j'ai lu d'une traite "
Haneke Par Haneke", le beau livre (édité chez Stock) écrit par
Michel Cieutat et
Philippe Rouyer, deux journalistes de Positif, et qui était sorti en même temps que le film
Amour, soit en octobre dernier.
Si je connais mal Cieutat,
Philippe Rouyer m'est bien plus familier, notamment grâce à ses interventions dans mon émission fétiche " le Cercle » sur Canal + Cinéma (je viens d'en parler deux fois en quelques jours après mon article sur
Ollivier Pourriol). Rouyer est un passionné de cinéma, qu'on écouterait des heures et des heures parler de ces cinéastes préférés, tant l'homme est volubile et érudit.
Et parmi ces cinéastes préférés, figurent en très bonne position
Michael Haneke, qu'il suit depuis ses tous premiers films diffusés en France, du 7ème Continent à Bunny's Video.
Michael-Haneke
Ce livre, fruit de cinquante heures d'entretiens échelonnées sur deux ans entre Paris et Vienne, permet à cet homme secret et cinéaste exigeant "d'exprimer sa conception du 7e Art et sa perception du monde".
Haneke revient sur sa jeunesse et ses mises en scène au
théâtre avant d'évoquer, film par film, son travail à la télévision et au cinéma, de ses débuts, en 1974, jusqu'à "
Amour", son deuxième film à recevoir la Palme d'or (en 2012), après "Le Ruban blanc" en 2009.
Le fruit d'une alchimie entre des échanges passionnés de trois personnalités sur deux années écoulées, avec le cinéaste autrichien.
Au gré des échanges, anecdotes, récits et confidences sur l'art de faire un film se succèdent pour dégager l'image d'un créateur singulier, perfectionniste et plein d'humour, en dépit de l'univers sombre de son oeuvre.
Il raconte comment, adolescent, il était "révolté contre tout" puis avait songé devenir pasteur. Comment il a débuté au
théâtre grâce à sa petite amie. Confie avoir vu "Le Miroir" de Tarkovski un nombre incalculable de fois et avoir été marqué à jamais par "Salô" de
Pasolini: "je l'ai vu une seule fois, parce qu'il est terrifiant".
L'ouvrage est passionnant, tant l'homme n'est pas avare en confidences : on découvre l'envers du décor, le tournage des scènes de violence, de sexe, mais aussi "l'arrière-boutique", du choix des acteurs ( Haneke est très pointilleux sur le casting, pouvant imposer des acteurs contre les producteurs, ou changeant d'acteur principal en plein film car il ne lui donnait pas du tout satisfaction) au montage, sans oublier aux éclairages et décors, la musique, de l'adaptation d'un roman au cinéma.
Haneke nous dévoile également des anecdotes poignantes, comme la façon dont
Annie Girardot , souffrant déjà de la maladie d'Alzheimer, est parvenue au bout du tournage de la Pianiste ou de
Caché...
On découvre aussi quelques pans biographiques de la vie d'Haneke, ses débuts au
théâtre, mais aussi des références, ses réflexions,ses propres critiques sur certains passages de ces films au résultat ne correspondant par à ses attentes, bref, il ne s'agit bien pas d'une explication de ses films, mais un bon moyen d'entrer dans cet univers particulier, et cela donne envie de voir ou de revoir certains films, d'un autre oeil, en étant plus attentif à certains détails évoqués dans ce livre.
Haneke par Haneke parvient à effacer, du moins en grande partie ( on voit quand même que l'homme possède un sacré caractère et sait ce qu'il veut) l'image un peu trop austère et moralisatrice de
Michael Haneke controversé et dessine au contraire l'image d'un créateur contemporain, des plus singulier, mais qui est toujours taraudé par la recherche d'un vrai perfectionnisme.
Lien :
http://www.baz-art.org/archi..