie réelle, et l'auteur sait en jouer et en faire vivre son suspense.



Enfin, nous ne passerons pas à côté d'une petite romance... Qui du petit Chaperon Rouge ou du Grand Méchant Loup séduira l'autre ? Là je ne suis pas dans mon élément, je passe la main aux autres lecteurs pour aborder le sujet.



Tout ça pour dire ! Que j'ai passé un très bon moment de lecture, à la fois instructive, distrayante et agréable, pleine de diversités qui ne permet pas au lecteur de s'ennuyer. Quelques passages m'ont parut néanmoins un peu gros, mais le plaisir qu'on en retire excuse ces passages.
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Je pleure encore la beauté du monde

Biologiste écartelée entre deux continents et les deux codes de vie de ses parents séparés – La Colombie-Britannique où vit son père homme des bois, et l'Australie où vit sa mère policière - Inti dirige dans les Highlands un programme de renaturation destiné à freiner le réchauffement climatique grâce à la réintroduction du loup en milieu naturel. Concomitamment, elle souffre de synesthésie visuo-sensorielle, affection neurologique épuisante qui lui fait éprouver en se glissant dans leur peau, les sensations vécues par les humains ou animaux qu'elle côtoie. Elle vit avec sa soeur jumelle dont elle prend soin, depuis qu'elle est déconnectée du monde après des violences irréparables de la part de son mari qui « l'aimait à mort », prouvant une fois de plus que "l'homme est un loup pour l'homme et un relou pour la femme" (Miss.Tic).





Dans ce second roman, Charlotte McConaghy atteint l'excellence. Avec un talent, un style, une précision et une maturité hors normes, elle entrelace dans la même intrigue des thématiques aussi graves et lourdes que les violences infligées à la planète, les violences infligées aux femmes, en leur accordant la même importance. A partir de ce qui n'aurait pu être qu'un énième appel à la raison ou enfonçage de portes ouvertes pour sauver ce qui reste sauvable, elle crée une histoire déchirante peuplée de personnages complexes, qui tous tentent, à leur manière, de s'en sortir, de se réparer tout en réparant le monde.





Si j'ai apprécié chaque mot de Je pleure encore la beauté du monde, si j'ai apprécié le style envoûtant et poétique de l'auteure, j'ai également été sensible à son aspect pédagogique. Grâce à des explications documentées et simples bien intégrées dans le roman, j'ai enfin compris pourquoi la réintroduction du loup est autant primordiale pour l'avenir commun. L'auteure n'est pas manichéenne, elle ne pratique pas le sentimentalisme niaiseux, mais rapporte des données scientifiques. Elle évoque les conflits qui opposent les biologistes aux éleveurs autochtones, les premiers souhaitant sauver une espèce, les seconds s'érigeant en propriétaires de la terre et du paysage, s'intéressant davantage à leurs revenus qu'à la préservation du bien commun alors qu'ils sont grassement indemnisés si très rarement, l'une de leurs bêtes est attaquée. Au passage, qui a tué l'un d'entre eux, grande gueule, tabasseur et chasseur ?





Enfin, et j'en resterai là, j'ai aimé découvrir la nomenclature de Werner (publiée en 1814) qui relie les mondes animal, végétal et minéral, identiques et uniquement distingués par des nuances de couleurs, que Charlotte McConaghy utilise pour parer le monde de teintes jusqu'alors inconnues : l'orange orpiment et le jaune citron des frelons ; le vert tarin des aulnes, couleur des poires Colmar bien mûres, des pommes Irish Pitcher et de la pierre brillante baptisée torbernite ; le rouge hyacinthe comme les taches de la punaise Lygaeus apterus ou l'orange hollandais comme la crête du roitelet à couronne dorée. Si vous voulez apprendre que le sang frais a la couleur des cerises et de la tête des chardonnerets, Je pleure encore la beauté du monde est fait pour vous. Mais pas uniquement pour ce motif. Un très grand roman sensoriel, beau, émouvant, utile si l'on considère qu'un autre monde est possible. Et nécessaire.
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Migrations

Nous sommes dans quelques années sans savoir précisément laquelle. La sixième extinction de masse a commencé. Exit les lions, les loups, les corbeaux. Régulièrement une espèce disparaît. Les poissons ont disparu des océans presque totalement. Les oiseaux ont déserté le ciel.

Pourtant il semble que l'oiseau migrateur le plus endurant résiste.  Il s'agit de la sterne arctique. Celle-ci migre tous les ans de l'Arctique aux confins de l'Antarctique en suivant les côtes africaines ou sud-américaines. Durant son périple elle engloutit des bancs de petits poissons.

Franny Stone est une jeune femme incapable de se fixer. D'Australie en Irlande, elle a toujours été subjuguée par la mer, les oiseaux. Un baûme sur les pertes qui ont bouleversé sa vie.

