Mylène Bossé

L’ambiance est l’une de celles que j’aime bien. Les gens discutent et rient dans une atmosphère de détente et de convivialité. Au milieu de ce tourbillon de discussions, je m’avance et remarque une banquette légèrement isolée. Je m’y installe confortablement et prends mes aises en sortant bloc-notes et ordinateur portable. Je me sens bien ici. C’est comme un petit chez-soi accueillant. Je suis l’une de ces personnes qui possèdent l’aptitude de faire abstraction du bruit environnant et de me concentrer sur ma tâche. Je sais déjà que c’est ici que je viendrai travailler.

C’est un endroit de toute beauté. Les journées sont encore fraîches par moments. C’est en me promenant que je découvre ce bar. Ou devrais-je dire resto-bar, puisque l’ouverture se fait en après-midi, et qu’il est possible de commander quelques repas du coin. Ce bâtiment, imposant de par sa devanture vieillotte, mais tout de même charmante, est situé à quelques rues de chez moi. Un bar qui porte bien son nom : Le vieux Rock Pub. Je suis sous le charme.

Le paysage montagneux est magnifique. Et calme. En général, la nature a cet effet sur les gens. Elle apporte un sentiment de paix et de calme dont j’ai tant besoin et qui m’offrira la sérénité sur un plateau d’argent.

Je suis donc devenue écrivaine. Enfin, je tente par tous les moyens de terminer l’écriture d’un roman. J’ai trouvé un éditeur qui serait tenté de publier mon livre, mais je dois respecter un échéancier. Il aime beaucoup mes idées, mais je dois les mettre sur papier. Établir un horaire. Le point positif, c’est que je peux travailler d’où je veux, quand je veux. Je dois seulement suivre le plan de match. Critère numéro un : trouver l’inspiration.

Je suis devenue une nouvelle personne. Enfin, presque. Je reste toujours moi-même, mais j’ai changé mes ambitions, mes désirs et mes rêves. Un moi complètement renouvelé. Je déleste ma partie sombre pour combler mon besoin de changement. Pour me permettre de me compléter à nouveau. J’ai besoin de changer d’air. Il devenait primordial de tout oublier pour ne pas sombrer, pour ne pas être totalement brisée.

Je n’en faisais pas des tonnes, je restais moi-même. Une fille bien ordinaire, avec mes passions et mes raisons de vivre. Étant un peu gaffeuse, j’ai souvent été la risée de mes compagnons. Mais je suis à l’aise avec mes maladresses. Je ne me suis jamais découragée, je me suis toujours dit que quelque part, la roue finirait par tourner, et que ma vie, à ce moment, serait parfaite. J’attendais ce moment avec impatience. C’était avant que la tragédie frappe. Il y a deux ans…
Maintenant, je fuis. Je fuis un travail qui me passionnait, que j’adorais et qui prenait la première place dans ma vie. Même si je suis d’une maladresse sans précédent, à mon travail, j’étais d’une souplesse incroyable. Il n’y avait aucune place pour les gaffes. J’ai bien dit… j’avais. Au passé. C’est mon instinct qui m’a fait choisir ce travail, mais c’est aussi lui qui m’a poussée à le fuir. À fuir ma culpabilité et mes responsabilités. Les ragots, et les regards en coin. Les murmures et le mépris. Parce que je n’ai pas réussi. Parce que j’ai tout perdu.
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Je croyais avoir… une famille. Un concept important qui varie en nombre au fil des années. Parfois, elle s’agrandit, parfois, elle s’éteint. Peu importe la quantité de membres, ça reste une famille.
Ma personnalité est, je crois, bien développée. Avant, je m’attirais parfois des regards en coin ou j’étais le point de départ de bien des ragots juteux. Était-ce de la jalousie ou de l’ennui ? Je viens d’un patelin d’environ trois mille habitants, où n’importe quoi peut devenir intéressant. Ou n’importe qui. Je n’en faisais pas des tonnes, je restais moi-même. Une fille bien ordinaire, avec mes passions et mes raisons de vivre. Étant un peu gaffeuse, j’ai souvent été la risée de mes compagnons.

J’ai seulement réussi à susciter de la colère, de l’indignation et de la tristesse tout autour de moi. Ce qui fait le plus mal, c’est que j’aurais dû pouvoir empêcher la tragédie. On dit que la première étape est toujours cruciale. J’aurais dû être cette première étape. Les décisions que j’ai prises se sont avérées primordiales.

