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Critiques de Alfred (515)
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Maltempo

Alfred vient de terminer sa trilogie italienne composée de « Come Prima » (paru en 2013) et « Senso » (2019). Ce sont des titres aux récits complètement indépendants mais dont le point commun est une sorte de définition de la dolce vita à la méditerranéenne.



On va suivre Mimmo qui a 15 ans; c’est la période de vie où l’on est encore dans l’insouciance de l’adolescence et pas encore adulte. Il roule avec sa vespa d’un bout à l’autre, les cheveux dans le vent.



Evidemment, la mise en image est magnifique avec ces paysages d’une petite ville côtière de la vieille Italie du Sud où la nature garde encore son authenticité mais ce calme précaire est menacé par les constructions d’hôtels pour touristes. Alfred est réellement dans la maîtrise de son art avec des progrès tout à fait considérables depuis que je le suis en tant qu’auteur avec le fameux « Pourquoi j’ai tué Pierre » paru en 2006. On peut dire que les couleurs chaudes égayent notre lecture. L’alchimie est quasiment parfaite.



Le scénario suit une bande de gamins qui forment un groupe car le leader souhaite gagner un concours pouvant le faire passer dans une célèbre émission de variété avec de la notoriété à la clé. C’est presque un miracle que le casting s‘étendent aussi loin de la capitale Rome pour toucher cette bourgade perdue. Mimmo rêve d’être une star du rock afin d’échapper à son destin où il vit seul dans le désœuvrement avec un père complètement anéanti.



Il y a certes un petit fond de mafia qui règle ses comptes avec le gouvernement afin d’isoler cette terre des touristes. Il sera également évoqué la résurgence du fascisme italien sous forme de tract ou de statuette à l’effigie du Duce. Cependant, cela ne sera absolument pas la thématique principale qui est beaucoup plus légère comme le dépassement de soi. J’avoue avoir beaucoup aimé cette douceur de vivre, ce récit qui nous emporte sous le soleil de l’Italie où tout demeure possible pour autant qu’on veuille bien s’accrocher.



Au final, c’est un bel album qui nous propose une sympathique tranche de vie. Tiens, on a presque envie de boire un apérol en écoutant Bella Ciao ou Ti amor.
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Je mourrai pas gibier

Des gendarmes courant à droite à gauche autour de la maison. Une balle tâchée de rouge, des traces de sang ici et là. À l'étage, un sol jonché de douilles. Et, en contrebas, un homme couché sur le ventre, hurlant, le tibia brisé. Autour de lui, les gendarmes s'affairent. Pas moins de cinq victimes, deux dans un état grave et un blessé léger. Le blessé léger, c'est Martial qui a oublié de garder une dernière munition pour lui...

Pourtant, ce devait être un beau jour de mariage aujourd'hui, à Mortagne, même si l'on n'a jamais vraiment su comment faire la fête sans que ça se termine en incident ou en bagarre rangée. L'on célébrait l'union d'Arnaud, le frère de Martial, et Sonia. Ce dernier a échappé de peu à la prison grâce à Frédo, le contremaître de la scierie Listrac. Aussi, lorsque ce dernier lui propose d'aller rendre une visite à Terence, le pleu-pleu du patelin, avec qui Martial a noué des liens, il ne se fait pas prier...





Tiré d'un fait divers et du roman éponyme de Guillaume Guéraud, ce récit empoigne, saisit de par sa violence et sa brutalité. Qu'est-ce qui a bien pu mener Martial à commettre ces actes horribles et sanglants ? C'est ce que déroule petit à petit l'auteur, partant de la tragédie en ce jour de fête et remontant à la source. L'on fait ainsi connaissance avec Martial, un jeune homme qui, jusque-là, évitait de se mêler de la vie du village autant que faire se peut. Un petit village divisé en deux : ceux qui bossent pour le château Clément et ceux qui bossent pour la scierie Listrac. Toute fête au village est l'occasion d'alimenter la haine entre ces deux clans. Martial, lui, a depuis quelques mois voulu quitter tout ça, Terence restant son seul ami. Tel le gibier, le lecteur est pris au piège dans cette histoire, hypnotisé par une voix-off monocorde, posée et distante, par cette tension de plus en plus palpable, par cette ambiance oppressante, par des scènes tantôt suggérées tantôt montrées et par ce trait au stylo hachuré, anguleux et brutal. Un album d'une force saisissante, bouleversant et déchirant ...
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Maltempo

Un grand merci à Babelio et aux éditions Delcourt...



