Les paroles de ma grand-mère s'imposent. "Coeur qui soupire n'a pas ce qu'il désire", me répétait-elle souvent.
Mon objectif était d'atteindre la marque à hauteur de sa taille à lui, la plus haute de la famille. Constater que je m'en approchais chaque jour un peu plus, me rassurait. Quand, enfin, mon encoche a daigné dépasser celle de mon paternelle, au lieu d'en éprouver l'orgueil escompté, j'ai réalisé avec effroi que, si lui ne grandissait plus, il continuait de vieillir. Et à cet instant-là, alors que je n'étais déjà plus un enfant et que mon père n'était plus une montagne, j'aurais voulu que plus rien n'évolue et profiter de mes parents, d'égal à égal.
Province du Guangxi,Sud-est de la Chine
24 août 1907
Shushan,
Tout le monde me connaît aux alentours.
Cependant ,il serait plus exact de dire que l'on croit me connaître .On me rencontre quotidiennement ,on m'adresse la parole ,on me sourit......
Néanmoins personne ne sait l'essentiel ,jusqu'à mon nom de naissance. Nul n'imagine qui je suis en réalité. Ceux qui m'appellent Sushan sont les rares survivants d'une lointaine époque où je n'étais qu'une petite fille.Ils se comptent dorénavant sur les doigts de la main.( Page 11) .
L'écriture est un enchantement que l'on s'offre à soi-même, une liberté aussi, un refuge, un havre de paix, un épanouissement. Dans ces moments de solitude heureuse, le lecteur n'est jamais loin. Il est une entité abstraite, lointaine, mais il est là. Car on écrit pour diffuser des rêves, des histoires, des pensées, pour transmettre des souvenirs des connaissances...
Alors, quelle fabuleuse récompense pour celui qui écrit que d'être lu !
Les Balinais font preuve d'une telle délicatesse ! La valeur accordée à l'esthétisme se retrouve dans chacun de leurs gestes.
Je me dis que c'est lors de ces moments - dans ces instants anodins, ces mimiques, ces œillades, ces gestes, ces demi-mots, ces silences... dans tous ces détails, si infimes soient-ils - que l'amour transparaît.
Page 46
Remonter à la surface, retrouver sa place dans la turbulence de la vie, un pincement au cœur qui persiste, celui de l'avoir perdu, lui. Respirer l'air libre et poursuivre sa journée. Se laisser enrober par la chaleur étouffante d'un Paris au mois d'août avec ses senteurs de bitume fondu, et n'y prêter aucune attention. Marcher sans distinguer grand-chose, alors que le bel inconnu du métro ne cesse de s'interposer par bribes, au milieu des pensées les plus impénétrables. Croiser des gens et chercher des ressemblances afin de préciser une réminiscence qui pourrait bien finir par s'évaporer complètement. Se rendre à l'évidence qu'il n'est absolument pas possible de reconstituer son portrait, que ce qu'il en reste est cruellement fuyant, parfaitement insaisissable : il paraît, presque, vous narguer.
Page 22
l'amour est comme un élastique. A force de l'étirer, il se distend. Parfois il se casse.
Nous ressentons l'intuition de nous voir pour la deuxième fois,quand nos regards ,miroirs de l'âme, se croiseront.
Et,indubitablement, nous éprouverons les uns envers les autres,des sentiments véritablement profonds,enrichis au fil du temps.
Des sentiments ,qui nous étonneront, tant par leur force que par leur évidence.
Une simple impression de déjà-vu.(Page315).
PROLOGUE
Comté de Galway ,République d'Irlande
1938
Brighid
Je suis ce que nous appelons communément une orpheline ,une enfant illégitime pour plus de précision.
Une âme perdue.
Les soeurs de l'ordre de St Mary's Mother and Baby Home recueillirent le nourrisson que j'étais ,abandonné un matin de décembre au nord de Galway sur le perron de la cathédrale Notre- Dame -de-l'Assomption.Elles l'appelèrent Brighid et subvinrent à ses besoins durant l'âge tendre.( Page 9).