Arrivé en courant, Bagou, le boxer de Robert se positionne devant le lac et en sillonne le bord nerveusement tout en regardant vers le large. C’est à ce moment qu’elle aperçoit une toute petite main sortant des flots puis coulant à pic. D’instinct, le chien se lance à l’eau en aboyant. Gabrielle sent son cœur se resserrer comme s’il était comprimé par un étau.
— Oh, mon Dieu! se dit-elle avec horreur. Non, pas ça! Restez dans la chambre, crie-t-elle à ses enfants.
Elle ouvre la porte à la volée et dévale l’escalier extérieur le plus vite qu’elle le peut. Ses jambes tremblent. Le battement de son cœur résonne jusque dans ses oreilles. Angoissée, terrifiée même, elle court jusqu’à la plage, retire ses chaussures en catastrophe et s’élance à grandes enjambées dans l’eau peu profonde avant de poursuivre son périple à la nage. La température y est si basse qu’elle en a des crampes dans les mollets. Elle se rend jusqu’au second quai, se hisse dessus et, en compagnie du chien, scrute intensément les eaux. Bien que le lac soit clair, l’obscurité empêche d’en voir le fond. Elle a beau chercher partout, elle ne voit rien… pourtant, elle est sûre que quelqu’un s’y trouve…
— Flic flac!
Le clapotis vient de sa droite. En se retournant, Gabrielle aperçoit des sillons… dans la section plus au nord où de gigantesques algues envahissent le sol et remontent jusqu’à la surface, mesurant, par le fait même plusieurs mètres de long. C’est justement dans cette direction que Bagou concentre son regard. Il n’y a pas d’autres solutions… Elle plonge. La froideur de l’eau dans cette portion du lac est saisissante. Dès les premiers instants, Gabrielle sent le danger. À chaque mouvement qu’elle fait, les algues gluantes et glissantes s’enroulent autour de ses bras et de ses jambes comme si elles tentaient de l’aspirer vers le fond. La karatéka regarde partout autour d’elle, mais elle ne voit que les plantes aquatiques. On dirait qu’un mur vert et brun se forme autour d’elle. Rapidement, elle manque d’air. Elle entend les aboiements du chien qui refuse de plonger dans cette partie du lac. Elle regagne le quai pour replonger.
Cette nouvelle tentative s’avère encore plus pénible. Cette fois, les algues se glissent autour de son cou et se resserrent. La panique la gagne. Son cœur bat trop fort et ses poumons réclament plus d’oxygène. De peine et de misère, elle remonte à la surface, haletante, en se débattant frénétiquement pour se dégager. Le boxer tire sur sa manche pour l’aider à se hisser. « Je n’y arriverai pas », se dit-elle avec désespoir. Mais elle sait qu’elle n’a pas le choix. Elle n’a pas le temps de retourner chercher du secours à l’auberge. Le délai serait trop long. Elle doit y retourner. Devinant l’urgence de la situation, Bagou la pousse avec son museau. Elle respire profondément à quelques reprises pour se calmer puis replonge. Elle est épuisée. Ses poumons brûlent. Encore une fois, les algues s’enroulent autour de ses membres et de son cou. Elles s’agrippent à ses cheveux et l’empêchent d’avancer. Elle a l’impression qu’elles se sont multipliées. Leur texture visqueuse ne permet pas de s’y agripper. Si Gabrielle en serre une dans ses mains, elle sent les feuilles poisseuses se dissoudre et il ne reste qu’une tige glutineuse qui lui lacère la peau. L’eau se brouille de plus en plus. Bientôt, on n’y verra plus rien.
Dans la chambre, Mathieu et Alice sont rivés à la fenêtre, angoissés par ce qui est en train de se produire. La pénombre voile leur vision. Seuls les rayons de lune leur permettent d’entrevoir les plongeons successifs.
— Maman a besoin d’aide? demande anxieusement Mathieu à son aînée.
— Oui…, souffle-t-elle. Concentre-toi. Prends ma main.
Pratiquement tout le monde reconnait une émotion pure et vive quand il en voit une. Là où les choses se compliquent, c’est que, généralement, on camoufle nos véritables sentiments pour rester poli, ne pas blesser, ne pas subir de conséquences, ne pas se dévoiler et se rendre vulnérable, bien paraître, ne pas envenimer les choses ou générer une dispute, etc. Qui plus est, il y a une foule de situations dans lesquelles on ne souhaite pas divulguer notre ressenti ou une information sans pour autant qu’il y ait réellement une émotion derrière l’omission. En effet, les menteurs ne sont pas tous mal à l’aise de cacher la vérité. Plongez dans votre mémoire. Il y a eu des instants où, possiblement, vous vous êtes senti justifié d’omettre certains éléments ou d’enrober un peu la réalité.
