Je tiens mes engagements et je vous presente une premiere emule de
Sherwood Anderson. Mais ne croyez pas que cela a ete facile. Ce livre, “Oklahoma town”, est introuvable en francais et il est tres possible qu'il n'ait jamais ete traduit. En anglais on ne trouve pas non plus de nouvelles editions et Amazon voudrait m'en vendre une ancienne pour la modique somme de 450 dollars. Heureusement, une petite maison d'édition espagnole l'a traduit en 2017. Je l'ai donc lu, titre “
Un pueblo de Oklahoma”.
Honnetement, j'aurais trouve ce livre assez interessant si je l'avais lu en premier. Mais j'ai encore en tete Winesburg-Ohio, et ce livre ne fait que le copier, que le singer dirais-je si je voulais etre mechant, et franchement, s'il lui arrive a la cheville, il ne la depasse pas de beaucoup.
36 courtes nouvelles, se centrant chacune sur un personnage different, pour decrire un bled perdu de l'Amerique profonde. Des nouvelles plus courtes que celles d'Anderson, qui ne finissent pas par une chute inattendue, sauf quelques fois ou nous avons droit a une pointe legerement ironique, ou meme humoristique. Mais les personnages sont beaucoup moins travailles psychologiquement que chez Anderson, ils restent des images sans beaucoup d'epaisseur, et leurs deboires nous touchent beaucoup moins. Il n'y a pas non plus un personnage qui fasse le lien entre tous, a l'instar du jeune journaliste George Willard dont on suivait peu a peu le murissement, et qui erigeait Winesburg-Ohio en roman de formation. Ici aussi, dans la derniere nouvelle, out of the blue, un jeune pretendant a journaliste quitte le bled, alors qu'on n'a entendu parler de lui que dans l'avant-derniere. Manquent aussi ces descriptions fouillees de batiments, de rues et de la nature environnante, ou Anderson excellait.
L'editeur espagnol decrit ce livre comme “une version apre” du Winesburg-Ohio. C'est vrai en partie, peut-etre a cause de la concision des nouvelles, ou parce qu'on ne sent pas de la part de l'auteur cette compassion que j'avais devinee chez Anderson, mais a cote d'episodes tres durs, tres crus, tres apres, nous lisons des narrations plates s'il en fut, sans saveur et sans odeur, qui m'ont fait l'effet d'une décision editoriale, epaissir le livre par du remplissage.
J'arrete de comparer pour essayer d'etre juste. Nous avons la quand meme le croquis d'une societe dont les piliers sont l'ignorance, le fanatisme et le racisme. Y regnent un puritanisme profiteur de l'ignorance pour soumettre avec cruaute tous ceux qui essayent de franchir les lignes etablies, et plus specialement les femmes; un machisme qui s'avere insoutenable meme pour la gent masculine; une cruaute exacerbee, meme envers des enfants en bas age, qui ne laisse a beaucoup d'autre choix que la fuite; fuite s'averant elle-meme souvent cruelle quand des maris abandonnent femmes et enfants; et un racisme assume, qui s'affiche sans aucune gene, meme par des analphabetes face a un avocat noir.
Milburn presente cette quintessence de rednecks bouseux, plus attardes, malgre le temps passe, que les personnages qui deambulaient dans Winesburg, sans fioritures, sans commiseration, avec seulement une pointe d'ironie ou d'humour par-ci par-la. Et c'est peut-etre cela sa grande reussite. Cela donne un livre qui se lit facilement et qu'on vomit avec plaisir.
Je ne vais pas m'attarder dessus longtemps,
Knockemstiff, de
Donald Ray Pollock, autre emule assumee, m'attend.