Les gens qui font peser sur leurs concitoyens une dictature cruelle, ont connu probablement, eux aussi, la même angoisse de ne pas recevoir ce qui leur était indispensable; ils ont eu la même certitude que ce qu'ils désiraient devait être arraché par la violence, et que l'unique moyen d'obtenir quelque satisfaction, était de se montrer plus fort: les frustrations excessives qu'ils ont endurées, leur ont fait penser que les autres n'avaient pour but que de les empêcher de satisfaire leurs désirs.
Le silence que tu conserves farouchement, celui que, de mon côté, je garde en ne te posant jamais de questions sur ce que tu veux cacher, ce silence est devenu entre nous, il me semble, une autre forme de parole: tu as perçu, tu perçois peu à peu que c'est du fait de mon désir de te ménager, qu'à ce propos je ne dis rien; cela contribuera peut-être à faire que, plus tard, les mots pour toi deviennent possibles.
Il nous faut comprendre que si dans notre enfance nous avons souffert, si parfois nous souffrons encore, il nous est permis de le dire, et de nous pencher sur ces souffrances, bien que d'autres personnes connaissent des problèmes plus grand encore; raconter ses difficultés, se souvenir également de ce qui a été douloureux, pour nous aussi est légitime.
Pour chaque larme que tu aurais souhaité répandre, j'aimerais, quoique tu ne sois plus un enfant, pouvoir t'embrasser; pour chaque moment de mépris que l'on t'a infligé, je te montrerai un respect tel que l'on ne peut en trouver de plus grand dans le monde.