Léger dans la hotte et discret sous le sapin, ce petit livre n'en a pas moins pesé son poids de littérature dans la magie de ce dernier Noël qui miroite encore aujourd'hui de ses dernières guirlandes.
Trente pages d'une tendre poésie disruptive et une cinquantaine d'un jeu de massacre familial tragique et jubilatoire : c'est peu.
C'est pourtant assez pour pousser le fameux cri paliouk : HOUAAAABYORGENMYOUUUUUUUDENNNNN !
Encore faudrait-il pour cela posséder des poumons d'ours ...
"Le village des sourds" suivi de "L'effet Miroir" est un recueil de deux récits écrit par
Léonore Confino, et paru à la collection "Papiers" des éditions "Acte-Sud".
Youma Vlozomir a quatorze ans.
Elle est sourde.
Gurven est un belge d'une cinquantaine d'années.
Ils sont venus de la lointaine et blanche Paliouquie, du village d'Okionuk pour raconter une drôle d'histoire.
Youma déroule son récit en langage des signes, et Gurven le traduit.
Car que Dieu me savonne et que youma me pardonne, mes mains, d'être soudain silencieuses, en sont devenues comme illettrées.
Dans cette histoire, le poids des mots a son importance.
Il va devenir un moyen de paiement pour tout un tas de quincaillerie inutile, pour tout ce qui encombre nos vie.
Et, lorsque le verbe se tarit, l'asservissement et la violence ne sont jamais bien loin ...
Ce récit, qui n'est pas vraiment une nouvelle, ni tout à fait du théâtre, est plutôt un "presque-seul" en scène.
C'est un court moment de pure littérature, très beau, qui rend certainement meilleur de l'avoir lu avec plaisir.
C'est poétique et philosophique.
C'est un village qui s'appauvrit en accumulant les biens matériels.
C'est captivant et miroitant de mille belles-lettres.
C'est un conte ! c'est une anecdote ! c'est une fable !
Que dis-je, c'est une fable ? … C'est une parabole !
On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme…
Le deuxième texte du recueil "L'effet miroir" est un repas en famille qui tourne mal.
Deux couples sont à table : Théophile et son épouse Irène, William son frère et sa belle-soeur Jeanne.
Théophile est écrivain.
Depuis son grand succès "la chambre des amants", il se cherche un peu et vient d'entamer la rédaction d'un grand conte philosophique ""L'éveil du bigorneau".
Ah schizophrénie, quand tu nous tiens !
Chacun croit s'y reconnaître ... le bigorneau, bien sûr mais aussi la petite seiche stérile et le gros oursin, sans oublier la chaudasse d'étoile de mer ...
Ce petit récit est un morceau de scène cruel et jubilatoire.
C'est drôle, triste et lucide.
C'est rapide et efficace.
Ça fait tomber de sa chaise ! C'est la vie.
C'est plein d'une humanité frénétique et convulsive mais poignante et si fragile.
Cependant tout ceci est du théâtre contemporain.
Alors que celui qui n'en a jamais lu jette la première pierre à celui qui voudrait en lire ... ce recueil est à céder pour quelques mots dérisoires qui ne servent plus, et à faire circuler comme le verbe qui, de lèvre en lèvre, va toucher directement le coeur ...