Mille fois l'on pourra longer la côte, cent fois l'on pourra scruter les flots, sonder leurs profondeurs, jamais l'on ne pourra y percevoir ce que le pinceau a montré ici.
Car c'est par la main du peintre qu'est passée la poésie.
"Vues sur mer" est un album biographique croisé qui s'est attaché à deux artistes : Jean Francis Auburtin et Mathurin Méheut.
L'ouvrage a été publié à l'occasion d'une exposition qui est présentée au musée Mathurin Méheut de Lamballe du 7 avril au 29 décembre 2018.
L'album est magnifique, passionnant et original.
Il pourra se déguster indifféremment assis devant une assiette de langoustines sur le port de Dinard, allongé sur le granit au dessus de l'aquarium de Trégastel ou après avoir longuement vagabondé dans les allées de la petite maison à pans de bois de Lamballe.
La biographie de chacun des deux peintres accompagne un riche catalogue de reproductions de leurs oeuvres qui se croisent sans cesse sans jamais pourtant être semblables, sans jamais venir s'affadir l'une l'autre.
Mathurin Méheut a réalisé la tapisserie "La mer".
Auburtin a peint "Le fond de la mer", un décor pour l'amphithéâtre de zoologie de la Sorbonne.
Mathurin Méheut a peint les femmes pagures et Auburtin les femmes hippocampe.
Les deux hommes se sont mis au service des compagnies maritimes.
Ce voyage n'est pas de ceux que l'on est près d'oublier.
Il passa par Varengeville, Penmar'ch, Etretat, Dieppe, Roscoff, Erquy, Bréhat et Ploumanach, Porquerolles et l'île de Maïre.
Il longe le Trieux.
Il passe par l'assiette et affronte le gros temps ...
Ce qui enchante l'oeil, ce sont l'originalité du coup de pinceau et la juste sensibilité d'une palette de couleurs trempée dans le ciel, la terre et l'océan.
L'album est charmant.
Il m'a été offert, accompagné d'un gentil petit mot, par les éditions "Locus-Solus" dont j'ai pu, par la même occasion, admirer la richesse du catalogue.
J'y ai repéré une ou deux lectures prometteuses et quelques prochains charmants voyages au fil des côtes de l'Atlantique, de la Bretagne et de ses îles.
Et puisqu'il est temps de boucler les valises, temps de se quitter, il est aussi temps de remercier pour ces "Vues sur mer", pour le moment de plaisir offert ...
Merci aux deux auteurs du livre : Jacqueline Duroc et Denis-Michel Boëll,
Merci aux éditions Locus Solus de Châteaulin.
Et merci à l'équipe de la "Masse critique" ...
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Mathurin Méheut est un artiste très connu et coté en Bretagne mais hélas beaucoup moins passé la frontière bretonne, personnellement je ne le connaissais que de nom.
Il est né à Lamballe en 1882, fit l'école des Beaux-Arts de Rennes puis celle des Arts Décoratifs de Paris. Photographe, il bénéficiera d'une bourse qui lui permettra d'entreprendre un voyage autour du monde, avec pour destination le Japon, duquel il rapportera de nombreux dessins.
Rappelé lors de la Première guerre mondiale, il rapportera du front également de nombreux croquis et dessins, témoignages de la vie dans les tranchées.
Il sera ensuite illustrateur, notamment pour des écrivains renommés… et enseignera à l'école des Beaux-Arts de Rennes. Il réalisera aussi des décorations de céramique, en collaboration notamment avec la maison Henriot de Quimper, et sera chargé de la décoration de nombreux paquebots dont le Normandie.
Il fut nommé peintre officiel de la marine en 1921.
Artiste très polyvalent, peintre, dessinateur, graveur, fresquiste, céramiste, aquarelliste, observateur naturaliste, le grand public retient surtout ses nombreuses représentations de la Bretagne, des vieux métiers et ses études de la mer, de la flore et de faune de l'Océan qu'il étudiera à la station biologique de Roscoff en 1910. Il publiera d'ailleurs « Etude de la mer, Manche et Océan » en 1913.
Un musée permanent lui est consacré à Lamballe, sa ville natale.
Chaque année, ce musée Mathurin Méheut à Lamballe propose une exposition thématique.
Cette année elle s'intitulera «Vues sur mer. Jean Francis Auburtin - Mathurin Méheut » elle aura lieu du 7 avril au 29 décembre 2018
Qu'en est-il de Jean-Francis Auburtin et pourquoi cette exposition conjointe ?
Jean-Francis Auburtin est né en 1866 à Paris, c'est-à-dire qu'il est l'aîné de Méheut d'une quinzaine d'années. Il est admis à l'Ecole des beaux-arts de Paris, puis se marie et voyage en France et en Italie. Aux aquariums de Roscoff en 1897, il est chargé d'une mission d'observation, aux fins d'applications décoratives. Il étudie ainsi la faune et la flore sous-marine dont ses travaux lui permettront de réaliser « le fond de la mer », grand décor destiné à l'amphithéâtre de zoologie de la Sorbonne.