Dans ce petit village îlien, adossé à la colline, les jeunes s'ennuient ferme. Mimmo, lui, a encore des rêves pleins la tête et compte bien donner un coup de pied à son avenir. Juché sur son scooter, la guitare dans le dos, il part à la cherche de son pote, Gennaro, surnommé Mortadelle. C'est coincé dans l'arrière-boutique de l'épicerie de ses parents qu'il le trouve. Il a une super nouvelle à lui annoncer : le casting de la plus célèbre émission musicale passe dans le village. Comme Mortadelle est prêt à tout pour voir Valeria Guzzoli, il est, évidemment, d'accord pour remonter le groupe. Pour cela, il faut reprendre les répèts mais surtout convaincre Guido, le bassiste, un gars qui joue au gris dur et qui veut bien se libérer entre deux rencards amoureux, mais aussi Cesare, le chanteur aux yeux bleu acier, un doux rêveur qui se désole de voir les arbres centenaires remplacés par des hôtels à touristes...



Mimmo a la fougue de son âge et la volonté farouche et inébranlable de concrétiser son rêve. Guitariste dans un groupe qu'il a formé avec ses potes, le casting de cette émission musicale est, à ses yeux, le meilleur moyen de pouvoir quitter son île. Hélas, son rêve sera ponctué de quelques fausses notes. Alfred clôt sa trilogie italienne (avec Come Prima et Senso) avec maestria. Tout d'abord, avec ses personnages qu'il peaufine avec soin. Mimmo, un adolescent timide et sensible, Cesare, un amoureux de son île, Guido qui, de prime abord, nous apparaît antipathique mais qui se révèle, au final, particulièrement touchant, ou encore le fou du village. Ensuite de par son ambiance parfaitement rendue et délectable. Un vrai plaisir de se balader dans ces petites ruelles désertées, d'admirer ces paysages côtiers. Même si, en arrière-plan, l'on découvre une Italie en proie aux doutes, où les tracts pour l'extrême droite fleurissent, où la violence gratuite surgit à tous les coins de rue, où les chantiers sont sabotés, où subsistent le chômage et la misère, où la petite mafia semble être la seule solution de s'en sortir pour certains. Enfin, de par son intrigue prenante et son récit intimiste. Graphiquement, Alfred joue à merveille différentes partitions, du gaufrier aux pleines pages contemplatives, d'un bleu nuit profond à un jaune ensoleillé, d'un trait délicat à gribouillé lorsque les ados jouent de la musique.

Un album doux-amer...
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Come Prima

Pour ce nouvel an, quoi de plus sympathique qu’une virée entre frangins pour rejoindre la belle Italie. Bon d’accord, c’est pas le grand amour entre les deux, en apparence en tout cas. L’ainé a coupé les ponts quinze plus tôt, après avoir choisit de plaquer la maison familiale pour rejoindre les milices fascistes. Mais le cadet a un argument de poids, une urne funéraire avec les cendres du papa. Retour vers le passé.

Un road movie mouvementé, ou les rancœurs éclatent au grand jour. Les liens du sang effaceront-ils les différents ?

Qu’elle belle surprise que « come prima » d’Alfred. Des personnages au personnalité complexe. Pas forcément sympathique de prime abord, mais c’est justement dans leurs erreurs, leurs défauts que l’empathie nous gagne pour Fabio et Giovanni. Une fois l’orgueil ravalé, les masques tombent, les blessures et les regrets apparaissent. Alfred grâce au talent d’écriture et de dessin donne épaisseur et force à son histoire. Les deux s’harmonise parfaitement et donne à ce voyage un gout bien agréable.

A mon sens, idéal pour une adaptation ciné.

Bien sur un grand merci aux Editions Delcourt et à Babelio pour cette bien belle découverte.



« Come Prima » un joli titre pour mon premier coup de cœur de l’année.
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Come Prima

Fabio et Giovanni sont frères.

Le premier, avide d'ailleurs, s'est émancipé très vite alors que le second s'estimait en devoir de prendre en main les rênes de la famille.

