L'auteure dramaturge, Noëlle Renaude, a vécu 42 ans de sa vie avec un peintre. À62 ans, il se suicidera sans signe annonciateur, « il s'est suicidé pour ne pas disparaître », écrit-elle. C'est le sujet du livre. Pas l'histoire de
Pierre-Marie Ziegler ni son suicide mais celle d'un homme à qui on a dit un jour « tu seras peintre » et qui , très jeune, finira par le décider en laissant la peinture et ses outils l'intégrer.
« Lui a choisi la peinture, par désir, nécessité et entêtement. Il a décidé, il le dit, le redit, après avoir interrompu le droit puis la philo, d'être peintre en tout, en décors, en bâtiment, copiste, fresquiste, faussaire, artiste peu importe,et il ne fait que ça, peindre et n'en pas démordre, s'obstiner…»
Elle a choisi les outils d'écriture et nous brosse une série de tableaux bien jolis. « Sans vraiment l'avoir décidé ils empruntèrent l'un et l'autre des routes quasiment parallèles qui se croisaient à certains moments avec une symétrie parfaite. » Lui tient des carnets (57 en tout) avec des dessins et des écrits du quotidien… »comme une boîte noire à ouvrir après la catastrophe. » « L'instant carnet était une respiration. »
Au fil du livre, on voit les sujets et les techniques de son oeuvre varier mais il est toujours au centre que ce soient ces autoportraits ou son jardin. « Il attend, il regarde la nature foisonner, fusionner, se reproduire, grandir, le jardin va devenir une usine à peindre. »
Il n'est pas peintre, il se fait peintre. « Devenir peintre(…) c'est marcher dans la peinture mais surtout dans le vide les trois quarts du temps. S'obstiner face à l'insatisfaction et recommencer et admettre la confusion et le silence. Et faire du doute une force. de ses limites, un horizon. de l'incompréhensible, un bienfait. »
Pas de pathos, pas de lyrisme, pas de romantisme pas de « je t'aime mon chéri »dans ces pages, juste une composition de moments anodins, de fragments de vie, de lieux visités ensemble, et d'observation d'un peintre qui se fait et qu'elle a aimé.
Un peintre qui affrontait sa dépression avec vaillance.
Reste un livre qui est un livre d'amour pour tous ceux qui fondent une famille et partagent autant d'années de proximité, de hauts et de bas avec l'être aimé et savent que ce nombre d'années n'enlève rien ni à la part de mystère de l'autre ni à la beauté des petites attentions qu'ils s'accordent.
Comme « ces lilas, venus de chez eux, fleuris chez eux, coupés pour elle, rapportés, embaumant, déposés devant leur porte »…symbole « immense et tout simple à la fois du lien qui leur était unique. »