Comment se fait-il que je n'ai jamais entendu parler de cette autrice avant d'avoir entendu
Gorian Delpature dans l'émission « sous couverture » ? Pourtant contemporaine des autrices chères à mon coeur d'adolescente telles que
Jeanine Boissard,
Françoise Dorin, etc …
Solange Fasquelle a écrit une trentaine de livres, ce n'est pas rien.
L'ombre des 13 vents nous conte l'histoire de Camille, d'Anne et de Lorette.
Camille a 14 ans, elle vit à Paris. Sa
mère que l'on devine anorexique est hospitalisée et son père décide de l'envoyer en vacances d'été chez son frère, à la campagne. Elle découvre là le plaisir de la vie en société, la grande maison est le théâtre de visites de courtoisie et de repas de famille, ses cousins et les cousins de ses cousins sont jeunes et insouciants. On est en 1960, 15 ans après la guerre. Celle-ci a laissé des traces dans les mémoires. Comme Camille pourra s'en rendre compte en surprenant des conversations à mi-mots, puis en « menant l'enquête » pour découvrir le secret de Lorette, la belle veuve dont la maison a été réquisitionnée par les allemands et qui d'après les rumeurs était très accommodante avec le haut gradé qui vivait chez elle.
Anne a l'âge de Camille mais porte pourtant déjà un regard lucide sur la vie, la passivité de sa
mère Edith, la violence de son père, la décrépitude de sa soeur qui a fui la maison familiale pour vivre le grand amour et qui revient au village encombrée de deux enfants et de toute l'amertume de ses illusions perdues.
Reste Lorette qui parle du haut de ses quarante ans de sa vie de je
une femme mariée puis de celle de veuve et des liens tissés avec l'occupant sous couvert de son implication dans la résistance.
Nous les retrouvons toutes 3 l'année suivante, Camille étant de retour pour les vacances d'été. Bien des choses se sont passées durant cette année, les rumeurs et les non-dits ont été mis à jour et c'est un village de Morville apaisé qu'elle retrouve avec le bonheur d'une adolescente de 15 ans.
Le livre se lit aisément, l'écriture est belle, les mots sont bien choisis, c'est un français bourgeois, on sent la bonne éducation de l'autrice, qui a plus que probablement eut l'occasion elle aussi de côtoyer des châtelains désargentés et des bourgeois campagnards prospères.
Sous couvert d'une histoire de famille et de relations au sein d'un microcosme, un petit village dans l'après-guerre, elle nous propose un roman initiatique. Grâce à l'attention des siens, l'amitié qui va la lier à Anne, la voisine de sa cousine Mathilde, l'arrivée de Roland, cousin de Mathilde, branche maternelle, Camille va découvrir les premiers émois amoureux, elle va prendre conscience que ses parents forment un couple dysfonctionnel, que sa
mère dépressive n'a pas les attentions attendues d'une maman pour son enfant … Ces quelques semaines passées en vacances vont la faire inexorablement basculer de l'enfance à l'adolescence, comme dans les films de
Diane Kurys pour garder une référence à mes années d'adolescence.
Ca se lit comme un
Régine Deforges et sa saga de la bicyclette bleue.
D'ailleurs au vu du nombre des personnages présents dans le livre, l'autrice aurait pu broder pour nous en proposer un livre plus épais. Mais à l'instar de
Sagan dans son merveilleux "
les faux-fuyants" elle se contente de nous rédiger un épilogue de quelques pages et de ne pas diluer inutilement l'intensité dramatique du texte.
Ce n'est donc pas un livre qui marque la mémoire d'une empreinte indélébile mais un moment de lecture très agréable qui m'a ramenée à mes lectures d'il y a plus de 30 ans, un petit moment de nostalgie en ce week-end hivernal.