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Jean-Louis Maunoury (Éditeur scientifique)
EAN : 9782859408572
640 pages
Phébus (21/09/2002)
4.2/5   93 notes
Résumé :
Nasr Eddin Hodja., héros légendaire qui aurait vécu en Turquie au XIIIe siècle (on y montre son tombeau... mais il a toujours été vide), est célèbre dans tout le monde musulman, de l'Albanie au Sinkiang, comme l'incarnation même de l'irrévérence.
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Personnage intemporel, à la croisée du mysticisme et de la mystification, Nasr Eddin Hodja aurait réellement vécu au XIIIème siècle de notre ère, dans l'actuelle Turquie. Pour certains c'est un sage. Pour d'autres, c'est un parfait idiot. Et il est à noter que ces deux identités ne sont pas forcément incompatibles si on prend « idiot » au sens étymologique (et sublime ?) du mot, celui de la racine grecque idiotes : simple, particulier. L'idiotie de Nasr Eddin lui permet d'être toujours égal à lui-même et de trouver la voie qui lui correspond. N'est-ce pas là une définition de la sagesse ? Plutôt que d'aspirer au Paradis et de craindre l'Enfer, Nasr Eddin préfère « rester ici ».

Ainsi, quels que soient les angles dont les conteurs abordent le personnage (rusé, naïf, scabreux…), la simplicité irréductible de Nasr Eddin le conduit toujours à porter un regard particulier sur le monde, à rebours de celui de ses interlocuteurs, et à rebours de son âne qu'il chevauche à l'envers. Ou plutôt c'est lui qui est à l'endroit, mais « cet imbécile qui est en dessous n'en sait rien. »

C'est cette intime conviction d'être toujours dans le bon ordre des choses qui le pousse à sa façon à contester l'ordre établi, représenté par ses concitoyens, les cadis, les imams, les mollahs et même Timour Leng, figure du tyran sanguinaire dont il devrait pourtant être interdit de se moquer. Mais voilà, Nasr Eddin est désarmant par sa simplicité d'esprit.

« — Timour, je suis un protégé d'Allah et Il parle par ma bouche. Aussi dois-tu te prosterner devant moi et me donner un palais, des esclaves, des femmes et de la nourriture de choix. (…)

— Imbécile ! Idiot !…

— Seigneur (…) je ne comprends pas ton étonnement : comment aurais-je pu te faire une pareille requête, si je n'étais pas un parfait idiot ? »

S'il n'est pas toujours très constructif (et parfois aussi constructif qu'un rat mort), Nasr Eddin s'emploie toujours à saper nos certitudes, nos préjugés. Telle est la vertu du provocateur. ll est si doué en la matière que la personne qu'il provoque le plus, c'est lui-même. Et comme dirait le premier idiot venu, c'est en provoquant qu'on provoque quelque chose. Peut-être est-ce ainsi que l'on désamorce les pensées en boîte ?

Les commentaires éclairés de Jean-Louis Maunoury insistent sur les liens qui unissent les histoires de Nasr Eddin à la tradition soufie, notamment celle de la voie du blâme, qui s'opposait à l'hypocrisie des religieux traditionnels et mettait donc un point d'honneur à renverser les codes en se comportant contre une application rigoureuse des piliers de l'Islam, sans pour autant délaisser la sagesse qu'une lecture non littérale du Coran permettrait d'atteindre. Nombre d'histoires de Nasr Eddin s'inscrivent clairement dans cette tradition. Autant dire que cela ne fait pas de lui un ami des fondamentalistes. Et c'est peut-être paradoxalement le Coran qu'il défend contre eux, quand, devenu mollah, il s'exclame :

« Maintenant c'est au Coran d'avoir peur de moi ! »

Qu'il soit cousin de Rûmî ou de trolls d'internet, on trouve toujours des histoires qui peuvent nous parler chez Nasr Eddin. Et d'autres qui ne nous parlent pas du tout car parfois ça tombe tellement à plat qu'on croirait de l'anti-humour à la Andy Kaufman (qui cultivait lui aussi une forme d'idiotie). Tels sont les aléas de ces histoires aux multiples auteurs, qui reflètent toute la diversité du monde musulman et même un peu au-delà, Nasr Eddin étant allé folâtrer jusqu'aux balkans et en Europe de l'Est. A quelques détails près, certaines de ses histoires sont d'ailleurs identiques à certains contes hassidiques. D'ici à dire que l'idiotie est universelle...
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J'ai découvert une première le personnage de Nasr Eddin aux alentours de 1996, quand il a été proclamé personnage de l'année par l'Unesco. L'ouvrage était destiné aux enfants, et je constate que les histoires ont été soigneusement sélectionnées, car ce que j'ai lu aujourd'hui était nettement moins « politiquement correct » que dans mes souvenirs !

Nasr Eddin est reconnu pour sa sagesse, non seulement dans son village mais dans le monde entier, puisque les grands souverains n'hésitent pas à réclamer ses conseils. Ses aventures se déclinent en petites histoires en tout genre : parfois sérieuses, d'autres fois franchement bouffonnes. Notre héros apparaît comme rusé ou idiot (ou faussement idiot), capable autant de raisonnements logiques absurdes que de clouer le bec à ses opposants par une réplique bien sentie. Chaque histoire contient une leçon de morale, ou une question philosophique à méditer.