Sans en connaître la raison au début du roman, nous suivons Franny au Groenland où elle suivre la migration des serbes arctiques.

Elle convint Ennis,  patron d'un chalutier de l'emmener avec son équipage afin de suivre la migration des sternes. Pour les pêcheurs,  c'est tout bénéfice avec la promesse que les oiseaux les mèneront à des poissons devenant très rares.

Cette longue migration , vers le Sud sera l'occasion d'apprendre par bribes les aléas de la vie de Franny.

Migrations porte bien son pluriel.

Migration du monde en général,  qu'il soit animal ou humain. Mais les humains ne sont ils pas des animaux ?

A travers un jeu d'aller retour bien maîtrisé,  Charlotte McConaghy nous délivre un roman brutal et poignant.

Cette anticipation de quelques années n'est pas si loin de notre quotidien et nous interpelle fortement sur notre rapport au réchauffement climatique et à la transition écologique.

Quant à l'histoire de Franny que l'on découvre peu à peu, elle nous tient en haleine et par sa brutalité nous rappelle la brutalité de cette sixième extinction de masse qui n'est pas une fatalité

Dernière phrase du roman :

" Ma mère me disait toujours de guetter les indices.

Les indices de quoi ?

Les indices de la vie.  Ils sont partout "



Ps. Il s'agit d'un premier roman de très grande tenue que l'on ne lâche pas.
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Migrations

Nous sommes demain. 80% des espèces animales sauvages ont disparu. Très peu de poissons subsistent au fond des océans et seules les sternes arctiques , ces oiseaux capables de parcourir des milliers de kilomètres lors de leurs migrations, semblent avoir survécu.

Par amour pour ces oiseaux, Franny Stone parvient à embarquer sur un bateau de pêche et faisant fi de ses convictions écologiques, propose un marché au capitaine du Saghani : les sternes les mèneront aux poissons et elle pourra les suivre dans leur périple.

Commence alors un double voyage : l'un sur mer en compagnie d'un équipage haut en couleurs , l'autre dans le temps qui nous permet de découvrir une héroïne marquée par un passé douloureux, par son amour de la mer et enfin par une irrépressible bougeotte qui la force à quitter ceux qu'elle aime.

Charlotte McConaghy sait nous tenir en haleine, tant dans son récit d'aventure maritime que dans la découverte des failles de son héroïne. On ressent parfaitement aussi son amour de la nature et les craintes que la sixième extinction annoncée génère chez ses personnages, personnages dont elle brosse le portrait avec beaucoup d'empathie. On frôle parfois le pathos mais la conclusion, juste parfaite offre une lueur d'espoir bienvenue. Un roman qui séduira tous les amoureux de la  nature.



Éditions  Lattès 2021





Traduit de l'anglais par Anne-Sophie Bigot
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Je pleure encore la beauté du monde

Cinq loups stylisés se sont substitués en couverture au titre original « Once there were wolves », que remplace en français une citation du livre « Je pleure encore la beauté du monde ». La quatrième de couv' en fait plus en retombant dans d'anciens travers spoilers. La composante roman policier n'intervient en effet qu'après un bon tiers du récit. le thème général est un projet de réensauvagement des Highlands où ne subsistent que des lambeaux des anciennes forêts celtiques qu'ont décimées des hardes de chevreuils laissées sans prédateurs.

Si l'on excepte les éleveurs de bétail, les loups ont actuellement la cote dans le reste de la population, notamment auprès des pianistes. On pourrait de ce fait s'attendre à une narration convenue, un genre de nouveau western avec une flamboyante biologiste, une certaine Inti Flynn, responsable du projet d'un côté et des éleveurs hostiles à l'esprit bovin de l'autre, même si dans la région, on travaille plutôt sur du mouton. Mais l'examen du CV de l'autrice nous révèle qu'elle est scénariste avant même d'être romancière et de ce point de vue, elle n'a pas ménagé ses efforts pour imaginer un dispositif éminemment complexe : ladite biologiste souffre d'abord d'un syndrome qui lui fait éprouver dans sa chair la douleur de l'être qu'elle observe. Son personnage en outre se double d'une jumelle, autrefois polyglotte et aujourd'hui rendue muette quoique communicant par des signes. Le récit fera dès lors des allers et retours entre le présent et le passé pour nous en révéler la cause. Une intrigue secondaire – mais pas tant que ça – est centrée sur la violence faite aux femmes. On ajoute que les parents de cette doublette sont un père bûcheron repenti (et repentant) survivant désormais en autarcie dans la forêt au Canada, divorcé d'une mère commissaire de police opérant en Australie et déplorant la trop extrême sensibilité de sa fille.

