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Christine Berlioz (Traducteur)Laila Flink Thullesen (Traducteur)
EAN : 9782266297783
176 pages
Pocket (16/09/2021)
3.37/5   79 notes
Résumé :
Dans un futur indistinct, à des millions de kilomètres de la Terre, des employés travaillent sur le six millième vaisseau d’une puissante compagnie aux allures totalitaires. Il y a les humains et il y a les ressemblants. Ceux qui ont été enfantés et ceux qui ont été créés. Ceux qui vont mourir et ceux qui ne mourront pas.

Sur une période de dix-huit mois, une commission compile une série de témoignages au sujet des relations et de la production à bor... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
3,37

sur 79 notes
Dans la série des romans expérimentaux les plus barrés de la science-fiction et de l'imaginaire en général, Les Employés d'Olga Ravn trouve une place de choix. Second roman de cette autrice et poétesse danoise, Les Employés nous emmène à bord d'un vaisseaux spatial où cohabitent humains et non-humains (ou ressemblants, sorte d'androïdes de plus en plus perfectionnés au fur et à mesure des générations).
Inspirée par les travaux artistiques de la sculptrice contemporaine Lea Guldditte Hestelund, Olga Ravn livre une odyssée spatiale très loin des sentiers battus qui nous arrive en français grâce aux éditions de la Peuplade, petit éditeur québécois plein d'audace et de courage.

Vers l'infini…
Commençons d'abord par rassembler les éléments à notre disposition.
L'action des Employés se déroule dans un immense vaisseau spatial appelé le six millième vaisseau. Sa destination est inconnue, on sait juste qu'il a quitté la planète Terre pour s'aventurer dans l'éternité galactique à la recherche de quelque chose…mais quoi ? Une planète habitable ? Une autre civilisation ? Une preuve de l'adaptabilité de l'homme dans l'espace ?
Peu importe. Contrôlé par l'Organisation, le six millième vaisseau découvre deux choses : La Nouvelle Découverte (que l'on suppose être une planète habitable ou au moins son équivalent) et des Objets. Ces derniers sont entreposés dans certaines salles du vaisseau et gardés/soignés/observés par les employés.
Afin de recueillir les sentiments et les impressions des hommes et femmes d'équipage au contact des Objets, l'Organisation décide d'entendre la déposition des employés à tour de rôle… ce qui va en réalité constituer le présent roman, succession de dépositions au mieux étranges au pire totalement cryptiques.
Parmi ses dépositions, on s'aperçoit rapidement que l'histoire dérape vers les relations entre humains et ressemblants puis, lentement, vers une révolte des ressemblants envers leurs collègues (maîtres ?) humains et l'Organisation.
Voilà de quoi éclairer un tantinet le lecteur qui s'aventure dans Les Employés, roman science-fictif post-moderne où la philosophie et l'art prennent régulièrement le pas sur les péripéties de l'équipage.

Shape of you
Une fois ces bases narratives expliquées, passons au reste.
Les dépositions s'enchaînent, souvent de taille modestes et percutantes, et la première étrangeté apparaît. Décrivant en réalité les sculptures de Lea Guldditte Hestelund, Olga Ravn prolonge l'expérience artistique sur le plan littéraire en s'interrogeant sur le rapport de l'homme à la forme des choses.
Dans certaines salles du vaisseau, des Objets à l'origine inconnue et aux formes impossibles sommeillent. Les différents personnages qui viennent témoigner au sujet de ces Objets révèlent peu à peu leur tendance à humaniser ces formes inertes et, à force d'une exposition prolongée, à leur donner des noms, des qualités et des sentiments. le processus, aussi complexe que surréaliste, a quelque chose d'étrangement fascinant. L'autrice déporte le cadre science-fictif pour s'interroger sur nos perceptions ainsi que notre tolérance face à l'inexpliquable. Les Employés serait-il un roman-Milgram où le lecteur observe les réactions d'humains confrontés à des phénomènes incompréhensibles ?
La forme occupe une place prépondérante dans les premières dépositions et continue à obnubiler Olga Ravn à mesure qu'elle dévie de son axe de réflexion principale pour faire intervenir les ressemblants, des androïdes plus ou moins perfectionnés qui adoptent la forme des hommes mais sans prétendre aux mêmes sentiments et ambitions.
Doucement, mais sûrement, Les Employés devient une réflexion de fond sur ce qui compose l'être humain et sur ce qui le limite en tant qu'être pensant.

