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Critique de Coraline2205


Les Dévastés de JJ Amaworo Wilson m'a été envoyé par Babelio – que je remercie, ainsi que les Éditions de l'Observatoire – dans le cadre de la Masse critique spéciale littérature. le roman nous plonge dans un monde apocalyptique où, pour des milliers de personnes jetées sur les routes, l'espoir apparaît en la personne de Nacho Morales, un esprit libre et profondément humaniste.
Dès le début du roman, on fait donc la connaissance des « dévastés », une tribu d'écorchés vifs jetés par milliers sur les routes par la misère, les catastrophes naturelles et les conspirations politiques. Ils sont menés par Nacho Morales, infirme boiteux rendu penseur libre par son handicap. Poussé par son humanisme incommensurable, celui-ci est bien décidé à leur rendre dignité et vie décente. Tous investissent alors la tour Torres, imposant monolithe de soixante étages abandonné depuis plusieurs années, et s'y organisent pour vivre en communauté. On assiste donc à la naissance de cette société – la mise en place de leur fonctionnement, l'aménagement de leurs locaux, la création de leurs commerces – ainsi qu'aux obstacles et mésaventures qu'ils doivent surmonter pour continuer à vivre dans leur havre de paix. le roman s'impose alors comme celui d'une lutte pour la dignité. Les dévastés sont seuls au monde et ne peuvent compter que sur eux-mêmes, et surtout sur ce Nacho Morales qui leur fait office de leader. Comme ils peuvent, ils tentent de faire face à la corruption du gouvernement et des puissants qui, au lieu de les aider, les menacent. Ils résistent pour conserver une vie décente et leur dignité durement retrouvée chaque fois qu'une embûche se dresse sur leur chemin.
Néanmoins, même si l'intrigue se corse parfois en ces occasions, j'ai trouvé que l'ensemble manquait un peu de relief, souffrait de quelques longueurs. Il faut alors s'armer d'un peu de patience. de la même manière, j'ai eu un peu de mal avec certains choix narratifs. le récit est construit sur un système de va-et-vient dans le temps qui rend toute chronologie un peu complexe à reconstruire. L'auteur a aussi recours à des effets d'annonce un peu trop nombreux (dans le texte directement, mais aussi avec le sommaire présent au début de chaque chapitre) qui deviennent lassants à la longue et paraissent trop artificiels. Là encore, j'ai donc eu du mal à apprécier ma lecture car je suis restée focalisée sur ces procédés qui me dérangeaient.
À la lumière de ces éléments, il m'a semblé que ce qui importait plus que l'action dans ce roman, c'était son ambiance. D'emblée, le côté apocalyptique, fait d'extrême pauvreté, de catastrophes naturelles et de guerres successives, nous frappe et nous interroge. de plus, on ne sait pas réellement quand ni où se passe l'intrigue, ce qui la rend plus que probable dans un futur plus ou moins éloigné. Aucune indication ne nous permet de nous situer dans le temps. de même, il semblerait que l'histoire puisse se passer partout : les personnages sont hispanophones, français, allemands… tandis que les noms des quartiers peuvent aussi bien placer la ville au Brésil (où « Favelada » désigne un bidonville) ou encore en Afrique du Nord (« Fellahin » désignant un paysan en Égypte). Il est légitime alors de se demander si Les Dévastés ne sont pas une anticipation du sombre avenir de l'humanité.
Comme si notre dernier recours face à l'annihilation était la croyance, le roman convoque tout un imaginaire de mythes et de légendes. Il foisonne tout particulièrement de références bibliques suffisamment connues pour que même les néophytes en religion saisissent les liens : la Tour de Babel, le Déluge, les plaies d'Égypte… Pour autant, il ne s'agit pas d'un récit prosélyte en faveur d'une religion ou d'une autre, le rendant accessible à tout lecteur, quelle que soit ses croyances. On remarquera par ailleurs que les références convoquées sont issues de l'Ancien Testament, texte commun aux trois principales régions occidentales, et le sont au titre d'une référence littéraire comme une autre, en toute neutralité. le seul regret que j'aurais, c'est une impression que cet imaginaire a beaucoup incité l'auteur à résoudre les mésaventures de ses personnages par des deus ex machina (soit l'irruption d'événements un peu mystiques qui sortent de nulle part et remettent les choses en ordre) qui deviennent durs à croire au fil de leur apparition.
Même s'il m'a parfois donné du fil à retordre, Les Dévastés de JJ Amaworo Wilson est un roman assez poignant. Délaissant les grands rebondissements qui font la plupart des romans d'aujourd'hui, il nous plonge dans une atmosphère apocalyptique qui interroge. Il nous fait alors vivre une expérience de lecture assez intense qui nous reste longtemps en mémoire.
Lien : https://lesmarquespagedunecr..
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