AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Yasmina Khadra : outragé, mais libéré !

Article publié le 31/08/2020 par la Rédaction, en partenariat avec les Editions Pocket

 

Vous connaissez peut-être les livres les plus poétiques de Yasmina Khadra, Les Hirondelles de Kaboul ou Ce que le jour doit à la nuit – pour ne citer que les plus célèbres. Mais avez-vous déjà lu ses romans noirs ? En parallèle de la parution de son dernier ouvrage le 20 août dernier, Le Sel de tous les oublis (Julliard), Pocket réédite au format poche L’outrage fait à Sarah Ikker lors de cet automne 2020.

 



On y découvre l’histoire du lieutenant de police Driss Ikker, qui trouve en rentrant chez lui sa femme Sarah bâillonnée, menottée et nue sur leur lit. Elle vient d’être violée, et Driss surprend le coupable avant de se faire assommer sans avoir eu le temps de l’identifier. Commence alors pour lui ce que l’auteur décrit comme une « enquête conjugale », menée en parallèle d’une enquête officielle traînant la patte. Bien vite, Driss glisse dans la paranoïa et presque la folie, et nous entraîne dans les bas-fonds de Tanger à la recherche du violeur… Car le lieutenant vit le viol de sa femme comme si finalement il en était plus victime qu’elle, comme le rappelle l’auteur dans une interview donnée à Afrique Magazine en août 2019 : « C’est Sarah qui a été agressée, mais c’est Driss qui est à plaindre. Mon roman s’articule autour de cette méprise grossière, injuste et hypocrite. Bien sûr, il y a anguille sous roche, et les lecteurs sont invités à traquer tout cela. »
 
Flics ripoux, politiciens véreux : quand le ver est dans le fruit

Au-delà de l’intrigue policière en elle-même, on retrouve les thèmes de prédilection de l’auteur algérien ici transposés dans les rues d’une grande ville d’Afrique du Nord. Avec, en premier lieu, la critique d’une corruption omniprésente. Car si Yasmina Khadra n’est jamais tendre avec les gouvernants et autres élites de son pays d’origine, il n’épargne pas non plus les autres pays aux travers similaires.

Voici ce qu’en disent certains Babelionautes dans leur critique du livre : pour Librincanto, « Le crime et l'enquête sont en réalité un prétexte à la dénonciation de la corruption au sein des autorités politiques et policières du Maroc ». Calimero29 souligne : « il égratigne sérieusement une police corrompue, qui fabrique les coupables qui lui conviennent, où être un policier honnête relève d'un héroïsme déplacé ! » donaldguertin précise : « Dans cette critique sociale et politique, les lecteurs découvrent tous les subterfuges qu'engage le vivre en société quand la corruption domine et que l'argent bouscule les choix et les actions. » Et Carmendb s’enthousiasme : « J'aime le style fleuri de cet auteur, ces paysages magiques qu'il nous fait découvrir et ces images empreintes de poésie, même quand elles racontent la corruption de la classe au pouvoir, l'incompétence de la police ou la misère des laissés pour compte. »

Tanger est une ville que l’auteur apprécie beaucoup depuis son premier séjour là-bas en 2003. C’est d’ailleurs suite à un salon du livre dans cette ville, à la demande de lectrices marocaines, qu’il décide de la prendre pour décor de l’un de ses livres. Après l’épreuve que fut l’écriture de son roman Khalil (qui nous plongeait dans l’esprit d’un terroriste un soir de novembre 2015 à Paris), L’outrage fait à Sarah Ikker lui a permis de revenir vers un climat plus intimiste et de s’offrir un « dépaysement nécessaire », selon ses propres mots.

 


 
Etre femme en terre d’islam

L’autre thème très prégnant dans l’œuvre de Yasmina Khadra, et tout à fait central dans ce livre, c’est la place des femmes dans les sociétés maghrébines et musulmanes. Rien d’étonnant, pourrait-on se dire, de la part d’un auteur qui a pris comme nom de plume les deux prénoms de son épouse, et questionne les rapports hommes/femmes au Maghreb dans beaucoup de ses livres.

Dans L’outrage fait à Sarah Ikker, Driss et Sarah forment un couple à la fois idéal et improbable, puisqu’elle est issue de la grande bourgeoisie, et que lui est un fils de paysan algérien devenu policier pour s’élever socialement – c’est d’ailleurs le père de Sarah qui lui a permis de devenir officier. Ce qui pourrait apparaître comme un obstacle mineur à l’amour va en fait se révéler crucial dans l’enquête, et ramener les personnages à leur statut social. Driss n’hésitera d’ailleurs pas à aller déranger les plus hautes sphères pour mener à bien son enquête. Et entraîner ainsi le délitement progressif, inévitable, de son couple.

De ce côté, les Babelionautes ont également trouvé matière à réflexion. Comme ElmoLelou : « La relation qui se tisse au sein du couple est très violente puisqu'il se sent autant victime qu'elle. Son honneur d'homme a été bafoué dans une société particulièrement conservatrice. Et c'est là que ce roman m'a intéressée. » dido600 évoque le couple face à l’épreuve : « Vivre avec un être que l'on croit connaître sur le bout des doigts, voir en lui le socle inaliénable de son existence et fonder en lui les doux espoirs d'une communion des cœurs et des esprits, jusqu'au moment de s'apercevoir que cette vie tant rêvée était si fragile et brinquebalante, qu'elle serait détruite au moindre couac. » Selon EmilieAFDL : « Yasmina Khadra profite de ce cadre pour aborder la femme marocaine, son statut et ses rôles au sein de son couple, de sa famille et de son rang social, mais aussi de ce que le pouvoir, les relations et la richesse peuvent engendrer comme traitement de faveur, mauvaises actions et/ou décisions. »



 
Ecrire comme on respire

Nous n’en dirons pas beaucoup plus pour vous laisser le plaisir de la découverte lors de votre lecture. Mais sachez que dans les romans de Khadra comme dans le réel, les apparences sont trompeuses, et rien n’est jamais acquis – surtout lorsqu’on se fie aux mots. Et si quelques lecteurs semblent avoir compris assez tôt les tenants et aboutissants de l’intrigue, d’autres ont été totalement surpris par certaines révélations.

C’est tout le talent d’un auteur qui confiait d’ailleurs à Afrique Magazine en août 2019 : « C’est parce que je m’ennuie que j’écris tout le temps : des poèmes, des nouvelles, des articles pour la presse. Parfois, j’ai deux ou trois romans en chantier, et je m’en veux de ne pouvoir me concentrer sur un seul. » Mais qui s’en plaindrait ? Certainement pas les lecteurs de cet écrivain devenu incontournable…

 

Découvrez L'outrage fait à Sarah Ikker de Yasmina Khadra, publié au format poche aux éditions Pocket
Commenter  J’apprécie          121

{* *}