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Critique de Ingannmic


Ce sont des enfants orphelins ou abandonnés, victimes du chaos d'un monde où se sont succédé conflits et catastrophes. Des enfants cabossés, psychologiquement ou au sens propre, certains étant réduits à se déplacer en fauteuil ou à utiliser des prothèses pour pallier l'absence de leurs membres (quand ils ont la chance d'avoir des prothèses), d'autres exhibant une face irradiée sous un crâne nu... Des enfants aux drôles de prénoms (La-Petite-Elle-Veut-Tout-Faire-Toute-Seule, Méduse, Espoir, Destiny-Bienaimée, Mohamed-Ali...), regroupés à La Colonie, où des adultes affublés eux aussi d'étranges patronymes (La-Femme-Quand-Elle-Parle-Elle-A-Les-Yeux-Qui-Brillent, L'Homme-Il-Sait-S'amuser-Avec-Un-Bout-De-Craie...) leur dispensent un enseignement où l'acquisition des règles de survie tient autant de place que l'apprentissage de la lecture ou du calcul.

Quand on estimera qu'ils sont prêts, qu'ils ne sont plus des enfants, ils seront envoyés au village voisin pour travailler aux Mines, dans les Forges, ou pour y être cultivateur. En attendant, ils rejouent ce qu'ils ont sans doute toujours connu, la lutte pour le pouvoir et la domination, les Strongues contre les Bitches, garçons contre filles… jusqu'à ce que l'arrivée de La-Petite-Elle-Veut-Tout-Faire-Toute-Seule change la donne, constituant un nouveau groupe où Strongues et Bitches se mélangent. Face à la violence du monde, les enfants opposent leur énergie brutale et leur soif de vivre, portés par cet état instable et fougueux de la jeunesse qui rend l'impossible atteignable, mais aussi par la force du groupe. Il se créent leurs propres rituels, leur propre code de l'honneur… nouent leurs amitiés avec la circonspection de ceux qui, échaudés, ne se livrent jamais qu'avec méfiance.

Au village, le règne de l'argent a fait du riche Kylian PetitCoeurCouronné le maître des Forges, et donc celui de la communauté. Mais sa volonté d'étendre son contrôle à la forêt est contrecarrée par la résistance de bergers qui commettent leurs méfaits déguisés en Demoiselles.

Sylvain Pattieu installe un univers profus, amalgame de bribes d'Histoire, d'allusions à l'état désastreux du monde, de références culturelles familières et populaires, le tout saupoudré d'une ambiance post-apocalyptique et d'un zeste de surnaturel. Il y question à la fois de Franck Ribéry, de mystérieux Bourguignons ou d'une femme-arbre, de drones espions et d'enfants blessés par obus, d'un gouvernement provisoire… S'y invitent des fléaux quant à eux bien réalistes ; l'intrusion dans le village puis dans la relative tranquillité de la Colonie de fanatiques religieux va bouleverser les projets que leurs professeurs avaient établis pour les enfants…

La langue elle-même est un improbable mariage entre argot et poésie, rap et propres inventions de l'auteur, à l'image de ces "chants" que scande l'un des enfants, qui ponctuent régulièrement le récit de psalmodies à la tonalité épique, restituant les événements marquant sa vie et celle de ses camarades.

Un roman ambitieux, multipliant les références et mêlant les genres tout en diffusant sa propre musique, qui d'emblée m'a séduite. Mon intérêt est quelque peu retombé au fil du récit. Car à vouloir trop embrasser, Sylavin Pattieu finit par mal étreindre. L'intrigue, partie sur de trop nombreux chemins, doit à un moment en choisir un, et ce n'est pas forcément celui que j'aurais personnellement emprunté. Les enfants prennent la route, laissant derrière eux une forêt que le titre promettait en personnage principal, et que l'on ne fait que traverser, c'est dommage. La dernière partie du roman m'a ainsi paru, en comparaison du foisonnement initial, un peu poussive.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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