Une raison de survie
Mes poèmes demeureront
brillants sur tes doigts
comme des perles de nacre
une manière de prévenir le temps
qu’il ne saurait pas tout détruire
car je suis mandaté
à garder tes doigts
qui cherchent dans le sommeil mon corps
perdu entre les étoiles
*
[Un motiv de supraviețuire
Poemele mele vor rămâne
strălucind pe degetele tale
ca niște bobițe de mărgăritar
un fel de a preveni timpul
că el nu poate distruge tot
că eu sînt pus aici
să păstrez degetele tale
care îmi caută în somn trupul
pierdut printre stele]
(p. 37)
Les belles de nuit
L’esclave du silence tourne le coin,
S’adosse aux murs géants,
Et la chaux pudique de ses joues
S’éteindra pendant les noces.
Le poète en vêtement de pourpre
Accueille l’aube, l’aube
Blanche, et blanc caveau
De nos belles de nuit.
(traduit du roumain par Dumitru Tsepeneag)
Été spectral
Ô, quel chat en jaune sommeil
Tend sa patte douloureuse
Je suis sa longue griffe
Qui touche un enfant sidéral.
Elle est pressée, l’ombre pas sur les paravents,
Le soleil est un vent presque noir
Et seule la force d’une chaîne
Brûlante et sonnante me donne du courage.
Ne capitule pas, mon bien-aimé,
Bouge à gauche, à droite,
Tel un pendule qui mesure le temps
Et chante pour chaque heure qui se meurt.
(traduit du roumain par Dumitru Tsepeneag)
Corps blanc
Tu quittes le jeu le front blême
tu lèves tes yeux vers la lune
et les rayons que tu as volés
provoquent des auréoles boréales
l’ours blanc traverse l’océan sur un iceberg
depuis longtemps
une cloche
résonne dans le profond du soir
pourvu que la terre de mes yeux
s’en aille elle aussi
pour ne plus chercher le malheur
de ces navires d’argent
passe maintenant
avec le drapeau de glace
et le regard fixe
mon amour impassible
(traduit du roumain par Dumitru Tsepeneag)
La poésie
Je regarde à travers la dentelle
Secouée par des vents amers,
Et quand je le vois apportant la pluie
Mes doigts sont blancs et longs comme ceux du piano.
Au-delà du rideau où je regarde perdu
Le singe de mon rêve serre dans ses bras
Les cordes de la pluie et continue de grimper
Et de flirter avec les feuilles plus ou moins fausses.
Le sourire dans le temps qui passe
Se transforme en rire que je déteste.
Assis dans ma chambre je fais des hypothèses,
Dehors saute de branche en branche
Le singe de mon rêve.
(traduit du roumain par Dumitru Tsepeneag)
Là-bas
au ciel mon amour passent tes jours
et le temps est si léger que même moi
je ne réussis pas à arracher une plume
à ton aile suave et sa mélancolie
chaque jour un soleil blond
comme toi tente en vain comme toi
d’illuminer mes yeux
ainsi mon amour s’en vont tes jours
et s’il est encore au ciel pour nous
une tombe sainte et sans croix
souriante dans le crépuscule calme
nous allons murmurer : oui c’est là-bas.
(traduit du roumain par Bernard Noël et Dumitru Tsepeneag)
La montagne
Froide est la montagne à l’aube
abandonnée par l’oiseau noir,
ô quel chant j’entendrai
de sphère qui bat de l’aile dans mon sang.
Les nues tombent dans le désert,
les eaux embrassent le navire
de verre plus propres même que
ce sourire fier de personne.
La montagne traverse les mers
blancs oiseaux se détendent
en paix, au loin
des chants résonnent.
(traduit du roumain par Dumitru Tsepeneag)
De la splendeur
Il y a un silence profond
mais la ville a moins de splendeur
un ange est là qui voyage
sans guide par ici s’il vous plaît
Qu’en penses-tu ma chère
nul malheur ne le guette
plus horrible que cette épine
qu’on voit dans la plante de ton pied radieux
dis-moi ma chère
toi qui sais que je n’ai rien aimé
plus vivement au monde que la sagesse et la paix
d’un tilleul lumineux devant la mer
penses-tu que l’ange
qui erre par ici
connaîtra quelque malheur
tout à fait imprévu
crois-tu qu’il va vers l’amour
crois-tu qu’il va vers la mort
(traduit du roumain par Bernard Noël et Dumitru Tsepeneag)
Vers les soleils
Il lâche la main le chien de l’air
Aux ailes plus longues grâce à son maître
Impassible dans son oubli de soi
Le poète prie et creuse sa caverne crépusculaire
Bleue frondaison pour les jours de vacances
Lorsque l’adolescence regrettable s’en va
Et la lumière déferle sur les villes, les pousse
Du sable dans les vagues de la mer.
Ô, avec des soupirs Vénus
Tendra ses bras perdus,
Leur nuit nous entraînera toujours
Vers les soleils des profondeurs en brûlantes convulsions.
(traduit du roumain par Dumitru Tsepeneag)