Nasr Eddin est un personnage haut en couleur et très attachant, et plaira aux petits comme aux plus grands !
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Ce livre m'a été mis dans les mains avec une injonction : "lis-le, tu vas aimer!".
Et oui, j'ai aimé !
En Occident, nous avons Renart, le rusé, qui parvient à ses fins en roulant Ysengrin et autres. Et bien au Moyen-Orient (Nasr Eddin tient ses racines de la Turquie et, de là, s'est répandu) il y a le Hodja. Rusé ? Non. Encore que, sa façon de pointer l'absurdité de certaines situations ou à d'autres moments, de faire preuve d'une logique imparable pourrait se faire poser la question. Nasr Eddin l'idiot ne l'est pas parce qu'il est ignorant, mais parce qu'il ne se gêne pas pour dire ce qu'il pense, ce qu'il voit, avec une franchise et une irrévérence désarmante - et, il faut bien l'avouer, désopilante.
L'ouvrage des éditions Phébus compile trois recueils d'historiettes mettant en scène le Hodja, chaque recueil étant précédé d'une introduction fort intéressante et éclairante sur le personnage légendaire. Certaines historiettes sont scatologiques, voire même choquantes, mais la plupart sont drôles, irrévérencieuses à souhait et tellement instructives !
J'ai vraiment apprécié cette lecture, et apprécié également de découvrir ce pan de la culture moyen-orientale que je ne connaissais pas du tout. Je recommande donc vivement la lecture de ce livre.
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Quel plaisir de redécouvrir les sages paroles de Nasreddin ! Je connaissais le hodja grâce à une vieille édition illustrée que je lisais et relisais étant enfant, fascinée par tant de simplicité dans les maximes.
Car la particularité de Nasreddin, c'est d'être à la fois idiot et sage, du coup les morales de ses histoires, parfois très courtes, sont un savant mélange d'absurde et d'évidence.
C'est souvent très drôle, parfois moins car cela peut sembler lointain à des occidentaux, mais d'une manière générale ces contes touchent à l'universel de la pensée humaine, du jugement d'autrui, des petites finesses du quotidien.
Une perle à découvrir !
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Livre de chevet, livre incontournable, à mettre dans toute bibliothèque, je ne peux que le confirmer. de 0 à 99 ans, des condensés de sagesse populaire.
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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
LE RAPPORT

Timour Leng a convoqué Nasr Eddin pour une affaire sérieuse.

— Nasr Eddin, tu as acquis, dit-on, la connaissance des mystères. Je voudrais donc que tu me dises ce qu’est une certaine science occulte appelée « ésotérisme », paraît-il.

— Par la barbe du Prophète, seigneur, je n’ai jamais entendu parler de cette science-là !

— Eh bien, informe-toi, questionne. Je veux que tu me fasses un rapport là-dessus dans un mois.

Un mois plus tard, Nasr Eddin, qui entre-temps s’est borné à cultiver son jardin et à bichonner son âne comme d’habitude, revient à la cour, mais les mains vides.

— Nasr Eddin, je vois que tu as oublié ce que je t’avais demandé.

— Oublié ? Ô maître du monde ! J’ai parcouru des provinces entières, j’ai questionné les plus grands sages, j’ai lu des centaines de traités. Et qu’Allah me maudisse si je mens !

— Mais alors donne-moi ton rapport. Je ne le vois pas.

— Mon rapport tient en un seul mot !

— Comment ? fait Timour stupéfait, un seul mot pour expliquer toute une science secrète ! Dis-moi donc lequel.

— CAROTTE ! crie soudain Nasr Eddin aussi stupidement que glousse un dindon.

— Comment carotte ? Que signifie cette incongruité ?

— CAROTTE ! répète sur le même ton Nasr Eddin. J’ai appris deux choses en effet sur l’« ésotérisme ». La première, c’est que beaucoup d’ânes s’y intéressent. La deuxième est que, fort heureusement, la partie la meilleure en est cachée.
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DANGER DE MORT

Nasr Eddin se réveille en pleine nuit, agité d’un pressentiment. Il regarde par la fenêtre et il voit, éclairée par la lune, une forme blanche de taille humaine qui s’agite dans le jardin. Il secoue sa femme :

— Réveille-toi, fille de l’oncle. Nous sommes cernés par un voleur ou par un fantôme.

Khadidja, aussi terrorisée que son mari, se réfugie au fond des couvertures sans même répondre.

N’écoutant que son courage, qui ne lui dit d’ailleurs pas grand-chose, Nasr Eddin sort prudemment sur le pas de sa porte et, ramassant une grosse pierre, il la lance de toutes ses forces en direction de l’intrus. Il fait mouche car la forme blanche tombe par terre, où elle reste immobile.

