Magda Isanos est une « violette sauvage » (un « toporaș ») annonciatrice de printemps éternel dans les âmes amoureuses de poésie. Elle est une présence féminine (rares sont les poètes femmes dans la littérature roumaine) éblouissante et spectaculaire. Elle mourut jeune. Se sachant malade, elle n'eut de cesse de chanter la vie et la nature, source de réconfort pour elle.
Sa fille
Elisabeta Isanos lui a rendu un hommage appréciable en traduisant quelques-uns de ses poèmes. On saurait pardonner aisément les maladresses (« pétale » est masculin en français, contrairement au roumain, par exemple) au profit de son habilité à rendre les rimes.
Pour ceux qui n'auraient pas le temps de s'attarder sur mes citations, voici l'un des plus beaux poèmes du recueil, qui résume, à lui seul, la personnalité lumineuse, mais triste à la fois de
Magda Isanos :
Violettes sauvages
La fée du printemps, cette année aussi,
de banalités plein le sac, s'est présentée,
malgré cela, nous nous sommes réjouis
comme si pour la première fois elle était arrivée.
En me grondant moi-même, enfin,
car je risquais d'abîmer mes souliers dans la boue,
je suis allée voir quelles fleurs étaient en train
d'éclore dans le vaste parc, tout près de chez nous.
C'était depuis longtemps que je n'avais plus senti
ce désir de vivre, cette hâte fébrile,
j'avais l'impression que sous mes pieds a frémi
la terre que le soleil saurait rendre fertile.
Les arbres nus me semblaient tout à fait charmants,
j'aurais voulu les prendre dans mes bras, les [embrasser].
Je passais près d'eux, comme ça, auparavant,
autant de fois, mais sans vraiment les regarder.
Difficile à dire pourquoi était si beau
le ciel bleu comme les robes dont se lavent les couleurs,
je l'ai regardé, la tête renversée vers le dos,
et je l'ai trouvé absolument enchanteur.
Ensuite, j'ai découvert les violettes sauvages,
près d'un chêne : elles étaient délicates et bleues,
des miettes de ciel dont le printemps de passage
nous fait don, parmi les troncs ombrageux.
Le coeur battant vite, je me suis inclinée,
j'étais sur le point de toucher à leurs feuilles,
et je ne sais pourquoi, par l'esprit m'est passée
l'idée que le verre n'est pour elles qu'un cercueil.
Vers la maison, je suis revenue,
les pas alourdis par un fatigué bonheur,
et si mes mains étaient aussi vides qu'au début,
j'avais des violettes sauvages dans le coeur.
(pp. 61-63)
Le livre, bilingue, est joliment cartonné et a assez bien vieilli.
J'ai eu beaucoup de peine à me le procurer, mais quel délice de le lire et d'y travailler mes techniques de traduction roumain-français.