(les programmes que Margot utilise pour son boulot ressemblent aux programmes décrits ci-dessous :)
Souvent, ces programmes informatiques sont tellement avancés qu'ils prennent indépendamment des décisions boursières en fonction de certains mots-clés et de limites spécifiées. Par exemple, il arrive de plus en plus souvent qu'un grand nombre d'actions soient vendues simultanément sans aucune intervention humaine, ce qui provoque généralement une vague encore plus importante de ventes rapides, avec d'immenses pics et creux dans les graphiques. Les grands acteurs financiers cachent ces superordinateurs dans des bâtiments blindés, refroidis par l'air et bien gardés, au plus près de la salle des marchés elle-même, car chaque microseconde compte. Au cours d'une journée modale, parfois 4,7 millions de commandes par seconde sont exécutées par ces moteurs de mise en correspondance basés sur des algorithmes. Réduire leur pouvoir à un niveau humain n'est plus une option. Ces machines décident maintenant qui vaut quoi à notre place, employant avec empressement des tactiques semi-légales comme l'usurpation d'algos, achetant des ordres légèrement en dessous du prix du marché pour suggérer l'impression d'un grand intérêt.
C'est l'une des manifestations les plus tragiques du pouvoir, cette croyance graduelle en sa propre bonté infinie, qui fait que chaque critique semble être une attaque personnelle et chaque félicitation une évidence. Dans une version du monde qui ne sera jamais la nôtre, le pouvoir devrait être emballé avec l'avertissement : 'À utiliser avec modération'.
(chapitre 13)
Levy la salue gentiment. Un avocat répond à sa place.
"M. Levy, avant que vous puissiez lui poser des questions, nous avons besoin de votre signature."
"Pour quelle raison?"
"Quelques accords."
'Comme quoi?'
"Eh bien, pour résumer, ni son nom, ni le nom de l'entreprise, ni les noms de ses clients, ni aucun autre nom, date, lieu, et ainsi de suite, ne pourront être mentionnés dans cette interview."
'Que veux-tu dire, 'et ainsi de suite'? Vous venez de tout énumérer avec des noms, des dates et des lieux, mieux connus sous le nom de faits, alors que reste-t-il à écrire ?"
« Monsieur Levy, ce sont nos conditions. Sinon, ça s'arrêtere ici et maintenant."
(...) l'idée fausse selon laquelle on reçoit un secret sur la vie à chaque anniversaire après ses dix-huit ans. Mais c'est le contraire qui est vrai, chaque année les cadeaux diminuent et seuls ceux qui envoient encore des vœux d'anniversaire sont ceux qui, par automatisme sur Facebook, écrivent 'Joyeux anniversaire' sur le profil d'un défunt. La seule chose que tu obtiens comme compréhension de la vie, c'est que personne d'autre ne le sait non plus, même s'ils sont doués pour prétendre le contraire.
(chapitre 4)
"Tu sais ce que j'aime tant dans les jeux ?" Je secoue la tête, même si sa question était clairement rhétorique. "C'est qu'au début, on nous explique toujours comment y jouer. Quels boutons utiliser, et ainsi de suite. La vie devrait commencer de cette façon, avec une explication et un essai. Et si ton personnage ne te plaît pas, tu peux en choisir un autre. T'attribuer d'autres qualités, une autre apparence. Nous sommes vraiment trop vite satisfaits de ce qui nous est offert."
(chapitre 8)
Pendant ces quelques semaines d'écriture derrière un écran d'ordinateur, Bruxelles s'est transformée sans moi en une ville sans gêne. Je ne serais même pas surpris si le plan des rues formait un FUCK YOU vu d'en haut. Avec encore plus de manifestations, parfois deux en même temps qui se croisent et se contaminent mutuellement avec leurs slogans, de sorte que l'on entend des cris tels que : 'Nous voulons plus de moins, nous voulons plus de moins.'
(chapitre 11)
Enveloppés dans leurs costumes jamais rafraîchis ni remplacés, ils dorment brièvement dans les rames de métro ou sur les trottoirs, pour ensuite retourner travailler. Des individus dépouillés de leur identité en tant qu'êtres humains, ne laissant que celle d'employé et de consommateur. Comme s'il s'agissait d'un acte désespéré pour maintenir cette économie en marche en arrêtant toutes les activités qui ne génèrent pas d'argent.
(chapitre 15)
Une expérience aussi terrible que lorsque le Fonds pour les Lettres a fait venir des éditeurs d'Allemagne pour vendre des auteurs locaux et que je me suis retrouvé coincé pendant une heure avec quelqu'un d'une maison d'édition qui ne publiait que des écrivains décédés. Ainsi, chaque tentative de vendre mon propre travail était balayée par le cliché qu'il ne pouvait pas m'aider tant que j'étais encore en vie.
(chapitre 10)
Le complexe du métro vomit des gens en torrents incontrôlables, tel un monstre malade. Avec des visages en sueur et des vêtements souillés, ils apparaissent après leurs 12 heures de travail au bureau, passant la moitié de leur vie sous des lampes fluorescentes, et bien trop souvent y trouvant leur fin, un phénomène si fréquent qu'un mot a été inventé en japonais pour "mort par surmenage".
(chapitre 15)
Le concept de "chez soi" est devenu incompréhensible.
(chapitre 15)