Le Hodja s’approche à pas de loup pour identifier la victime et il revient quelques instants après, tremblant encore de tous ses membres :

— Par Allah ! ma femme, il s’en est fallu de peu que tu ne me revoies pas vivant.

— Pourquoi ? Tu as été attaqué ?

— Presque. J’ai abattu ma chemise que tu avais mise à sécher dans le jardin. Tu te rends compte, si j’avais été dedans !
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Nasr Eddin se rend dans le bois avec son âne pour faire du fagot. Il place la charge sur le dos de l'animal mais elle est si lourde que le pauvre n'arrive pas à suivre son maître.

Un paysan, voyant la scène de son champ, lui dit :

- Par Allah ! Je n'ai jamais vu un âne aussi paresseux. Il y a pourtant un moyen radical de lui faire accélérer le train.

- Tu veux parler de la carotte, j'imagine ?

- Non, du piment rouge. Tiens, prends celui-ci, ouvre-le et frotte-lui-en le cul. Tu m'en diras des nouvelles !

Nasr Eddin prend le piment rouge et il fait comme l'homme le lui a conseillé. Aussitôt l'âne, le derrière en feu, démarre au grand galop, et Nasr Eddin se met à courir derrière lui pour l'attraper. Mais rien à faire. L'âne est emballé.

Alors Nasr Eddin ne fait ni une ni deux, il lève son djubbé et se frotte les fesses avec le piment. L'effet est immédiat, tellement puissant que notre homme dépasse bientôt l'âne et qu'il entre le premier dans la cour de sa maison, où il commence à tourner sans plus pouvoir s'arrêter.

Sa femme apparaît bien vite sur le pas de la porte pour observer ce prodige. Nasr Eddin lui crie, hors d'haleine :

- Attrape-moi, attrape-moi vite, ô fille de l'oncle, au lieu de me regarder. Je n'arrive plus à m'arrêter !

- Mais comment donc pourrais-je t'attraper ? Tu fonces comme un taureau en chaleur !

- Va chercher un piment et frotte-t'en le cul !

page 137
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QUE SA VOLONTÉ SOIT FAITE

Au cours d’un voyage, Nasr Eddin rencontre deux derviches errants en compagnie desquels il poursuit sa route. Lorsque le soir arrive, ils font halte, se prosternent en s’orientant vers la Mecque, après quoi le Hodja sort un pain de sa besace.

— Voici ce que j’ai à manger, annonce-t-il. Et vous ?

— Nous, nous n’avons rien, répondent les derviches.

— Qu’à cela ne tienne ! poursuit Nasr Eddin amicalement : nous allons partager, mes bons amis.

— Non, non, pas du tout, proteste l’un d’eux, ce procédé est grossier et indigne d’hommes de foi. Nous devons nous en remettre à la volonté d’Allah.

— Mais comment la connaîtrons-nous ? demanda le Hodja, impressionné.

— Tu es un ignorant ! Nous n’avons qu’à nous coucher et dormir ; demain matin, mangera le pain celui à qui Allah aura envoyé le plus beau rêve.

Force est donc à Nasr Eddin de se coucher le ventre creux aux côtés des deux autres.

Le lendemain matin, à peine réveillés, les derviches s’empressent de raconter leurs rêves.

— Allah soit loué ! fait le premier. Cette nuit, j’ai été gratifié de sublimes impressions célestes. J’ai rêvé qu’un cheval aux ailes de feu venait me prendre sur son encolure et me faisait traverser les sept cieux.

— Ton rêve est bien médiocre à côté du mien, repart le second. L’ange Djibraïl en personne m’a emporté entre ses ailes et déposé dans le jardin céleste, à la droite du Prophète.

— Le pain est pour toi, sans conteste, reconnaît le premier.

— Attendez ! intervient Nasr Eddin. Vos rêves ne sont rien, comparés au mien. J’ai entendu Allah lui-même me réveiller et me dire : « Nasr Eddin bien-aimé, mange le pain tout entier sans plus attendre. » Ô saints derviches, pouvais-je résister à Sa volonté ?
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Visions

Dès qu’il fait partie du proche entourage de Timour Leng, Nasr Eddin se fait passer pour un grand mystique doué de pouvoirs surnaturels. Mais son maître en veut des preuves irréfutables.
— Tous les mystiques ont des visions, paraît-il. Mais toi ?
— Par Allah, lui répond Nasr Eddin, J’en suis comblé à chaque instant.
— Hé bien, reprend Timour Leng, dis-moi ce que tu es en train de voir, et si tu ne vois rien, je te coupe la tête sur-le-champ.
— Je vois des ailes de feu battre les cieux, je vois à la place du soleil un trône de diamants porté par quatre lions d’or, je vois des ruisseaux de lait coulant intarissables des nues, je vois…
— Quelles visions extraordinaires ! l’interrompt Timour Leng, soudain saisi d’admiration et de crainte. Ô vénérable derviche ! Comment fais-tu, dis-moi, pour franchir ainsi l’apparence des choses ? Quels efforts accomplir sur soi-même pour être ainsi emporté jusqu’au septième ciel ?
—  Il n’y a aucun effort à faire, la peur suffit.
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