Leitmotivs de survie
Comme beaucoup d'autres auteurs de Weird Fiction ou de romans expérimentaux, Olga Ravn emploie des récurrences narratives.
Outre les allusions au six millième vaisseau ou aux Objets, le roman nous cause régulièrement du Docteur Lund, Dieu-créateur des ressemblants, du cadet 4 et du troisième pilote, tous les deux disparus dans des conditions mystérieuses et qui semblent cristalliser les esprits.
Roman sensoriel avant tout, Les Employés use et abuse des cinq sens et capte ainsi les fondamentaux de l'homme : sentir, ressentir, voir, entendre, goûter… Tour à tour sexuel et sensuel, les rapports entre les objets et les hommes, puis entre les ressemblants et les hommes permettent de définir l'humain en tant que matière vivante et espèce…en voie de disparition.
Tout ce travail se destine finalement à capter le point de divergence qui existe entre les deux espèces, ressemblants et humains, et leur comportement face à la mort certaine promise par l'Organisation.
Une Organisation qui ne sera jamais vraiment identifiée mais qui renvoie à un proto-système totalitaire où capitalisme et eugénisme semblent avoir trouvé leur accomplissement premier. Les Employés travaillent peu importe la pénibilité de l'environnement, les ressemblants sont mis à jour afin de rester dociles et lucides, les sentiments humains sont disséqués pour mieux être digérés et l'homme, au fond, devient un animal de laboratoire (spatial).

Aussi froid et radical que dense et déroutant, Les Employés invite le lecteur à une balade intergalactique d'une originalité renversante et bien souvent hermétique. Olga Ravn trouve pourtant dans cette épopée spatiale le chaînon manquant entre Solaris et 2001 où l'art sert à définir l'homme et non l'inverse. Fascinant jusqu'au bout des angles.
Lien : https://justaword.fr/les-emp..
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Je vais finir par croire que la SF nordique, ce n'est simplement pas pour moi. (Sauf Amatka qui était excellent.) On y retrouve toujours une plume très stylisée, souvent au dépend du fond.

Ici, l'autrice a certainement un grand talent. (Contrairement, par exemple, à l'auteur de LoveStar.) Elle nous tisse une histoire à bord d'un vaisseau spatial simplement à partir des "dépositions" des travailleurs. L'intrigue est un espèce de puzzle que l'on peut reconstituer par soi même au fil de la lecture. Si l'exercice est certainement intéressant, la lecture n'en est pas moins fastidieuse. Beaucoup d'emphase est mise sur l'ambiance, les sens et tout cela, au point où l'histoire elle-même est finalement plutôt un prétexte qu'autre chose.

Comme je disais : intéressant. Mais définitivement pas pour moi.
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e texte est une compilation de dépositions. Celles-ci ne sont pas dans l'ordre, de longueur très variable, parfois expurgées, et il en manque certaines. Devant des enquêteurs à l'identité inconnue, les membres d'équipage racontent ce qui se passe dans le six millième vaisseau depuis que des objets venus de la Nouvelle Découverte sont stockés à bord. « Je sais que vous dites que je ne suis pas dans une prison ici, mais les objets m'ont dit le contraire. » (p. 27) Ces artéfacts sont-ils vivants, conscients, sentients ? Sont-ils responsables des dérèglements émotionnels qui affectent les humains et les ressemblants ? « C'est peut-être la raison pour laquelle vous me prenez pour quelqu'un de criminel. À moitié humain, fait de chair et de technologie. Quelqu'un de trop humain. » (p. 19) Et qu'est-il arrivé au cadet 4 et au troisième pilote ? À mesure des dépositions, il est évident que la production à bord est menacée et que le six millième vaisseau est en perdition.

Avec son découpage haché et lacunaire, le récit oblige le/la lecteur·ice à combler les manques et à accepter qu'iel n'aura pas toutes les réponses. Et c'est aussi bien, car le centre de la réflexion est l'humanité et ce qui la caractérise. Faut-il être né·e pour être humain·e ? Un être conçu dans une machine, créé pour être parfaitement ressemblant à l'humain, ne peut-il pas prétendre à la même définition ? Évidemment, les ombres tutélaires de Philip K. Dick et Isaac Asimov planent sur ce roman, mais Olga Ravn propose une oeuvre de science-fiction sensible et inclusive.
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J'aime profiter des possibilités offertes par les services presses pour aussi faire des découvertes que je n'aurais pas osé autrement. Ce fut le cas ici avec Les Employés d' Olga Ravn, une poète et romancière danoise, également traductrice et critique littéraire, qui m'a permis de découvrir un pan de la SF du nord de l'Europe.