La fuite de l'un associée à son absence prolongée ont semble-t-il distendu les liens fraternels d'antan. Aussi, lorsque Giovanni réapparaît sans crier gare pour annoncer le décès de leur père et sa volonté de rapatrier ses cendres en Italie, Fabio, touché par un énième coup du sort, consent à ce périple dans l'unique optique de rafler sa part d'héritage. C'est beau l'amour filial...



Bourvil fredonnait merveilleusement sa Ballade Irlandaise. Ce road-movie fleurant bon la dolce vita, et ce malgré un thème délicat, n'a absolument rien à lui envier.

Deux frères que tout oppose politiquement et philosophiquement devant se supporter dans cette valeureuse petite fiat 500 qui avale les km au rythme des souvenirs égrenés, à priori pas de quoi smurfer la macaréna sur fond de vuvuzela et pourtant...

Quoi de plus important que les liens du sang, quoi de plus difficile que de vouloir renouer lorsque que tout semble enterré.



Ce périple aux couleurs pleines et chaudes est un pur régal des yeux et de l'esprit.

Le trait d'Alfred ( auteur également de l'excellentissime Pourquoi j'ai tué Pierre ) est en totale adéquation avec le propos. Ni trop travaillé, ni minimaliste, il offre le parfait support à cette histoire de famille au caractère bien trempé.

La justesse des dialogues en parfait contrepoint de silences totalement légitimes en font une partition quasi parfaite.

Un pas de deux sur l'air de " je t'aime moi non plus " touchant et pudique. Véritable hommage aux maîtres Italiens des années 60 que furent Fellini, Visconti, Rosi et autre De Risi, ce tendre récit protéiforme est une réussite totale qui pourrait bien vous donner des idées prochaines de vacances...
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Come Prima

1958, Giovanni retrouve son frère Fabio au sortir d'un combat de boxe. Ce dernier ayant fui l'Italie, leur pays d'origine, ces deux frères ne se sont pas vus depuis 10 ans. Des caractères opposés, des idées politiques différentes dans cette Italie des années 30 qui honorait le Duce, tout les opposait. Mais Giovanni n'est pas venu seul, il a apporté avec lui les cendres de leur père et veut les ramener au pays. Il propose alors à son aîné de faire le voyage avec lui. Refusant d'abord cette proposition, il change finalement d'avis. Enchaînant les défaites et criblé de dettes, son seul prétexte pour accepter cette escapade est de récupérer l'héritage et se refaire ailleurs. Les deux frères embarquent dans la petite Fiat 500 et en route vers l'Italie. D'abord silencieux, le dialogue s'établit entre eux progressivement. C'est le temps des retrouvailles seuls à seuls, des révélations, des disputes, des vérités et des souvenirs qui refont surface...



Embarquez à bord de cette Fiat et faites connaissance avec ces deux frères de prime abord si opposés. Ce voyage sera l'occasion pour eux de se révéler, dévoiler les années qu'ils ont vécu sans nouvelle l'un de l'autre. Au fil des péripéties et des mésaventures qui leur arrivent, les deux frères vont se retrouver. Mais cela sera-t-il suffisant pour pardonner cette fuite de l'un et toutes ces années séparés l'un de l'autre? Alfred nous offre un road-movie intimiste, émouvant et intrigant. Insérant des flashbacks sur leur enfance, l'on comprend mieux leurs actions. Ces deux hommes aux caractères bien trempés et opposés sont terriblement attachants, de part leur force et leur faiblesse. Alternant des couleurs ensoleillées et un trait expressif pour le présent et un trait tricolore plus épais pour les souvenirs, cet album, parsemé ici et là de jolies planches muettes, est profondément humain et sincère.



♪♫ Come prima...

più di prima

t'amerò ♪
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Paroles de taulards

Les gardes à vue, la prison, les barreaux, les matons, le parloir... comment ces hommes en sont-ils arrivés là? Qu'ont-ils fait (ou refait pour certains) pour se retrouver derrière les barreaux? Quel regard la société porte-t-elle sur les taulards? Et, plus encore, sur ces ex-taulards? Et eux, quel regard portent-ils sur eux-mêmes?