À la naissance, le cerveau humain est une éponge. Il apprend et absorbe ce qu’on lui enseigne. Le sens de l’écriture vient fixer dans notre esprit le début d’une phrase et la fin de la ligne, ce qui est déjà écrit et ce qui est à venir. C’est pourquoi, dans la logique externe, chez les gens qui ont appris à écrire de gauche à droite, le passé est situé à gauche et l’avenir à droite alors que, chez les Arabes, c’est l’inverse puisque cette langue s’écrit de droite à gauche.
Marchant près de l’eau avec ses enfants, Gabrielle ramasse
des colimaçons, des coquilles d’huîtres et des roches aux
couleurs particulières qu’elle entasse dans une petite chaudière
rouge au grand bonheur d’Alice et Mathieu. Daphné
s’est jointe à eux.
— Je te sens tourmentée. J’ai trouvé Marc bien distant avec
toi ce matin…
Cette confidence anodine touche la cible. Habituée à
rationaliser ses émotions, la karatéka cherche les mots
pour exprimer le fond de sa pensée.
— Tu sais, des fois, d’en parler comme ça vient, ça permet
de mieux comprendre, de faire le point, l’encourage son
amie.
— Je ne sais pas trop quoi dire. « Ce que l’on se conçoit
bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent
aisément. »
— Ha ! Ha ! Ha ! Angélique l’aimerait cette citation. Je
vais la retenir.
Bien des gens se montrent de prime abord réticents à la synergologie parce qu’ils ne connaissent pas du tout le sujet et craignent qu’il ne s’agisse d’une sorte de don ésotérique (ils sursautent alors en voyant les recherches universitaires sérieuses). Et il y a ceux qui ne veulent surtout pas se « découvrir ». Lise détestait l’idée que je puisse déceler certaines choses, même si mon attention était sur mon étude et non sur elle ! Il lui a fallu plusieurs semaines avant de trouver le courage de me contacter et de « m’expliquer » sa peur que je ne dévoile ses « secrets » si personnels et si intimes alors que je ne m’intéressais pas du tout à son non-verbal !
Quand on ne veut pas voir quelque chose, on ferme les yeux. Quand on préfère garder pour soi une information, notre bouche se clôt et souvent, on met notre main devant. Quand la situation nous apparait compliquée, on se gratte le front.
À la naissance, le cerveau humain est une éponge. Il apprend et absorbe ce qu’on lui enseigne. Le sens de l’écriture vient fixer dans notre esprit le début d’une phrase et la fin de la ligne, ce qui est déjà écrit et ce qui est à venir. C’est pourquoi, dans la logique externe, chez les gens qui ont appris à écrire de gauche à droite, le passé est situé à gauche et l’avenir à droite alors que, chez les Arabes, c’est l’inverse puisque cette langue s’écrit de droite à gauche. Dans la logique interne, comme l’individu se positionne au centre de l’action, il installe le passé derrière lui et le futur devant lui.
La bouche est très difficile à contrôler en raison de la présence de muscles involontaires. Observez-la bien. Elle se referme plus serrée quand l’employé ne veut pas parler. Les lèvres tremblent sous l’effet de la peine ou de la colère. Les commissures descendent avec la tristesse ou le dégoût. Ce sont souvent les minuscules soubresauts de la lèvre supérieure ou du muscle juste au-dessus qui m’indiquent que la personne vit une émotion trop intense et est envahie par elle. Une bouche détendue et entrouverte est rassurante, car elle témoigne du relâchement de l’individu et du désir de communication.
Les émotions négatives (peur, colère, tristesse, etc.) sont aisément identifiées. Les émotions positives sont plus difficiles à distinguer entre elles, sauf pour le rire qui est facilement reconnu.
Peu importe notre origine, le cerveau est constitué de la même façon. Tout le monde vit des moments de tension musculaire et de relâchement. Tout le monde garde des états pour soi et certains, au contraire, sont orientés vers les autres, qu’ils soient positifs ou négatifs. Tout le monde exprime un jour ou l’autre des propos inexacts ou erronés et, dans d’autres cas, inhibent certaines vérités.
Peu importe notre origine, le cerveau est constitué de la même façon. Tout le monde vit des moments de tension musculaire et de relâchement. Tout le monde garde des états pour soi et certains, au contraire, sont orientés vers les autres, qu’ils soient positifs ou négatifs. Tout le monde exprime un jour ou l’autre des propos inexacts ou erronés et, dans d’autres cas, inhibent certaines vérités. Or, on sait quelle zone cérébrale gère les émotions. On sait aussi laquelle s’occupe de la logique et du raisonnement et laquelle est en lien avec les pulsions.