Deambrosis Mercedes - "
Juste pour le plaisir" - Buchet-Chastel, 2009 rééd Points, 2013 (ISBN 978-2757814581)
L'idée n'est pas mauvaise : l'auteur décale quelque peu dans le temps et étend géographiquement à toute l'Europe les agissements du "vampire de Dusseldorf" (Peter Kürten) qui eurent un impact considérable en Allemagne juste avant la prise de pouvoir par les nazis : le criminel mis en scène dans ce roman traverse toute l'Europe, pendant toute la durée de la Seconde Guerre Mondiale.
Deux policiers, l'un français, l'autre allemand, tentent d'élucider ces crimes, jusque bien après les années 1980, sans y parvenir. Pour épaissir cette période d'après-guerre, l'auteur intègre également l'histoire de la surveillance du dernier nazi à Spandau, Rudolf Hess, décédé en 1987 tandis que, pendant la période d'Occupation, elle rend compte abondamment de la spoliation des biens des juifs, ainsi que de la rafle du Vel d'Hiv.
En soi, ce roman pourrait être vraiment bon, et je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt. Malheureusement, l'auteur use et abuse des multiples techniques d'éclatement du récit : éclatement temporel (tantôt avant, tantôt pendant, tantôt bien après la période de guerre et des crimes), éclatement entre les personnages (quasiment chaque bref chapitre adopte le point de vue d'un des nombreux personnages, sans en prévenir d'emblée le lecteur), éclatement des lieux (de l'Espagne à l'Allemagne, en passant par différents endroits de France), sans oublier l'assassin servant de fil rouge et changeant de patronyme. Un lecteur peu habitué ne peut que s'y perdre, et l'abus d'une technique devient rapidement un procédé dans la pire acception du terme.
Curiosité linguistique, dont je ne sais si elle provient d'origines hispaniques : il arrive assez souvent que l'auteur commence un paragraphe en causant par exemple d'un personnage masculin, mobilisant donc le pronom "il", pour passer sans crier gare au pronom "elle", dont on remarque ensuite qu'il se rapporte au personnage féminin entrant en scène dans la phrase suivante. Bizarre.
Bref, un roman qui aurait pu être excellent, mais qui n'est que bon par excès de "technicisme d'écriture". Cela limite considérablement sa portée intellectuelle, le lecteur étant trop occupé à suivre les personnages.
Dommage.