L'association Bd Boum a poussé les portes de la Maison d'arrêt de Blois et deux de ses membres sont allés rencontrer les détenus. Après avoir discuté, échangé, donné et reçu pendant plusieurs semaines, elle a confié ses récits à Corbeyran qui, lui-même, a retravaillé avec eux. Une palette de dessinateurs, d'Etienne Davodeau à Edmond Baudouin en passant par Alfred ou Régis Lejonc, a illustré tous ces récits. Fruit d'un travail de 16 mois, ces Paroles de taulards nous livrent un certain regard sur la prison et sur ses conditions de vie. Non sans rappeler que la punition infligée à ces détenus doit les aider et non les anéantir ou les durcir. Le but est louable et nous incite ainsi à considérer ces personnes en tant que telles. Ces tranches de vie sont profondément humaines et empreintes d'une certaine justesse, le style de chaque dessinateur renforçant ces récits.



Juste quelques Paroles de taulards...
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Pourquoi j'ai tué Pierre

Après Pierre et le Loup , sublime conte musical – pouvant s'avérer assez gonflant finalement au bout de la 126 e écoute , je conçois - pour enfants écrit et composé par Prokofiev en 1936 , voici Pierre est le Loup ! Ici , foin de conte ni de musique si ce n'est celle de l'abject et du dégout !



Olivier a 7 , 15 , 35 ans . Abusé dès son tout jeune âge par un prêtre en qui il avait placé toute sa confiance , il ne réalisera que bien plus tard la portée culpabilisante d'un tel évènement , le vivant alors comme une souffrance bien légitime dans son quotidien d'adulte marié et père de famille .

Pierre est un prêtre progressiste , débonnaire , tout en rondeur . Il attire immédiatement la sympathie et telle l'araignée , tisse lentement sa toile avant de fondre sur sa proie immanquablement beaucoup plus jeune , lui causant alors des séquelles pérennes...



Sujet difficile s'il en est , la pédophilie est abordée ici de façon éminemment intelligente ! Ni voyeurisme outrancier , ni pathos larmoyant . L'auteur Olivier Ka , lui-même victime de tels agissements , se sert de cette BD comme exutoire et le fait de façon fort brillante ! Du garçonnet abusé ne matérialisant que très peu ce qui lui arrivait alors à l'adulte mature prenant pleinement conscience de l'évènement et de la commotion durable en découlant , Olivier narre son histoire simplement , factuellement , espérant ainsi exorciser les démons qui le hantent depuis .

Des dessins naïfs , des couleurs forcément sombres , le lecteur ne peut que se focaliser sur l'histoire . Cette dernière vous chope de la première à la dernière page , sans temps mort ni sensationnalisme , pour vous conter la terrible mésaventure de ce petit bout d'homme innocent appelé à devenir l'agneau sacrificiel entre les mains de cet ogre des temps modernes !

Magistral !



En refermant cette magnifique BD , je ne pus m'empêcher d'avoir une petite pensée émue pour Monseigneur Barbarin , ecclésiastique à l'honnêteté intellectuelle et l'ouverture d'esprit plus que discutables , qui , il y a peu encore , stigmatisait violemment l'éducation d'un enfant et ses dérives prétendument inhérentes au sein d'une famille homoparentale , omettant bizarrement d'évoquer ce type d'agissements pourtant avérés au sein de sa propre communauté ! Sacré Fifi va , un p'tit début d'alzheimer peut-être ? Au royaume des aveugles...
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Come Prima

1960. Deux frères roulent en direction de l’Italie dans une vielle Fiat 500 avec l’urne contenant les cendres du père. Giovanni est venu chercher Fabio qui le suit de mauvaise grâce. L’ombre du père plane en permanence, l’ambiance est plombée par les rancœurs et les souvenirs.

Ces retrouvailles forcées entre Giovanni qui boxe pour survivre et, Fabio qui voulait devenir le chef de famille, sont difficiles. L’empathie pour les deux hommes, assez secrets et désagréables en apparence, gagne lentement le lecteur au cours de ce voyage assez rocambolesque. On découvre les secrets de famille, les raisons de la fuite de Fabio il y a quelques années, aux heures sombres de l’histoire. La beauté des paysages sous le soleil d’été, une orange dégustée sur le bord de la route, petit à petit les deux frères se retrouvent, le fils qui est parti souffre autant que celui qui est resté.



