Citations de Julia de Funès (64)
Du déodorant dont la publicité garantit une fraîcheur sans nuage à l'ambiance familiale et champêtre d'une lessive, en passant par la voiture véhiculant une osmose sans cri ni vomi, les écrans affichent un bonheur perpétuel, une euphorie conformiste. Les psychologies positives n'en finissent pas de vanter avec une sympathie solaire, mêlée d'une sottise satisfaite, l'empire de la sérénité, noyant tous les poissons de la négativité et des passions tristes. [...] Il n'y a plus de "malaise dans la civilisation", l'épanouissement personnel est devenu le nouvel "opium du peuple".
Très intéressant livre de philosophie moderne de Julia de Funès sur beaucoup de sujets, l’identité en particulier. Mais aussi sur les sensations, la liberté, etc.
Je ne suis pas grand philosophe et m’y suis senti un peu égaré tant il y avait à y ramasser à tous les niveaux. Peut-être parce que je n’ai pas su trouver le lien entre toutes ces richesses.
L’auteure s’appuie beaucoup sur Montaigne, Nietzsche, Bernanos et énormément sur…Proust !
A relire par petits bouts.
Seule la manière et non la matière, parvient à nous caractériser
Ce n’est donc pas l’objet de la possession qui nous définit, mais la possession elle même
Ces complexités humaines ne sont jamais questionnées par les bricoleurs du moi.
Le bonheur est "une eau qui épouse diverses formes qu'aucune forme n'épuise", dit merveilleusement Pascal Bruckner.
(p. 152)
Les coachs, auteurs et autres consultants en développement personnel ont fait leurs choux gras en promettant des "outils", des boîtes à outils, des "kits" d'analyse. Les entreprises et le grand public ont été friands de ces outils pour leur aspect concret, pragmatique et prometteur. Il y a encore quelques années, on se serait cru en plein Néolithique, période marquée par de profondes mutations en matière d'outillage. Dès qu'il s'agissait d'intervenir dans une entreprise, la sentence irrévocable du Neanderthal 2.0 tombait : "Que proposez-vous, comme outils ?". Les philosophes, peu outillés, bien que riches de 2500 ans d'analyses humaines venaient bien après les mécanos du conseil.
Puisque le "moi" devient l'unique norme, l'individu devient l'unique responsable de son bonheur ou de son malheur. Aucune autorité autre que l'individu lui-même ne peut venir justifier l'échec ou la réussite de sa vie. Tout réside à l'intérieur même du sujet. (p. 17)
La servitude volontaire ne revient donc pas entièrement à l’individu, elle est liée au rapport qui s’instaure entre gouvernés et gouvernants. Ce rapport nous semble de même nature que celui s’instaurant parfois entre coachs et coachés.
Tant que nous raisonnons et réglons notre volonté sur notre intelligence, sur notre rationalité, sur des méthodes et des techniques, on se condamne à l’inaction ou à l’action inauthentique.
Dans les ouvrages de développement personnel, ou dans les paroles de coachs, jamais les concepts ne sont suffisamment approfondis. Au contraire, nous avons vu à quel point ils étaient mélangés et peu distingués. Ce langage ressemble à ce qu’Aristote nomme le « verbiage5 », cherchant à noyer l’interlocuteur dans un flot de paroles pour qu’il n’y décèle pas les contradictions.
Les conseils de développement personnel s’avèrent être davantage des outils de communication non violente que les moyens d’un cheminement pour découvrir sa propre vérité (exactement l’inverse de ce que promettent les titres !).
Le dénominateur commun et sans visage qu'est l'argent permet de comparer une pomme, une voiture, un cheval, à une maison : il est bien « la forme pure de l'échangeabilité » dont parle le sociologue Georg Simmel, en d'autres termes le moyen neutre et objectif qui, transformant tout objet en marchandise, permet d'accéder à toutes les marchandises.
Que masque alors la multiplicité des termes qui entourent cette valeur pourtant si claire et objective qu'est l'argent ?
L'argent serait-il tabou au point de ne pas pouvoir se laisser dire simplement ?
Ce tabou de l'argent remonte loin… déjà dans la mythologie grecque, le dieu de la richesse, Ploutos, est rendu aveugle par Zeus, qui le punit d'avoir voulu dominer le monde.
« La philosophie est une réflexion pour qui toute matière étrangère est bonne… »
Georges Canguilhem.
Trouver sa perfection, c’est comprendre que nous sommes des etres initialement complets avec un style déjà marqué, c’est désirer son désir; en désirant notre désir, nous désirons ce qui nous sommes et non ce qui nous manque.
C’est notre désir qui va faire notre une chose, plus que la chose ne va façonner notre être.
Sentir que personne ne pourrait le faire comme nous, que le mouvement qui pousse à l’action est le mien, vient de mon intériorité, de mes tripes.
Rien dans cette action n’est pensé à partir d’une idéalité d’identité extérieur à soi-même.
Tout par l‘intériorité.
L'individu reste sous influence... Et pourtant, après avoir dit ce qu'il convient de faire ou ne pas faire, les conseillers incitent néanmoins et paradoxalement leurs clients à avoir confiance en eux-mêmes, et à ne pas se laisser trop lesdits auteurs et coachs, sinon influencer les sujets dans leurs attitudes et les conduites à suivre ?
Le problème est le suivant : jamais les managers n'ont fait autant pour le bien-être de leurs salariés et jamais il n'y a eu autant de mal-être, de burn-out [...] et les arrêts maladie n'en finissent pas de se multiplier.
Déformons donc le réel odieux pour mieux nous conformer à un irréel radieux.