1858, canicule, la Tamise se transforme en marécage putride qui agresse les narines des Londoniens. Deux "ratcatchers" (chasseurs de rats) nés de parents inconnus tentent de survivre dans ce cloaque.
L'idée est bonne et si ce n'est quelques expressions complètement WTF ("sourd comme une terrine de couleuvre et muet comme des rillettes de carpe aphone" (?) ), quelques grosses ficelles parfois un peu voyantes, et une tendance certaine à la dégoulinade de bons sentiments, ce bouquin aurait pu faire un honnête roman d'atmosphère, d'autant que l'auteur s'est quand même un minimum renseigné et que les chasseurs de rats et évacueurs de tinettes ont bien existé, de même que les "fermes à enfants" (quelle horreur !) et que l'idée d'intégrer à son intrigue quelques personnages fictifs et réels connus (
Sherlock Holmes, Jack l'Éventreur, Amelia Dyer la bien nommée) est plutôt sympathique.
Malheureusement, il y a un casus belli en ce qui me concerne, il apparaît dès les premiers chapitres et ne m'a pas lâché jusqu'à la fin : le narrateur, un des deux gamins en question, qui avait 10 ans en 1858 et écrit ses mémoires un peu après 1900 (c'est ce qu'on comprend à la fin), à la première personne bien sûr, parle peu ou prou comme un collégien du 9-3 au XXIe siècle.
Et quand il abandonne cet argot absolument pas d'époque, c'est pour prendre le ton docte d'un intellectuel qui analyse le XIXe... avec les connaissances et le recul du XXIe.
Quelques échantillons :
- "Mais les mentalités étaient pas encore prêtes à s'élever contre ce qui était devenu une norme."
- "Cela avait eu des conséquences sanitaires fâcheuses, notamment pour les nourrissons et les jeunes enfants privés de lumière et de vitamine D."
- "On acceptait comme une fatalité qu'un pourcentage conséquent de mioches en bas âge, de femmes et d'hommes perdent la vie dans notre entourage direct, c'était devenu la norme."
- "Faire vibrer nos récepteurs nerveux"
- "Un fix d'adrénaline", "impacté", "CO2", "mes terminaisons nerveuses", "débranche les neurones."
Un type nous fait même, en 1858 donc, un cours complet sur la Pangée et la dérive des continents, hypothèse apparue en 1912.
Conséquence : à aucun moment je n'ai pu croire à cette histoire, à aucun moment je n'ai pu m'y absorber vraiment, car il y avait constamment ce parler familier d'aujourd'hui et ces incessants anachronismes qui m'en éjectaient.
Je retenterai peut-être ma chance avec cet auteur sur un roman contemporain, mais le roman historique, c'est clairement pas son truc.