Roger Vercel est, à mes yeux, notre plus grand écrivain maritime du XX siècle et il eut le privilège de connaitre les héros d'une époque révolue, celle des caps horniers et des pécheurs d'avant la motorisation des chalutiers, mais c'est également un romancier couronné du Prix Goncourt pour « Capitaine Conan » qui nous fait revivre sa Grande Guerre sur le front d'orient où il servit en tant qu'officier d'infanterie, et un historien qui consacra un ouvrage à Agrippine et rédigea des biographies dont son « du Guesclin » publié en 1932 et plusieurs fois réédité durant la seconde guerre mondiale.
Associé aux figures de Sainte Geneviève, Sainte Jeanne d'Arc et Bayard, Bertrand du Guesclin incarne le héros français résistant à l'envahisseur anglais, consolidant l'union nationale en alliant la Bretagne à la France, et aussi un preux chevalier qui en 1366 reçoit l'ordre d'emmener en Espagne, les mercenaires et routiers sans emploi formant les Grandes compagnies qui dévastaient la France. En Castille il soutient Henri de Trastamare contre son frère Pierre le Cruel mais est défait à la bataille de la Najera en 1367. Fait prisonnier le 3 avril 1367, il est libéré aussitôt grâce à une rançon payée par le peuple de France.
Le 2 octobre 1369, dans sa résidence de l'hôtel Saint-Pol, dans le quartier parisien du Marais, le roi Charles V le Sage octroie à Bertrand du Guesclin le titre de connétable en reconnaissance des services rendus. le mot vient du latin comes stabuli, qui désigne le comte de l'étable (aussi appelé grand écuyer). Ce titre correspond au Moyen Âge aux fonctions modernes de chef d'état-major.
Le roi de France est alors en guerre contre le roi d'Angleterre. du Guesclin innove dans la lutte. Il mène une guerre de harcèlement continuel contre les garnissons et les troupes anglaises en déplacement. Quand la maladie et l'épuisement ont raison de ses forces, le 13 juillet 1380, alors qu'il fait le siège de Châteauneuf-de-Randon, en Auvergne, les Anglais n'ont plus sur le continent que Calais, Cherbourg, Brest et une bande côtière entre Bordeaux et Bayonne.
Bertrand du Guesclin, en hommage aux services rendus, est inhumé dans la nécropole royale de Saint-Denis.
Le roi le suit de peu dans la mort, le 16 septembre 1380.
Méconnu aujourd'hui, oublié par l'éducation dite nationale, et ignoré par la quasi totalité de nos historiens contemporains, Bertrand du Guesclin est une grande figure de notre roman national et j'aime relire la passionnante biographie que nous a laissé Roger Vercel.
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En Castille, règne don Pèdre.
Lorsqu'il s'agit de le juger, l'histoire oscille entre ses deux surnoms : le Cruel, le Justicier. Son titre d'excommunié lui a valu les sympathies de Voltaire et l'honneur de nommer l’une des plus ennuyeuses parmi les ennuyeuses tragédies du spirituel Arouet. Prosper Mérimée, son historien, lui montre également quelque indulgence. Sans doute, le roi de Castille tua don Fadrique son frère, l'infant don Juan son cousin, dona Leonor de Guzman la maîtresse de son père et ses deux enfants dont l'un avait. quatorze ans ; sans doute, il fit brûler vif un prêtre qui lui avait fait une prediction désagreable, bouillir dans d'énormes chaudières les émeutiers de Miranda, mutiler affreusement des centaines de prisonniers ; sans doute encore les têtes des riches-hommes espagnols et des gouverneurs de villes tombaient sur son passage comme une rosée, on lui cherche cependant des circonstances atténuantes.
On en trouve dans les trahisons et les menaces qui l’entouraient, dans ses passions brûlantes avivées par le climat sensuel de l'Andalousie, dans son caractère soupçonneux qui lui faisait dire à ses plus fidèles officiers : « Avec le morceau de pain que j'ai dans la main, je pourrais nourrir tout ce que je compte de loyaux serviteurs en Castille ».
Au XIVème siècle, l'énorme bloc sylvestre de Brocéliande, la forêt celtique qui, jadis, sur trente lieues de long, quinze de large, hérissait la rude échine des monts de Bretagne, a été scindé en larges et impénétrables bastions.
Le nom de Brécélien, adouci en Brocéliande par les poètes de la table ronde, ne désigne plus qu'un vaste pan de futaies, l'actuelle forêt de Paimpont, à l'ouest de Rennes.
Brocéliande, dressée jusqu'au XIème siècle entre le sud et le nord de l'Armorique, comme une profonde muraille arborescente, s'ouvrit pour les romains, les francs, les normands, les anglais qui y entrèrent mais n'en sortirent plus. On s'y égarait mortellement ainsi que dans la forêt canadienne.
Les porchers qui la connaissent pour y conduire leurs troupeaux à la glandée y trouvaient souvent des corps aux trois quarts dévorés. Ceux qui avaient échappé au prodigieux fourré racontaient, une fois rentrés chez eux, de lugubres histoires. [...]
Duguesclin s'y jeta à vingt et un ans. Il en sortit à trente-six...
(extrait du quatrième chapitre "Brocéliande")
Louis d'Anjou, fils du roi Jean le Bon, un des quatre princes des "fleurs de lys" séjourne à Calais comme otage du roi d'Angleterre. Son père, le Roi de France, l'a livré, ainsi que ses frères, tandis qu'il essaie de réunir son énorme rançon. C'est d'ailleurs, pour les princes, la plus douce des captivités. Ils ont fait venir à Calais leurs harnais de joutes, leurs lévriers, leurs clercs et leurs valets.Tenez pour assuré qu'il n'y eût point eu de guerre de Cent ans si les mots "prisonniers de guerre" avaient présenté, alors, leur sens moderne. Mais en ces temps barbares, ils ne signifient pas comme hier, faim, dénuement, vermine et morne ennui. Pour un prince, un noble, l'emprisonnement, c'est un séjour plus ou moins prolongé dans une cour étrangère où l'on s'ingénie à le fêter, à le distraire ; au départ, il est vrai, on lui présente la note.