Un poète à la prétention dérisoire, mais à l'incontestable puissance physique (« Je le trouvais ridicule, mais dans le même temps, je regardais son torse en m'imaginant serrée dans ses bras »), un mari acariâtre, que l'on trompait allègrement, en offrant dès que l'on pouvait une part de la soupe qu'il affectionnait à son amant, un gynécologue qui se prend pour un grand artiste mais qui ne peint que des croûtes représentant le sexe de ses patientes, et qui méprise copieusement sa femme, jusqu'au jour où il découvre qu'elle est meilleure poétesse qu'il n'est peintre, un infidèle hypocrite et violent dont sa femme cherche à prendre au piège sa maîtresse et qui finira peut-être lui-même par se faire battre à coup de pelles… Il ne fait vraiment pas bon être un époux dans les onze nouvelles de
Mon cher mari, un recueil décapant, aux dialogues toujours vifs et à l'humour acide de l'écrivaine macédonienne Rumena Buzarovska (Gallimard, septembre 2022). L'homme y est trop souvent imbu de lui-même, lâche et menteur, faible et brutal, et même lorsqu'il occupe une position sociale honorable, d'une bêtise souvent crasse. Mais si le mariage apparaît comme un redoutable piège, dont on ne se défait que par sa propre infidélité, la séparation ou la mort du mari, si l'auteure, semblant toujours au fil des pages adresser au lecteur le même clin d'oeil farceur et assassin que la femme de la couverture du roman, défend à l'évidence ses soeurs, victimes d'une institution, de ces « liens sacrés » qui les minorisent, ces petites histoires montrant aussi à quel point les femmes ici sont parfois, consciemment ou non, la proie d'abord d'une forme de soumission librement consentie. Onze nouvelles, comme autant de petites tragi-comédies désopilantes, pour révéler ainsi que le combat des femmes, dans des sociétés encore régies par tant de traditions patriarcales, est loin d'être gagné… le rire malicieux de Rumena Buzarovska est la meilleure manière de nous le faire entendre !