Come Prima sonne juste, bien dialogué, et les illustrations aux couleurs chaudes accentuent le charme de cette histoire.. Les dessins mettant en scène les souvenirs ressemblent à ceux de Marjane Satrapi.



En voiture pour l’Italie ! Les souvenirs et les regrets se ramassent à la pelle…. mais la route est belle.

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Senso

Au départ, ce roman graphique d'Alfred, Senso, m'a laissé une impression en demi-teinte. Et puis, une fois refermé le livre, le récit est revenu dans mon esprit un peu plus tard, comme un thé qui infuse... Et depuis, je ne cesse d'y penser, non pas parce qu'il est un coup de coeur, - il ne l'est d'ailleurs pas pour moi-, mais parce que des scènes reviennent à moi comme si j'en avais vécues certaines d'entre elles, des scènes mais aussi des impressions...

Le synopsis est assez banal : un homme et une femme se rencontrent par hasard à une fête de mariage dans un vieil hôtel au sud de l'Italie. Chacun essaie de profiter de cette soirée pour donner un sens à leur vie. Dit comme cela, c'est en effet quelque chose de banal, peut-être quelque chose que vous avez déjà vécu...

Il s'appelle Germano, elle s'appelle Elena.

Pour résumer, Germano se rend à une exposition et voilà que tout dérape à son arrivée à la gare dans une ville du sud de l'Italie où il est venu assister à l'inauguration d'une exposition de photos organisée par sa fille. Personne ne l'attend à la gare, à l'hôtel, la chambre réservée est prise. Entre temps, il se fait voler sa valise. Il découvrira plus tard qu'il s'est trompé de semaine...

Germano, c'est un chien dans un jeu de quilles, c'est un éléphant dans un magasin de porcelaines, c'est un personnage étonnamment égaré dans cette histoire, qui s'étonne lui-même de ce qui lui arrive, sa gestuelle éperdue et son visage ressemblent sans cesse à un navire en plein naufrage.

À l'hôtel, il y a un mariage ce soir-là. C'est pour cela que l'hôtel est complet.

Elle s'appelle Elena, il s'appelle Germano.

Elena est invitée au mariage.

Leur rencontre, inattendue, est celle de deux personnages un peu à la dérive au milieu d'une fête qui ne les concerne pas.

Autour de l'hôtel, autour d'eux il y a un parc immense où l'imaginaire n'attend qu'eux pour s'exprimer. Ce parc ne serait rien sans eux, sans leurs hésitations, leurs tâtonnements, leur ivresse... Germano et Elena s'accrochent alors l'un à l'autre et se laissent guider par leur désir mutuel de donner, le temps d'une nuit, un sens à leur vie...

C'est une fugue presque immobile. J'ai aimé cette fugue, totalement bancale, pleine de maladresse et teintée d'ivresse, mais c'est cela qui crée aussi le chemin entre deux âmes perdues.

Cette histoire est aussi une insoumission contre l'ordre établi, un message rebelle, dissident, d'une portée écologique, message porté maladroitement comme si Germano n'en prenait pas conscience ou plutôt, oui il en prend conscience, mais c'est comme s'il ne savait pas bien le faire, manquait d'assurance, lui l'ancien producteur de groseilles biologiques, ayant fait faillite à cause de la pression des lobbyings agricoles environnants, jusqu'à ce que ceux-ci provoquent une pollution sur sa production...

Dans ce scénario dépeint sur des planches extrêmement expressives, j'y ai vu, derrière cette maladresse amoureuse, une dénonciation forte d'un modèle de société classique qui démontre ses limites.

Les dessins très expressifs m'ont émerveillé. Les personnages sont animés d'une vigueur étonnante. Certaines pages sont éblouissantes, telles de véritables peintures.

Mais l'amour est là aussi, bel et bien là ou plutôt naissant, comme si cet amour se forgeait justement sur le terreau d'un monde à la dérive, ces deux être fragiles que sont Germano et Elena se reconnaissent dans l'échec de leurs vies respectives, ils arrivent peut-être à un âge où chaque rencontre est un festin divin. Est-ce l'amour ? Peut-être pas, mais cela en prend presque déjà l'allure...

Ce que j'aime, ce sont les faux-pas des deux personnages principaux et leurs trébuchements qui mènent à l'amour, alors forcément je me suis ici régalé.

