Monsieur, j'attends de jour à autre que vous m'écriviez si vous avez reçu le quatrième de vos tableaux , lequel je vous ai envoyé franc pour Paris, par le courrier de Lyon nommé Moslart. Je vous en ai écrit consécutivement par deux ordinaires, et vous ai annoncé que j'avois été payé dudit tableau par le sieur Géricaut, banquier, au profit duquel j'ai tiré sur vous deux lettres de change, première et seconde, qui doivent servir à le rembourser. Je vous ai envoyé en même temps un compte de l'argent que j'ai dépensé pour vous, depuis le compte dernier jusqu'à présent, en vous priant , si vous le trouviez bon , de m'envoyer un mot de quittance.
Aujourd'hui, il me semble assez à propos de vous écrire par anticipation ces deux lignes, par lesquelles je vous donne avis que j'espère vous envoyer, le i5 du mois prochain, le cinquième de vos Sacrements ; à cette fin que , si vous êtes encore hors de Paris, vous puissiez ordonner à quelqu'un des vôtres de le retirer ou du coche ou du messager : car je ne sais pas quelle voie on prend pour vous les faire tenir de Lyon à Paris, et je recommande toujours qu'on vous les envoie par celle qui est la plus sûre et la plus courte.
Le gros Chapron est de retour dans cette ville ; et y vit une seconde fois aux dépens du bon M. Renard. Il se vante de ravoir son tableau, et dit qu'il a ordre de le finir pour le Roi, aux dépens duquel il a été commencé : je ne sais si son dessein réussira. Je suis, Monsieur, votre très humble, etc.
Les lettres de Poussin le présentent comme doué d'un sens droit, d'un jugement sûr, d'un esprit sérieux. Ses raisonnements sur la peinture sont pleins de solidité. Mais Poussin était trop occupé de son objet dans les études littéraires qu'il rapportait exclusivement à son art, pour avoir jamais songé à paraître un homme instruit et lettré en écrivant. On sait qu'il dissertait à merveille, qu'il parlait avec aisance et très volontiers sur la théorie comme sur la pratique de la peinture ; mais il est certain qu'il n'a jamais fait d'écrit sur ces objets. La manie d'écrire pour être imprimé n'était point celle de son siècle. Plusieurs alors furent d'habiles écrivains sans s'en douter. Un grand nombre de bons ouvrages de ce temps restèrent en portefeuille, et ne virent le jour qu'après la mort de leurs auteurs.
La même lettre me ravit et me console doublement quand , par les termes dont vous vous servez en m'écrivant, je connois assez qu'il vous plaît de me conserver en l'honneur de vos bonnes grâces, et de vouloir bien que je vous honore de tout mon cœur.
Je vous remercie infiniment de la promesse que vous me faites de vous souvenir de mes intérêts, si les affaires s'accommodent. Quant à ce que vous désirez de moi, assurez-vous, Monsieur, que j'ai renoncé à moi-même pour être tout vôtre.