Avec ça il y a de quoi faire et Charlotte McConaghy fait la démonstration d'un talent certain, même si de temps à autre, une barque aussi chargée a tendance à tanguer et que la densité des personnages secondaires en pâtit un peu, ce qui ne l'empêche pas de conduire son affaire avec brio, avec des morceaux de bravoure superbes comme l'approche du cheval sur le lac gelé et d'autres que je ne parviens pas à retrouver, mais qui ne vous échapperont pas, j'en suis certain. Avec des loups au rendez-vous pour tout ce qu'on peut attendre d'eux, depuis Romulus et Remus en passant par Jack London.

J'allais oublier de louer le très beau travail de la traductrice.

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Je pleure encore la beauté du monde

Un très beau livre – le titre et la couverture m’ont subjuguée – pour un très joli coup de cœur. L’autrice démarre fort son récit. La première phrase du livre est pour le moins percutante et perturbante. Jugez plutôt ! « On avait huit ans le jour où papa m'a coupée en deux, de la gorge jusqu'au bas ventre ». C’est Inti qui parle. Inti est une petite fille spéciale. Elle « souffre » d’une maladie étrange que je ne connaissais absolument pas. La synesthésie visuo-tactile de son nom scientifique. Inti ressent tout ce que ressentent les personnes ou les animaux qu’elle voit, comme si c’était elle. Douleur, bonheur… Tout. Elle devient eux quelques instants. Quand je vous disais étrange… Les sensations sont parfois si intenses qu’elle en perd connaissance. Inti est donc assez sensible, fragile surtout psychologiquement. D’ailleurs, sa mère lui a intimé l’ordre de s’endurcir durant toute son enfance. Ce que ne veut pas Inti. Heureusement, sa sœur jumelle, Aggie, est là pour veiller sur elle. En tout cas, tant qu’elle le pourra. Ces deux petites filles fusionnelles se sentent vraiment chez elles au milieu de la nature, dans la forêt avec les arbres. C’est là qu’Inti a vu son premier loup. Depuis elle consacre sa vie à leur protection et à leur réintroduction dans la nature pour le bien de la biodiversité, de l’avenir de notre planète. L’histoire nous emmène en Ecosse où Inti vient d’arriver avec son équipe. Ils sont là pour réintroduire plusieurs meutes de loups. L’accueil des habitants, en particulier des éleveurs de moutons, est glacial. L’affrontement semble inévitable. D’autant qu’Inti a changé et s’est endurci. La douleur a cet effet là sur les gens. Par petites touches qui nous ramènent par moment dans le passé, l’autrice nous dévoile peu à peu les raisons de sa transformation. Je ne vous en dirais pas plus. Sachez juste que c’est un magnifique récit rempli d’amour, de haine et d’amitié. De résilience aussi. Il traite de sujets importants comme la place de la nature dans nos vies, sa préservation, notre relation au vivant, la violence faite aux femmes… Très bien écrite, l’histoire m’a profondément touchée par moment. Oui un gros coup de cœur pour « Je pleure encore la beauté du monde ». A découvrir absolument.
Lien : https://mapassionleslivres.w..
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Je pleure encore la beauté du monde



Ayant beaucoup aimé le premier roman, Migrations, de cette autrice, je me faisais une joie d'ouvrir celui-ci. Il avait en effet tout pour me plaire: une histoire de réintroduction de loups dans une forêt des Highlands (une pure fiction , apparemment) et j'étais déjà ravie.

Hélas, le défaut que j'avais déjà évoqué comme bémol pour son précédent ouvrage se donne ici libre-cours: le pathos. 

On accumule les personnages torturés, les situations prévisibles (voire invraisemblables) et à trop vouloir accumuler les thèmes (violence faites aux femmes, loups accusés de tous les maux, y compris de meurtre sur humains) l'autrice m'a totalement déçue. Dommage.Il n'en reste pas moins qu'on sent ci un véritable amour  de la nature et des loups.





 Éditions Gaïa 2024. Traduit de l'anglais (Australie) par Marie Chabin.
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Je pleure encore la beauté du monde

Ah tiens, Aline a encore acheté un livre avec des loups sur la couv'...

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Et elle a bien fait Aline, parce que "Je pleure encore la beauté du monde" est un magnifique récit à côté duquel il ne faut pas passer. Ce roman parle d'écologie avec la réinsertion de ce grand, beau et mystérieux prédateur qu'est le loup dans des écosystèmes qui doivent être redynamisés. Il parle de femmes qui doivent encore lutter pour prendre leur place dans le monde. Il parle de plein d'autres choses encore et il serait bien vain de tenter de les résumer. Lisez ce roman sensible et sauvage, aimez les loups et allez vous promener dans les bois.
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