Il tiendra parole. Il en a fait le serment près du corps du vieux Rowler agonisant, il respectera ses dernières volontés, ceci prenant acte plutôt comme un dernier accord maître-employé car un Kobalos n'est pas créature à s'émouvoir, à se lier d'amitié à un humain en aucun cas.
C'était un pacte secret testamentaire à effet immédiat et Rowler en rappelait les conditions à son créditeur, une bête d'honneur. S'il lui arrivait malheur, les deux plus jeunes filles seraient mises à l'abri du besoin auprès d'une famille proche tandis que l'aînée serait sacrifiée en paiement et vendue hélas en esclave.
De son vivant, cet honnête fermier habitant sur sa propriété, son territoire Haizda de Kobalos, s'amendait toujours équitablement de son prix de sang, un juste impôt pour survivre à côté de leur ferme sans avoir à décimer ses troupeaux ou ses filles, un premier accord secret entre le maître et le vieux Rowler, un accord de paix. Jamais Sliter ne se montrait, glissant hors d son tronc d'arbre ensorcelé, puisant ci ou là la ration accordée du soir, partageant parfois quelques mots avec le fermier. Sliter était un mage solitaire mais il appréciait malgré tout d'échanger avec l'humain.
Les trois filles étaient d'une chair appétissante, galvanisées d'un sang chaud probablement, ses sens n'auraient pu lui mentir, mais il avait promis de ne pas y toucher.
Et puis, l'aînée, Nessa, même si il était conclu qu'il la vende, il lui était redevable.
Elle avait osé sur le chemin poser son front contre le sien lui insufflant force et hargne pour les protéger, quel audace malgré le dégoût qu'il lui inspirait. Elle le sauva après, donnant son sang pour le ramener à la vie alors que des Kobalos félons l'avaient surpris sournoisement et comptait faire ripaille, lui ravissant ses humaines malgré l'interdiction de leur loi. le voyage s'était montré périlleux et avait connu des détours, des combats.
Le mage à l'apparence de loup velu et aux extrémités glabres se trouvait à présent à Valkarky, la cité des Kobalos pour répondre de ses actes vis à vis d'autres Kobalos, il souhaitait demander réparation, faire valoir ses droits de Kobalos, rétablir la vérité.
Mais un nouveau mauvais tour lui avait été fait et Sliter devait subir en dernier jugement pour son acquittement un combat presque impossible à gagner, tuer un Haggenbrood à trois corps dans l'arène.
Quoi qu'il arrive, Sliter respectera le pacte qu'il a fait au fermier malgré ses forces diminuées, le mage venait de trouver une alliée, prisonnière des cachots, qui en avait fait voir aux meilleurs de leurs guerriers. Une autre purra humaine courageuse ou impudente.Une redoutable avec des ciseaux, une sorcière nommée Grimalkin.
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Joseph Delaney offre avec ce tome 11 une aparté, une reprise de souffle au jeune Tom Ward et sa lutte contre les sorcières. Avec le personnage de Sliter, l'auteur confirme son goût à raconter les aventures de caractères sombres controversés, prompts à développer des systèmes de valeurs contrariant leur mauvaise réputation, à l'identique d'Alice ou surtout de la tueuse Grimalkin, que l'on retrouvera d'ailleurs pour faire le lien avec la série entière. En effet, comme avec Grimalkin,
Joseph Delaney ne lésine pas sur un réalisme redoutable pour asseoir Sliter dans sa vraie place de personnage effroyable, la belle verve et l'art de raconter de l'auteur nous font frissonner de plaisir, ne manquerait que le feu de cheminée pour nous veiller quoi qu'en dise la phrase d'avertissement de quatrième de couverture. Solitaire, Sliter se montre une bête féroce au travers de laquelle les lecteurs percevront une âme plus lumineuse qu'à l'imaginable, son souci de l'honneur en ferait presque un preux chevalier Kobalos. Courbé comme une bête qu'il est en partie pour puiser sa ration de sang, il se montre un être droit comme le dicte sa loi mais au fil de ses mauvaises rencontres, il découvrira la corruption et le véritable visage de sa société de Kobalos .Ce pacte à respecter sera finalement un véritable parcours initiatique au delà des règles, des étapes pour devenir un bon mage guerrier. Se défendant à chaque fois d'éprouver quelques sentiments, preuve de faiblesse à son regard, Sliter ne pourra s'empêcher d'être plus qu'ému par le courage de Nissa qui, malgré le sort funeste réglé, n'hésitera à aucun moment à se jeter dans la bataille pour protéger ses soeurs quitte à soutenir la bête louve. Les actes de ses humains avec lequel il vécut seront des exemples qu'il retiendra et on devine qu'il y a bien plus que le devoir qui anime ses actes à la fin. le monde de Sliter étend celui de Tom Ward, enrichit le bestiaire, il existe d'autres peuples fantastiques dans les contrées au delà de celui des sorcières ou gnomes, des mondes différents et voisins où humains et créatures « de l'obscur » cohabitent. Voici qui ne plairait pas une fois de plus au vieux Gregory.
Joseph Delaney entrelace ses univers par un échange culturel entre Sliter et Grimalkin qui découvrent leurs us et coutumes respectifs. Frissonnant, épique, bien rythmé et un plaisir de lire, les amateurs de l'épouvanteur ne regretteront pas cette parenthèse à la hauteur du reste de la série. Excellent !