Cependant, Les Employés ne fut pas une lecture facile, non pas que le style était hermétique, non pas qu'il y avait des concepts complexes, mais tout simplement parce que la nature même de la nouvelle et son contenu étaient étranges pour ne pas dire flous. En fait, heureusement que j'avais lu le résumé avant car il m'a donné un fil rouge à suivre tant il était plus clair que la lecture de la nouvelle en elle-même... Il faut donc être prêt à accepter d'être dans le flou le plus complet pour ensuite recevoir la surprise finale qui vient éclairer ce texte.

Ce texte, c'est pendant longtemps une suite de dépositions sans queue ni tête faites par des humains et autres choses : les Ressemblants, des robots j'imagine, sur leur visite et le nettoyage de pièces, d'objets singuliers. Pourquoi nous présente-t-on cela ? Parce qu'il y a eu un mort ? Parce que quelque chose cloche sur le vaisseau ? On ne saisit pas bien et on se demande longtemps quel est le message de l'autrice. 

Puis, les dépositions s'allongent, leur contenu devient plus clair et on commence à voir poindre une allégorie sur l'aliénation du travail, sur la religion aliénatrice, ainsi qu'une métaphore sur la vie en mode : métro, boulot, dodo. Et ça commence à prendre sens.

La voix désenchantée qui accompagne chacun des témoignages est saisissante. Cela donne un ton un peu démoralisant à l'ensemble. D'ailleurs le fait que l'autrice interroge sur la définition de ce qui fait un être humain va également dans ce sens car la réponse n'a rien de réjouissant ni la façon d'y parvenir. L'aventure, elle-même, qui se tisse dans les dernières pages est sombre et morose. On assiste à la pauvre vie des humains qui sont partis sur ce vaisseau et vivent mal d'avoir perdu leur terre natale. La parano monte également au sein du vaisseau et des dissension naissent entre les 2 groupes d'employés, ce qui était inéluctable.

L'autrice n'offre pas un récif positif et optimiste mais plutôt un lent glissement d'un désenchantement à l'autre, d'une déception à l'autre. Elle dévie aussi de la découverte qu'on aurait pu imaginer positive et curieuse des étranges objets des débuts, à la descriptions des problèmes de communication entre humains et Ressemblants. Seule la déposition finale revêt peut-être un peu d'espoir et d'amour.