Je crois toujours en la destinée. Je pense que ma destination finale sur cette Terre est immuable et qu’en réalité, nous choisissons seulement le chemin pour y parvenir. J’y croyais, mais maintenant, je n’en suis plus certaine. Le destin en a décidé autrement.

Chaque personne est différente génétiquement : chacun réagit donc à sa façon aux obstacles qui se présentent à lui. Certains les fuient, d’autres les surmontent, se laissent submerger par leurs problèmes ou mettent fin à leur vie. Je dirais que je me situe un peu dans le milieu de tous ces choix. Je me suis laissée submerger à certains moments, j’ai voulu m’enlever la vie à d’autres, mais, pour le moment, je fuis. Peu importe. Je crois toujours en la destinée. Je pense que ma destination finale sur cette Terre est immuable et qu’en réalité, nous choisissons seulement le chemin pour y parvenir. J’y croyais, mais maintenant, je n’en suis plus certaine. Le destin en a décidé autrement.

Complètement nue, je m’assois sur le rebord du spa. L’air frais couvre rapidement mon corps d’un doux frisson. Mes mamelons pointent effrontément vers l’avant, laissant croire qu’ils ont durci par le froid au lieu d’une preuve de mon excitation préexistante. Me laissant glisser dans la chaleur, je soupire immédiatement de bien-être. J’active les jets qui font tourbillonner l’eau du spa et je m’installe confortablement. Tandis que Joe retire ses vêtements, c’est à mon tour de profiter du spectacle ; j’admire l’ondulation de ses muscles à chaque mouvement.

Son sourire en coin dément toute pensée chaste qui peut lui traverser l’esprit. Et cela suffit à provoquer des étincelles dans mon ventre. L’air est lourd de tension et plus j’y pense, plus je me dis que le spa est la meilleure idée que j’ai eue jusqu’à présent.

Et maintenant, je n’ai pas envie d’être seule. J’ai envie de tout, sauf de tolérer la solitude. Revenant à ma voiture, je quitte le stationnement en composant le numéro de Joey. Ce n’est que le début de l’après-midi et je me demande ce qu’il a de prévu avec miss Abby. Je déglutis rapidement lorsque je l’entends décrocher.

Il me connaît par cœur, sinon il ne m’enverrait pas sur la montagne. Et qui de mieux qu’un frère pour nous connaître davantage que nous-mêmes ? Et j’ai vraiment envie de retrouver le grand air des hauteurs.

À voir la colère dans ses yeux, je sais qu’il sera furax lorsqu’il saura toute l’histoire. Et lorsqu’il passe sa main dans ses cheveux, je sais que la bataille est perdue d’avance. Peut-être vaut-il mieux que je lui raconte tout à l’instant ? Il n’aura pas à feindre de comprendre ce qui se passe lorsqu’il recevra le rapport de la police.

Joey m’embrasse tendrement, et sentir cette tendresse dans son baiser est suffisant pour faire tout déraper à nouveau. Mais avant que ça ne se produise, je reprends ma place sur le siège conducteur. Nous savons tous les deux qu’il est temps de rentrer. Le travail nous attend.

Sans préavis. Je l’accueille en me cambrant contre le tableau de bord. Il libère l’un de mes seins et happe le mamelon rosé dans sa bouche, provoquant une décharge électrique directement dans le bas de mon ventre.

J’ai envie qu’il m’embrasse maintenant. Et comme s’il lisait dans mes pensées, il s’approche et capture mes lèvres dans un baiser enflammé. Sa langue est exigeante contre la mienne, valsant au rythme de mon cœur effréné. Il fait soudainement si chaud dans ma voiture, même si le givre sur le capot démontre une température sous zéro à l’extérieur.

Il m’offre un sourire qui pourrait, à lui seul, chambouler la relation précaire dans laquelle nous évoluons. Pourquoi ai-je l’impression que je suis perdante dans toute cette histoire ? Je sens que je dois rapidement trouver une façon de protéger mon cœur contre toutes ces nouvelles sensations. Est-ce vraiment la meilleure décision que j’ai prise ? Je profite du fait que Joey entre dire au revoir à Abby pour m’éclipser silencieusement.

Je me suis sentie désirée, et pour la première fois depuis longtemps, j’ai eu l’impression que mon partenaire se souciait de mon plaisir. Et je ne croyais pas qu’il était possible de jouir avec autant de force… plusieurs fois. J’ai encore mal partout juste d’y penser.