Amis de la poésie, bonjour.
Comment vous dire ?
Je préfère laisser la parole à l'auteur pour débuter ce billet et vous mettre tout de suite dans l'ambiance:
« Restaurant
Fragile, fanée pour ses 37 ans,
Elle porte son alliance comme une transe
Les yeux fixés sur sa tasse de café vide
Comme si elle regardait dans la bouche
D'un oiseau mort. le dîner est fini.
Son mari est parti aux toilettes.
Il va bientôt revenir
Et alors ce sera à elle
D'aller aux toilettes. »
Que j'aime cette poésie, de celle qui laisse la porte ouverte à tant d'interprétations. Cette poésie où rien n'est imposé, ces fulgurances qu'on peut s'approprier selon l'état d'esprit du moment, selon son vécu.
Dans cette citation par exemple, on peut envisager mille et une histoires. le mari est-il allé aux toilettes pour un p'tit pissou ou pour une plus grosse commission ?
Dans le cas d'un simple pipi, là encore la porte reste ouverte (c'est une image, on est en poésie là quand même mais il est vrai qu'on peut également se demander si la porte des chiottes est ouverte ou fermée, s'il va plus vers l'urinoir que vers le chiotte à la turc).
Est-il sujet à des problèmes de prostate, a-t-il pris trois bières pour fêter les 37 ans de sa femme, a-t-il oublié d'aller pisser juste avant d'aller au restau tout simplement parce qu'à ce moment là il n'avait pas envie ou parce qu'il y était allé dix minutes avant de partir (ce qui réactiverait la piste prostatique). Urine claire, floconneuse, jaune foncée, diabète, albumine ? Pression du jet façon karcher ou plus réservée ? Tireur d'élite direct dans le trou ou dommages collatéraux ? Main droite, main gauche, sans les mains ? Quid de la dernière goutte ?
Vous voyez qu'avec cette poésie, tous les possibles restent crédibles, tous les voyages sont à portée.
J'en entends me dire : oui mais si c'était pour la grosse commission, ta théorie tombe à l'eau. Plouf ! Plouf !
Ben non, c'est là toute la magie de la poésie. Ca marche dans tous les cas.
Si c'était pour la grosse commission, l'éventail des suppositions est encore plus large. On peut reprendre la direction de la porte ouverte ou fermée ou du caca avant de partir pour sortir peinard. Dans ce cas, on a le choix entre un safari au pays de la constipation ou une excursion au coeur de la gastro. de là direction solide ou liquide, dur ou mou ? Petits boudins Antillais, boudin brasse ou encore tites boulettes ? Qui flotte ou qui coule ? Avec ou sans odeur ? Bruyant ou discret ? Avec commentaires du genre « hmmmmmmmmmm » poussif et « Aaaahhhhh » libérateur ou muet ?
Et puis le papier, en rouleau, en feuilles du style papier sulfurisé ? Combien de feuilles pour l'épaisseur ? Deux, trois, quatre ? Blanc, rose, bleu ? Des petits motifs, unis ?
Même chose pour la « fanée » de 37 ans (sympa le mec) avec en plus une troisième voie royale, l'indisposition.
Que de chemins inexplorés où s'aventurer dans la poésie de
Richard Brautigan.
Vous l'aurez peut être compris, cette poésie est une poésie que je qualifierai de poésie de merde.
Oui je sais, c'est pas très sympa comme qualificatif mais il faut comprendre que je me suis fait chier (veuillez me pardonner cette vulgarité ton sur ton avec ce poème) comme rarement avec un recueil de poésie.
J'aurais pu prendre n'importe quel texte de ce pathétique «
Il pleut en amour » et partir en vrille de la même manière.
Une autre une autre !!!
« Un morceau de poivron vert
Est tombé
Du saladier en bois :
Et alors ? »
Oui, et alors ? Bio ou pas etc….
« le poids net de l'hiver est de 52,35g
Et l'hiver a un goût ordinaire
Enrichi au fluor
Pour lutter contre les carries.
Il y a un mois, j'ai acheté un énorme tube
De dentifrice Crest et quand je l'ai mis
Dans la salle de bains, je l'ai regardé
Et j'ai dit « Hiver »
Là on est en voyage inter galactique parce que vous pouvez poétiser avec tout.
Demain sous la douche en regardant mon savon je pense que je dirai « cucurbitacée » pour voir l'effet que ça fait d'être poète. Essayez, vous me donnerez vos impressions.
La poésie pour les nuls n'a qu'à bien se tenir.
Faut vraiment que je consulte je ne sais pas quel spécialiste mais il faut que j'en trouve un qui remédie à ce besoin que j'ai de terminer des bouses pareilles. Oui oui, je me suis tout farci juste pour voir jusqu'où le génie de Brautigan pouvait aller. Il y a quelques temps encore, j'aurais dit que j'espérais tomber sur une perle la page suivante. Là non. Dès le début, ça sentait le moisi et je n'avais aucune illusion.
Vous me chercherez peut être des excuses mais si vous saviez…
Il y a pire. J'ai acheté du deux en un. Et oui, avec «
Il pleut en amour », il y a «
Journal Japonais ».
Oui, j'ai lu les deux recueils rassemblés dans un même bouquin.
Que dire de «
Journal Japonais » ?
Rien si ce n'est que le petit ressemble comme deux gouttes d'eau à son papa. du Brautigan en forme olympique, avec des textes plus insipides les uns que les autres. Ah si quand même, un truc qui m'a bien aidé à comprendre l'oeuvre Brautigan. A la fin de chaque « texte », nous avons le droit à la datation du machin. Et puis il y a ce moment d'émotion intense, le truc qui te fait voir le monde différemment (dernière citation, promis).
« Dans un jardin
500 Bouddhas moussus
Vert lichen
Journée ensoleillée
Ces Bouddhas
Connaissent la réponse
De tous les cinq
Cents autres Bouddhas
Jamais achevé hors de Tokyo le 23 juin 1976 hormis le mot « autres » ajouté à Pine Creek, Montana, le 23 juillet 1976 »
Oui mais à quelle heure, Quel temps faisait-il ? Combien de temps après le dernier pipi, combien de temps avant le prochain caca ?
Finalement ce bouquin est très cohérant. Des textes de merde du début à la fin
J'avais fait une première rencontre de l'auteur avec «
Mémoires sauvés du vent », rencontre qui s'était moyennement passée.
Ce deuxième rencard nous sépare définitivement.