Les Employés n'est donc pas une lecture simple. C'est une lecture étrange où il faut accepter de se laisser porter sans comprendre et tous les lecteurs ne sont pas ainsi. Heureusement que le format est court car je ne sais pas si j'aurais accepter de vivre ça à une autre échelle, avec la même proportion de moments où je me sens perdue. Cependant la nouvelle prend toute son ampleur dans un épilogue ravageur et percutant qui donne presque envie de la relire sous ce nouvel angle. Ça m'a diablement donné envie de découvrir de la SF danoise dans un format plus long, alors si vous avez des recommandations, je suis preneuse !
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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Crissures sur une vitre gercée de froid, « Les Employés » est un voyage intergalactique de renom. Empreint d'une science-fiction perfectionniste, sans le moindre écart, d'anticipation affranchie, plus que tout l'écriture et sa puissance de lévitation sont à l'honneur. Nous sommes en plongée dans cet entre monde, une satire moderne, un ailleurs où l'envergure littéraire est immensité. Prenez place sur « le six millième vaisseau ». Dans ce dernier se trouvent « Les Employés » qui sont -ils ? Que font-ils ? Quel est le sens, la folie, la préméditation d'un tel périple ? Il y a les humains, les ressemblants. Tout est dit ? Eh bien non. Des êtres de chair et d'os, des émigrés, des passagers déracinés de la terre-mère embrigadés de force. Des humanoïdes superbement intuitifs, dotés de pensées, de sentiments. Qui est qui ? Durant dix huit mois, la parole se libère sur ce vaisseau. Tous vont s'exprimer, en dépositions des plus pragmatiques sans jamais pourvoir au pas de côté. « Dites -moi, est-ce vous qui avez implanté cette impression en moi, cela fait-il partie du programme ? Ou bien est-ce que ce tableau s'est formé spontanément, est-ce qu'il vient de moi ? » Les entrelacs fusent. Les délivrances s'estompent au fil de cette traversée. Les humains sont en proie à la nostalgie des essences existentialistes. « On trouve dans la chanson ce Monsieur Lund inconnu qui se languit de chez lui, et moi je suis derrière lui, sur la route près de chez moi, et je regarde les oiseaux perchés sur les fils électriques tandis que le matin blanchit, et je pleure. » Que va-t-il advenir de ce vaisseau ? de ces maillons assemblés dans un destin funeste et irrévocable ? Les objets dont les soins apportés par tous élèvent le contre-champ en mimétisme sont dotés de sens, de sentiments. Echappées de la glaise Terre, Arche de Noé, recommencer dans ce vaisseau les existences intergalactiques. L'écriture est belle à pleurer. On ressent les vibrations des interdits, de ce qui échappe au raisonnable. « Suis-je un humain ou un ressemblant ? Suis-je rêvé ? » Les tourbillons sont des électrochocs. le vaisseau conditionné par les prismes sectaires, devient un symbole. « Si j'appuis fort sur mon sein, on peut encore y voir une ou deux gouttes de lait, mais pour qui, pour quel usage, qui va se nourrir de ce presque rien sur le six millième vaisseau ? » Les représentations sont effacées. Résistent les objets, bloc unitaire, sceau qui se doit de perdurer pour l'après. Métaphores qui se détournent du machiavélique. « Ici on ne vole pas sous un ciel, mais au travers d'une éternité qui dort. » Olga Ravn délivre ce qu'un emblème peut transcrire de plus philosophique, de plus authentique. le vaisseau est une génèse qui naît subrepticement. Bien au-delà des totalitarismes « Les Employés » apportent la preuve des résistances, les racines liées aux souvenirs, aux ondes vivifiantes, au champ de tous les possibles. « Cela suffira-t-il -il ? D'ici peu nous disparaitrons comme des mises à jour obsolètes. Je crois que je rencontrerai le grand amour. » « Les Employés » est un hymne aux dépositions libérées. Une traversée du mur du son fabuleuse. Bouleversant, il est engagé, visionnaire. « J'ai ressenti avec force que nous avons échoué, que notre temps est fini. » Olga Ravn étreint le cosmopolite, le plus bel alphabet. Elle offre dix-huit mois millénaires. Traduit à la perfection du danois par Christine Berlioz et Laïla Flink Thullesen. Cette fable caustique, moderne cousue de filaments est l'universalité. C'est un véritable choc. « Il y a le soleil qui pénètre ma bouche quand je l'ouvre en grand vers l'immense étoile. » Culte. Tremblant de magnificence et c'est peu dire. Publié par les majeures Editions la Peuplade.
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critiques presse (1)
Syfantasy
08 octobre 2021
Les Employés d’Olga Ravn signe un conte étrange sur la folie, la conscience de l’existence et la rébellion face à un système qui cherche à éteindre la pensée et le rêve. Hommage aux grands noms de la science-fiction, Les Employés est un récit percutant, interrogateur et surtout poétique. Bravo !
Lire la critique sur le site : Syfantasy
Citations et extraits (52) Voir plus Ajouter une citation
Tous les jours, il y a dans mes mains le besoin de s'enterrer profondément dans la terre, de s'enfouir dans une sécurité qui accueille ma mort et la transforme en la sienne propre.
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Il m'arrive de penser que vous êtes faillibles, que c'est vous qui n'allez pas bien, alors je suis en colère contre moi-même et je pense ensuite que c'est moi qui ai tort. Pourquoi ai-je toutes ces pensées si je dois avant tout exécuter une mission technique ? Pourquoi ai-je toutes ces pensées si ma mission est avant toute chose d'augmenter la production ? Dans quelle perspective ces pensées sont-elles productives ? Y a-t-il eu une erreur de mise à jour ? Si c'est le cas, je voudrais que l'on me redémarre.
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J'ai perçu l'intimité entre eux. Cela m'effraie, j'en éprouve même du dégoût. J'en ai déjà vu beaucoup comme eux. C'est comme si chacun d'entre eux pouvait toujours être les autres. Comme s'ils n'existaient pas vraiment par eux-mêmes, mais seulement en tant que représentations des autres. Il peut toujours y en avoir d'autres, en groupes et en bouquets. Sur les pans des montagnes, ils peuvent ressembler à une sorte d'eczéma.
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Dans mon rêve, des rameaux et des branches se déploient depuis les gerbes, comme s'ils étaient vivants, et nous essayons de nous sauver, mais ils passent en rampant sous la porte et nous nous réveillons.
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Certains ont été créés pour se rencontrer, d'autres ont été créés pour ne rencontrer personne. Vu sous un angle idéal, ici, sur le six millième vaisseau, nous sommes tous les enfants de Docteur Lund.
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