Dans nos vies, il est rassurant de lire des histoires d'anti-héros qui non seulement s'en sortent à merveille, mais en plus nous éblouissent par leurs pas de côté.
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Pourquoi j'ai tué Pierre

Pourquoi j'ai tué Pierre,

Parce qu'à 7 ans, il fallait que j'aille à la messe matinale avec mes grands-parents;

Parce qu'à 8 ans, avec mes parents et un couple d'amis baba-cool, on se baignait dans l'eau tout nu et que la nudité, hé, ben, ce n'était pas si grave;

Parce qu'à 9 ans, j'ai rencontré Pierre, un curé gauchiste, très gentil, surtout avec moi, que tout le monde a accepté dans la famille;

Parce qu'à 9 ans, je pars en colonie, tout seul, comme un grand, avec Pierre;

Parce qu'à 12 ans, Pierre me demande de lui masser le ventre pour l'aider à s'endormir et qu'il prend ma main et la pose sur son sexe dur;

Parce qu'à 15 ans, je découvre l'amour avec une femme;

Parce qu'à 16 ans, mes parents se séparent, je quitte l'école et je brise le silence;

Parce qu'à 29 ans, je ne supporte plus d'entrer dans une église;

Parce qu'à 35 ans, je ne vais pas bien du tout et que je décide de tout raconter, à travers cet album...



Avec un sujet aussi difficile, raconté une fois n'est pas coutume par un homme, Olivier Ka a voulu se débarrasser de ses démons, mettre des mots et des dessins sur cet acte de pédophilie dont il a été victime. On est très vite happé par cette ambiance malsaine, on ressent à la fois de l'inquiétude, de la révolte et de la compassion.

Quant aux dessins, ils sont d'une telle intensité ! Les couleurs sont parfois criardes, les traits grossiers et noirs. Cette mise en images et en couleurs, d'une simplicité apparente, a su retranscrire les changements d’époque, les états d'âme, la candeur, la rage, la vulnérabilité.



Pourquoi j'ai tué Pierre, parce que c'était lui ou moi...
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Come Prima

Cette bande dessinée est un peu comme un vieux film italien, les couleurs y sont lumineuses, les réactions y sont vives, violentes parfois, à l'image des relations entre ces deux frères qui se retrouvent à l'occasion de la mort de leur père et ne savent échanger qu'à coups d'éclats de voix et de gestes brusques.

Chaque page déborde d'émotions : de colère, de regrets, de rancune, mais aussi de petites joies, de souvenirs et de nostalgie.

L'auteur a totalement réussi à m'embarquer dans un voyage dans le temps et l'espace, je me suis retrouvée immergée dans des paysages de campagne éclatants, écrasés de soleil, dans l'Italie des années 50, en compagnie de Fabio et Giovanni, deux frères peut-être pas si différents qu'ils le pensent.
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Maltempo

Club N°55 : BD sélectionnée

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on est emporté sur la Vespa de ce dernier tome sympa de trilogie.



Mais je n'ai pas retrouvé cette petite musique magique qui m'avait soulevé pendant la lecture du premier tome de cette trilogie italienne " Come prima ".



Benoit

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Lien : https://mediatheque.lannion...
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Je mourrai pas gibier

L'album s'ouvre sur un fait divers atroce : un jeune forcené a tiré sur huit personnes, cinq sont mortes, dont un enfant... Il a juste oublié de garder une balle pour se supprimer.

Massacre gratuit né d'un pétage de plombs 'ordinaire' ?

Retour sur les événements des mois passés.

Le jeune homme vit à Mercourt, petit village de 1 200 habitants, divisé en deux clans - ceux de la scierie et ceux de la vigne de Château Clément. Toutes les occasions sont bonnes pour s'enivrer, les bagarres sont légion, les hommes sont tous chasseurs. Pour eux, une seule devise : "Je suis né chasseur, je mourrai pas gibier". C'est la loi du plus fort, la violence revancharde ou gratuite pour s'amuser.

Notre personnage central se distingue, par son choix de métier, par sa sensibilité - ce qui lui vaut les sarcasmes de son père, de son frère et des autres hommes. La rage s'installe, puis bouillonne et explose suite à un drame.



Un graphisme fin, des visages peu harmonieux assortis au contexte, de jolies couleurs, et soudain une page qui tranche, sobre, pure, mais très explicite.