Cette oeuvre ouvrira ensuite au jeune Auburtin les portes d'accès à d'autres commandes sur le même thème. La décoration de l'escalier d'entrée du Muséum d'histoire naturelle à Marseille, par exemple, puis à Paris une scène de remontée de filet de pêche qui surmonte la porte d'entrée du Palais des Forêts, chasse, pêche et cueillettes….
Les origines sociales et la formation et leurs influences n'ont pas grand-chose en commun. Mais surtout, la carrière de Méheut, du fait de la guerre, subit une cassure, ce qui n'est pas le cas d'Auburtin.
Quoi qu'il en soit, leurs regards à tous deux ont convergé vers la mer. de même ils ont souvent voyagé sur les mêmes rivages, et tous deux aussi avaient un besoin d'autonomie dans leur démarche artistique et n'ont du reste appartenu à aucune école. Une passion commune pour l'art Japonais les unissait également, même si son influence ne se traduisait pas de la même façon, chacun à leur manière avait leur propre expression de l'art de la synthèse.
Et puis « La fréquentation des stations de biologie marine et la réalisation d'oeuvres et de décors sur le thème des fonds marins sont deux choix assez rares chez les artistes peintres et méritaient d'être à l'honneur » remarque Céline Mahieux, Directrice du Musée dans la préface de ce magnifique livre.
Je remercie beaucoup Babelio et l'équipe Masse critique qui m'ont permis de découvrir ces deux artistes, ainsi que les éditions Locus Solus avec tous mes compliments pour la qualité de cet ouvrage sur laquelle il n'y a rien à dire, sinon des éloges.
Car cette lecture m'a permis de découvrir un univers pictural auquel je ne m'étais pas beaucoup intéressée jusqu'ici et d'en appréhender toute la richesse, au-delà des traditionnelles « marines ».
Et puis surtout, j'ai pris conscience à quel point nos contemporains dédaignaient de porter leur regard sur le monde marin, leur peu d'intérêt pour les profondeurs des mers et des océans, leur faune et leur flore, leur grande beauté, en dehors des rivages, alors que les fonds marins présentent une diversité et une richesse au moins égale sinon supérieure à celle du monde terrestre…
Un seul regret, de ne pas pouvoir découvrir cette exposition à Lamballe, beaucoup trop éloignée de mon sud-ouest.
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A côté des établissements qui viennent compléter les jardins zoologiques des capitales européennes - Londres en 1853, puis Vienne, Paris, Hambourg, Berlin, Copenhague, Amsterdam ...- on voit éclore, égrenées au long des côtes, des stations scientifiques souvent en lien avec des universités, à partir desquelles se développent de nouvelles discipline, la biologie marine et l'océanographie.
Après le marinarium créé à Concarneau par le Collège de France (1859), naissent les stations marines de Roscoff, de Wimereux, de Banyuls, de Tatihou, d'Arcachon, de Marseille, de la Seyne-sur-Mer, du Portel ...
Le thème de la mer recouvre un champ extrêmement vaste que les artistes ont représenté dès l'Antiquité à travers le paysage, la faune marine et son imaginaire ...
Le rapprochement esthétique entre Jean-Francis Auburtin et Mathurin Méheut, deux artistes amoureux de la mer, ne s’imposait pas d’emblée. En effet, ce qu’un regard rapide retient de l’art de ces deux peintres semble appartenir à des univers maritimes très distincts : le paradis des nymphes chez Jean Francis Aubertin, le « symbolisme de la mer », le monde des gens de mer chez Mathurin Méheut. Ces traits essentiels de leurs expressions sont cependant limitatifs et, l’un et l’autre ont exploré d’autres facettes des côtes de la Manche, de l’Atlantique et de la Méditerranée. De plus, ils se sont parfois inspirés des mêmes lieux ; Roscoff, Ploumanac’h, Etretat.
A partir de 1878, année où le pavillon japonais connaît un grand succès lors de l’Exposition universelle qui se tient à Paris, la vague japonisante a déferlé en France ; les surprenantes estampes d’Utamaro, Horoshige et Hokusai ont passionné les artistes dont certains ont été de fervents collectionneurs, tels Claude Monet, Vincent Van Gogh, Auguste Rodin, Henri Rivière, les frères Goncourt. Beaucoup y ont puisé des cadrages originaux, des points de vue en plongée, des formes nettement définies, des couleurs franches, l’usage d’un monogramme… Ils ont découvert l’art de l’estampe, ainsi que les kakémonos, les netsukés, accessoires vestimentaires sculptés en ronde-bosse, présents dans les collections d’Auburtin et de Rivière.
Mais c’est dans son œuvre de décorateur pour des édifices privés ou publics que Méheut va utiliser avec le plus d’assiduité les ressources de la faune et de la flore marines qu’il a si longuement et si minutieusement étudiées. Ainsi, pour les restaurants Prunier de Paris et de Londres, il conçoit non seulement le service de table et les illustrations des menus ou du livre de recettes de cuisine, mais il réalise également un décor de salle à manger. Le panneau Faune des mers (1931) aujourd’hui conservé au musée des Beaux-Arts de Brest, réunit dans un sombré décor de laminaires des espèces familières des côtes de la Manche, moule, ormeaux, étoiles de mer, anémones…..
Auteurs : Denise Delouche et Anne de Stoop
Livres : Lettres de Mathurin Méheut à Yvonne Jean-Haffen