Ne Plus Se Mentir est un petit bouquin aussi incisif que la collection éponyme* sous laquelle il a été publié.
Jean-Marc GANCILLE dresse un portrait exhaustif somme toute assez bien sourcé de l'état de notre monde en espérant convaincre de dépasser le déni pour agir, ici et maintenant.
Sur environ 80 pages, tous les pans de notre société thermo-industrielle sont examinés de manière à avoir une image fidèle des dégradations perpétrées au sein de la biosphère en parallèle d'une critique politique pertinente, mettant en exergue les dangereuses tendances d'exploitation abusive de notre mode de vie. Tous les rapports récents y sont mentionnés, du GIEC à l'IPBES en passant par Oxfam et son analyse des financements fossiles des banques françaises, ou encore de l'ADEME.
Pour un habitué de ces thématiques, il n'y a rien de bien nouveau mais la synthèse est accessible au néophyte grâce à une structure adéquate et sans temps mort, ce qui fait que l'ouvrage se lit très bien.
Si dans l'ensemble il n'y a pas grand-chose à redire aux constats mis en lumière, j'ai tout de même quelques remarques sur des approximations ou exagérations qui m'ont dérangé à la lecture. Par exemple, s'il existe effectivement des difficultés de modélisations climatiques dues aux fameux « tipping points » (points de bascule), il est faux de dire qu'au-dessus de 2°C « la situation n'est plus modélisable par les scientifiques » (p. 41). Concernant les actions à mettre en oeuvre et la place de la « violence », la part-belle est faite aux thèses que Gelderloos défend dans son opus « Comment La Non-violence Protège L'Etat » bien que sur certains points cet ouvrage ne soit pas exempt de critique, notamment dans son traitement Historique assez orienté (p. 53). Je regrette également l'évocation de Harari ou Mignerot, à mes yeux dispensable.
Mais je suis dur. Globalement j'ai vraiment apprécié l'exhaustivité du traitement. Gancille vise juste à chaque thématique (ou presque) et n'y va pas avec le dos de la cuillère pour nous faire prendre conscience de la gravité de la situation et de la montagne de défis qui se dessinent à l'horizon, même si nous changions, tous, radicalement, ce qui n'a – et je le rejoins – aucune chance d'arriver. le livre entier est un appel au « bon sens radical », celui de la profonde et honnête remise en question de notre civilisation, en pointant ses multiples dérives, violences, exploitations, destructions et exterminations.
On peut sans doute tergiverser sur l'inéluctabilité, sur la dose de doute à apporter quant à l'avenir, toutefois, le constat présent est lui bel-et-bien indéniable ; et c'est bien le déni du présent qui ne fait que nous enfoncer un peu plus, à chaque seconde, limitant nos marges de manoeuvres.
Gancille réussi dans l'ensemble son pari qui est de déconstruire, exemples à l'appui, la logique mortifère de notre mode de vie, tout en appelant à l'action en évitant l'écueil d'un « doomisme » paralysant.
* Collection « Les Incisives », aux éditions Rue de L'Echiquier