Une BD dure, violente et émouvante, qui laisse le lecteur écoeuré, révolté.
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Pourquoi j'ai tué Pierre

Pourquoi il a tué Pierre.



Il a tué Pierre parce qu’il a 7 ans. Il a tué Pierre parce qu’il a 12 ans, puis 19, puis devient adulte et à travers les différentes étapes de sa vie, le narrateur nous explique pourquoi il a tué Pierre. J’avance dans ma lecture, je veux savoir ! La réponse se précise peu à peu. Je me doute, je comprends, je devine, j’en suis presque sûr comme une évidence mais je refuse d’y croire, alors je continue de tourner les pages. Il a tué Pierre parce qu’il a 35 ans et la vérité nous frappe. C’est émue que je poursuis ma lecture parce que maintenant je sais pourquoi Olivier a tué.



« Je ne triche pas. Je tente de comprendre, de mettre à plat mes sentiments, mes ressentis. Je creuse, je fouille, je vomis tout. Je vais jusqu’au bout. Jusqu’à maintenant… »



Un coup de maître pour le duo Olivier Ka et Alfred. C’est au hasard d’un café littéraire que j’ai rencontré cet auteur, Olivier Ka, écrivain à la plume remarquable mais avant tout un homme sensible, pudique et adorable. Il aborde un sujet difficile avec sérénité, justesse et intelligence. Le texte est magnifique et bouleversant. Son approche d’un thème grave, délicat et tabou se fait avec beaucoup de pudeur sans haine ni colère « parce qu’il faut aussi savoir rire de ses propres larmes ». Le coup de crayon sobre et instinctif d’Alfred laisse place à l’émotion tandis que la palette d’Henri Meunier vient accentuer, par ses couleurs tantôt vives tantôt sombres, le tragique de cette histoire autobiographique. On referme ce livre troublé et pensif.



« Moi je me sens calme, étonnamment, et serein. Je sais exactement pourquoi je suis là. Je sais précisément ce que je suis venu faire. J’ai le sentiment d’avoir quitté le rêve. Je suis là, et bien là. Avec ses choses assassines à dire. »



Pourquoi j’ai tué Pierre… Une question de survie !


Lien : http://marque-pages-buvard-p..
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Pourquoi j'ai tué Pierre

C’est en ayant aucune idée de son sujet que j’ai commencé ce roman graphique. Les consignes étaient claires de la part de la personne qui me l’a offerte, ne rien en savoir avant lecture pour que, comme pour elle, la découverte soit totale. Qu’il en soit ainsi.



« Pour Emmanuel, cette promenade au pays des souvenirs et des blessures, parce qu’il faut aussi savoir rire de ses propres larmes. »



En lisant la dédicace de l’auteur, je me suis dit que le sujet n’allait sans doute pas être léger…



Olivier a 7 ans, 8 ans, 9 ans, 10 ans, 12 ans.



Olivier est issu d’une famille plutôt libre, tendance baba cool, on parle de tout, on est tolérant, on n’a pas de tabous. Si ses grands-parents sont extrêmement croyants et pratiquants, ses parents ne le sont pas. Mais ouverts d’esprit, ils comptent un prêtre parmi leurs amis et en sont même plutôt fiers. « Pierre est un curé « de gauche ». Il est cool. Il est drôle. C’est pas un prêtre, c’est un bonhomme. » Olivier est heureux de l’écoute et de la présence rassurante de cet homme qu’il voit comme un « nouveau tonton, un excellent, qui rit, qui chante, qui chatouille. » Avec lui, Olivier se sent important. C’est donc sans hésitation qu’il va le suivre à « Joyeuse Rivière », sa colonie de vacances. Une colonie de vacances, un prêtre, un gamin, pas besoin d’en dire plus…



Olivier a 15 ans, 16 ans, 19 ans, 29 ans, 34 ans.



Une innocence perdue, un enfant marqué à jamais, un adolescent en devenir, un jeune adulte en pleine (dé)construction. Un événement indélébile, marqué à tout jamais, un secret enterré au fond de soi…



Olivier a 35 ans.



Les cauchemars récurrents. Le besoin de sortir de soi ce secret, de le vomir, de l’écrire. Le soutien d’un Ami, un vrai. Un retour en arrière, un mal nécessaire.



