Extrait de la préface de Jean-Clément Martin:
Charlotte est décédée en 1834, à 74 ans, entourée d'un cercle familier qui la voyait comme une descendante des temps révolutionnaires.
Mais son image était marquée par la mémoire de la proximité avec ses frères, comme par la brouille qui eut lieu entre eux, et qui servit à justifier des attaques contre les deux hommes.
Les
mémoires qu'elle laisse alors sont, évidemment, entachés par sa volonté de défendre l'honneur familial et le sien propre.
Les zones d'ombre : la disparition du père, la radicalité des opinions de Maximilien, sont gommées par des anecdotes lénifiantes.
Les luttes politiques, ayant conduit des opposants à la mort, ne sont plus que des malentendus provoqués par le double jeu ou la maladresse des victimes, conduites en quelque sorte par leur propre faute à la mort : Danton,
Madame Roland,
Camille Desmoulins sont ainsi regrettés par Maximilien qui n'en peut mais.
Un homme doux, même influençable, compatissant, religieux, et déterminé à assurer le salut de son pays jusqu'au sacrifice de sa vie, voilà donc, selon sa soeur, le portrait de
Robespierre, connu internationalement comme l'incarnation de la Terreur. Ses goûts simples, son désir de justice et sa grande compassion, son dévouement absolu à l'humanité seraient les moteurs profonds de toute son action.
Les
mémoires accordent une grande place au rôle de Charlotte elle-même dans ces événements. Or il est certain que les relations compliquées qui s'établirent avec ses frères ont terni leur image. Charlotte a manifestement essayé de séparer
Robespierre de la famille Duplay, chez qui il logeait, et elle a tenté aussi de lutter contre l'influence jugée pernicieuse de femmes dans l'entourage d'Augustin, qu'elle a accompagné dans une mission en Provence.
Ses interventions lui ont valu d'être, ensuite, renvoyée hors de Paris et de demeurer à Arras. Ses propos contredisent, on pouvait s'en douter, toutes les interprétations qui ont couru sur son compte.
Elle maintient ses accusations contre les femmes corruptrices, tout en insistant, adroitement, sur le caractère doux et sérieux de Maximilien et celui plus frivole d'Augustin, ce qui contraste avec les images que la légende noire de la Révolution qui s'affirme dans les années 1820-1830 est en train de vulgariser définitivement.