Sans foi ni loi, tome 2 : Frappé en plein coeur

En vérité, ce serait un gâchis de priver le monde d’une telle beauté. D’un tel talent. Même si son sourire était une illusion, sa grâce un artifice, sa disparition ferait pencher la balance encore un peu plus du côté de la médiocrité humaine.

Ce n’est pas pour rien qu’elle est la meilleure actrice de Londres. Pour accéder aux sommets, cette traînée a laissé une flopée de cadavres dans son sillage. Elle est peut-être d’une grande beauté, mais elle est froide et impitoyable.

Mon fils, tu ignores tout du monde en dehors de ces murs. Il est étrange et merveilleux. Beau et terrible. Tu ne sais pas ce qu’est la vraie vie. Tu n’as jamais vu un coucher de soleil ni mangé un vrai repas. Tout ça à cause de moi. Parce que je suis une criminelle.

En vérité, aucun prénom typiquement anglais ne lui convenait. Il ne ressemblait en rien aux gentlemen élégants et courtois qu’on lui présentait habituellement lors de ces soirées. Avec son épaisse chevelure auburn, ses yeux bleus saisissants, ses os saillants, il aurait été davantage à sa place sur un champ de bataille celte, brandissant une claymore pour repousser les envahisseurs saxons. En dépit de ses beaux traits détendus, il dégageait quelque chose de dangereux, quelque chose de… Elle ne pouvait le définir. Ce n’était ni de la violence ni de la colère. Mais, lorsqu’il souriait, son sourire ne parvenait pas jusqu’à ses yeux.

« C’est l’heure des rêves tant attendus.
« Des rêves de rires et de liberté,
« Des rêves de paix pour l’éternité…

La peur, la jeunesse et l’impuissance alimentaient sa rage. Son âme était devenue aussi violente que l’orage.

Sa mère pleurait parfois pour ceux qui marchaient vers la potence. Pas Christopher. Un prisonnier exécuté signifiait parfois une nouvelle paire de chaussures ou une nouvelle ceinture.

L’eau est également mortelle, poursuivit le maître. Elle se déverse avec une force qui peut broyer la pierre. Elle inonde, noie, détruit tout sur son passage. Sans pitié, sans remords.

L’eau est adaptable et fluide, commença le maître. Elle est molle, prend la forme de tout ce qui la contient, s’infiltre dans les lieux les plus bas, cherche toujours le chemin qui offre le moins de résistance. Elle nourrit la vie et peut aisément être détournée pour servir l’intérêt d’autrui.

Désormais, à l’approche de ses onze ans, il était presque aussi grand que le Chinois qui l’avait pris sous son aile.