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« Je suis un explorateur du langage, un géographe. Je suis plus intéressé par les mots que par les histoires. »
Quel plaisir de retrouver
Jean-Michel Maulpoix et sa poésie envoutante ! le jury Goncourt l'a récompensé, après la publication de «
Rue des fleurs » et pour l'ensemble de son oeuvre, du Goncourt de la poésie 2022.
Une beauté simple. Inutile de relire plusieurs fois les poèmes, une clarté d'expression se dégage immédiatement. Un calme feutré m'envahit, le sens des mots s'impose directement. Je suis bien. Tout un univers poétique m'est offert, composé d'une multitude de photographies, tableaux instantanés, couleurs.
Ayant récemment publié une biographie du couple Camille et Claude Monet dans les débuts de l'impressionnisme, je ne peux m'empêcher de rapprocher l'art de
Jean-Michel Maulpoix de celui du peintre. le poète aurait pu s'inspirer de la pensée de Claude Monet décrivant sa peinture : « Examine les contrastes d'ombre et de lumière, ils se répartissent à ravir. Les couleurs soucieuses les unes des autres vibrent intensément : un vert et un rose, côte à côte, se font valoir l'un l'autre. Un tableau doit reproduire tes émotions, ta scène intérieure, ton ressenti visuel face au spectacle qui s'offre à toi. »
N'est-ce pas ce que nous propose le poète dans son univers en clair-obscur ?
La couleur préférée de l'auteur, le bleu, s'imposait dans son recueil «
Une histoire de bleu ». Elle revient.
« Petit jour »
« Ceux qui n'ont pas de visage
Balbutient dans la nuit
Ils mâchent quelques miettes de pain bleu
Tombées d'un ciel vide. »
« Au centre aéré »
« L'écolière bleue traverse la route en sautillant sur les clous blancs »
Maulpoix n'oublie jamais la note discordante, le point de couleur, que connaissent bien les peintres, qu'il glisse au bon moment dans ses phrases, pétale de couleur éclairant la scène. Je repense à son recueil «
L'hirondelle rouge » parlant de ses parents décédés. Il s'inspirait d'un tableau du peintre catalan Joan Miro « L'hirondelle amour revient avec le printemps ».
La référence à
Proust parlant de la « Vue de Delft » de Vermeer apporte cette note colorée.
« Un pan de mur jaune »
« On entend le soir des musiques aux portes
Et toutes les fenêtres sont bleues à partir de huit heures
On écoute on regarde on n'a rien à se raconter
Mais on cherche toujours un petit pan de mur jaune. »
Au long des pages, l'humaniste
Jean-Michel Maulpoix nous décrit ses semblables, leur existence quotidienne : émigrés, travailleurs, malades, prostituées, enfants. Morceaux de vie…
« À l'hôpital »
« Deux infirmières roses
À demi nues sous leur blouse de nylon
Roulent le fauteuil d'un unijambiste »
« Émigrés »
Ils ne disent rien ne vont nulle part
Ils ont inscrit leur nom sur un bout de carton
Ils s'asseyent ou restent debout au coin de la rue
Serrés les uns contre les autres. »
« La poésie est un chemin, un cheminement où rien n'est gratuit. Elle n'est pas là pour faire beau. », nous dit le poète. Il nous parle de sa «
Rue des fleurs » :
« C'est une très petite rue
Qui va de la chambre à la ville
En traversant de longs couloirs
Où s'empilent cahiers et livres
Elle a pour nom la
rue des fleurs
C'est par là qu'ont plié bagage
Les mots échappés de mes pages. »
Parfois, le poète ressent le fardeau de l'existence et sa fragilité.
« Je n'irai plus très loin
Avec cette encre-là
D'une couleur si pauvre
Qu'elle n'éclaire plus rien
Et il n'est pas certain qu'en parler soit utile. »
Je reste admiratif devant la qualité de ce grand poète contemporain qui nous séduit et nous émeut depuis plus de quarante ans. À la fin du livre, il ajoute un « Post-scriptum » fleuri :
« Il resterait à raconter
La tendre amitié du myosotis et de l'orchidée
L'affection que le tournesol porte à la pensée
La passion de la marguerite et du coquelicot
La
jalousie des boutons d'or et des bleuets
Dire l'exacte couleur des bouquets de juillet. »
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