Olivier a tué Pierre…



Sobriété et justesse du propos de la part d’Olivier Ka. Trait, dessins, graphisme et mise en page parfaitement adaptés aux émotions, aux sentiments et aux troubles d’Olivier de la part d’Alfred. Quand on sait ce récit autobiographique et qu’on découvre le travail des deux artistes et amis, on comprend définitivement le sens du mot Ami.



A Olivier Ka et à tous les autres…


Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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La guitare de Django

Quel bel album !

C'est une partie de la vie de Django Reinhardt qui est ici présentée avec beaucoup de talent , tant pour les illustrations que j'ai adorées que pour le texte plein de sensibilité , de chaleur et délicatesse. Les métaphores m'ont beaucoup plues.



Quelle belle idée également d'avoir choisi la guitare pour narrateur.

Toutes les onomatopées parsemées le long des pages aident sans doute les enfants à les immerger dans l'univers musical.

L'histoire de Django Reinhardt est poignante et la façon dont elle est ici présentée aux enfants les incitera à n'en pas douter à vouloir écouter les morceaux jouer par ce virtuose de la guitare. Dans cet album de multiples thèmes pourront être abordés avec les enfants, la musique bien sûr, le monde des gitans, la différence, le handicap, la passion, la résilience, les années folles...

Voilà une petite parenthèse livresque qui fait du bien !!!









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Paroles sans papiers

Triste réalité de drames actuels que vivent les sans papiers. Des scénaristes de BD ont participé à ces témoignages bouleversants. Lorenzo Mattotti, Gipi, Frederik Peeters, Pierre Place, Brüno, Kokor, Jouvray, Cyril Pedrosa et bien sûr Alfred.

Neuf récits d'exils, de souffrances et de pertes de soi-même. Des textes de personnalités engagées, de politiques et un dossier complet à la fin. le lecteur se sent tellement impuissant !

Merci à Harioutz qui, de par sa critique, m'a fait découvrir cette BD et comme lui j'ai été fasciné par les dessins de Frederik Peeters qui sont imbriqués avec beaucoup de monde, un peu à la façon de Sempé.



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Pourquoi j'ai tué Pierre

Bande dessinée CHOC !

J'ai emprunté cette bande dessinée à la médiathèque sans savoir de quoi il s'agissait, juste parce que je trouvait l'illustration de la couverture belle et forte. La quatrième de couverture m'a cependant mis la puce à l'oreille : "Pierre est un curé "de gauche". Il est cool. Il est drôle. C'est pas un prêtre, c'est un bonhomme. Moi, c'est comme si j'avais un nouveau tonton. Un excellent, qui rit, qui chante, qui chatouille." Et l'histoire, sous une apparente bonhommie est redoutable et terrible.

L'illustration sert idéalement le sujet. le graphisme évolue au fil de l'histoire, les couleurs sous leur apparente douceur due au grain du papier et à l'aspect vieilli sont, si l'on regarde plus attentivement , en réalité acides et agressives, les dessins rondouillards et enfantins du début sont remplacés par des illustrations plus griffonées, aux traits rageurs, aux aplats brusquement posés dans les moments les plus angoissants, Alfred incorpore même des photos dans le final.

Et quel final ! J'avoue que j'en ai mal dormi, j'ai été totalement bouleversé, terrassé par une telle force. Cette histoire ne peut laisser indemne, ses auteurs ont sorti leurs tripes pour la réaliser, ça se ressent.

C'est puissant, une très grande BD !

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Come Prima

Deux frères se retrouvent après 10 ans d'absence. Fabio l'ainé est parti pour suivre les chemises brunes, à la grande déception de son père . La vie a fait qu'il n'est jamais rentré au pays. Son cadet, Giovanni le retrouve et le fait rentrer au pays, non sans mal, suite au décès de leur père. Un road movie s'ensuit , ou les deux frères pourront s'expliquer tour à tour jusqu'à la destination finale : la maison familiale, ou presque.



Une belle histoire familiale qui, si elle n'est pas d'unngraphisme exeptionnel, nous fait voyager dans la psychologie de deux hommes que tout oppose et en même temps que tout rapproche. Un amour fraternel, une fierté exacerbée (un peu cliché des Italiens d'ailleurs), et bien d'autre chose. Une belle leçon de vie
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